Comment qualifier le phénomène auquel on assiste depuis des années sinon de « corruption », au sens d’une corrosion lente de notre esprit républicain ? Ce processus, qu’il faut analyser en détail, n’est d’ailleurs pas sans rapport avec le « déshonneur des élites » auquel j’avais fait allusion voici quelque temps. Il en est en réalité une nouvelle manifestation.
Jacques Chirac a incontestablement ouvert la voie. Je ne veux pas ici faire allusion aux innombrables affaires auxquelles l'ancien Président de la République a été mêlé, mais à la manière dont il a exercé sa fonction : la pratique institutionnelle étant devenue alors de pure convenance personnelle. Que l’on se souvienne :
* Une dissolution décidée en 1997 uniquement pour ne pas avoir à faire appel à la fraction de la majorité qui n’avait pas soutenu sa candidature…
* Le refus de tirer les conséquences des conditions de sa réélection obtenue pourtant à 80%, en restant concentré sur son camp, j’oserais dire sur son clan…
*Le maintien contre vents et marées, malgré les déconvenues électorales et au point de faire perdre le référendum sur le Traité constitutionnel, d’un Premier ministre déconsidéré, Jean-Pierre Raffarin, pour ne pas avoir à nommer Nicolas Sarkozy à la tête du Gouvernement…
* Et pour clore la séquence, l’annonce du maintien de la loi sur le CPE et, dans le même mouvement, celle de sa modification immédiate, cédant, au prix du ridicule, à la pression de son Premier ministre d’alors…
Jamais un chef de l’État n’aura autant donné l’impression de l’avoir été aussi peu.
Le processus amorcé depuis l’élection de Nicolas Sarkozy est de nature différente mais aboutit au même résultat. Son objectif n’est pas, contrairement à l’esprit de la Vème République, de rassembler les Français autour d’un projet, mais au contraire de diviser à l’extrême ses adversaires en jouant de leurs antagonismes, en profitant surtout de leurs faiblesses, au point de les priver de toute crédibilité. Et il y parvient au-delà du raisonnable.
La République est, en effet, en déséquilibre puisque le chef de l’État fait tout pour ne plus avoir en face de lui de véritable opposition, c'est-à-dire, non pas une force capable de le critiquer (elle ne s'en prive pas), mais d’offrir une alternative à sa politique et à son action. La réunion du Congrès en témoigne à l’excès : l’intervention du chef de l’État a suscité immédiatement la dispersion de ses opposants sur des lignes antagonistes. Si bien qu’à la parole présidentielle n'a répondu qu’une cacophonie de grognements et de protestations plutôt qu’un discours articulé. Le ton qu'il a employé a le même objet : après son intervention devant l'OIT, il s'agit d'occuper un espace idéologique qui va de la droite au centre gauche, mêlant les références à Jaurès et Albert Thomas à l'exigence d'une régulation économique et sociale que les altermondialistes pourraient faire leur.
Ne reste plus, sur son piédestal, que la figure du chef de l’État. Les conséquences de cette situation sont évidemment redoutables : nos citoyens perdent confiance ; les corps intermédiaires de toute sorte sont vidés de leur substance ; le dialogue social instrumentalisé. La « corruption » de la République est bien à son comble : si l’on peut régner sur un champ de ruines, on ne peut gouverner ainsi une République…
Gaëtan Gorce
Gouverner en dévoyant les idéologies, les personnes, les institutions ,les syndicats tout y passe : La confiance sera durablement absente de la politique. Le PS n'échappe pas , loin de là,à cette spirale très dangereuse pour la république. Il va falloir restaurer une "morale" politique , pas moins , le chemin sera long et difficile ! La démocratie a perdu de sa superbe : lui redonner de l'éclat doit être l'impératif de la campagne de 2012...
Rédigé par : Michèle PAYS | 24 juin 2009 à 07:22
Pertinent, mais attention à ne pas tirer comme conclusion qu'il faudrait revenir aux bonnes vieilles pratiques d'antan.
L'exercice du pouvoir a changé et devra changer dans ses formes, c'est évident, car le rôle du président comme arbitre est devenu caduc. L'autisme de l'éxécutif est aujourd'hui encore une réalité, malgré les semblants de dialogue social, et il est remarquable de constater à quel point les conséquences en sont grandes. L'exemple de la réforme de la formation des enseignants ainsi que du statut des enseignants-chercheurs est éloquent: faute de dialogue, une réforme qui aurait pû être bonne nous a plongé, dans mon université, dans quatre mois de blocage.
Pour ce qui est de la division que provoquerait Sarkozy au sein du PS, ce n'est qu'à moitié vrai. Il ne fait, en réalité, que provoquer la démonstration de ce que l'on sait. Faute de réflexion de fond, enfermé dans la recherche de solutions pratiques et non de réponses éthiques, idéologiques, faute d'accepter de tirer les leçons de ses échecs, le PS est devenu un parti gestionnaire sans réelle unité philosophique, comme le prouvent les départs de Bockel ou Besson, ou encore le caractère inaudible du discours socialiste.
Dans une France qui se cherche, et qui cherche avant tout du sens, une France qui regarde "Bienvenue chez les chtis" et "Home", une France qui préfère le hérault de la joie de vivre Cohn-Bendit et la stature morale d'Eva Joly à l'excellente gestionnaire Martine Aubry, le PS parle encore d'emplois aidés et d'aides publiques.
Rédigé par : Fabien Moreau | 23 juin 2009 à 18:13