Résumé : Échappant aux œillères que nous impose l'agenda électoral et refusant les discours triomphants de ceux qui proclament la mort du socialisme, Gaëtan Gorce nous propose de retracer l'histoire de cette idée. Au travers de ses évolutions, mais aussi de sa permanence, il en livre l'essence, le principe, comme une base sur laquelle bâtir le futur de la gauche.
Pour un membre de la société politique, retracer l'histoire d'un pays ou d'une idée est un exercice toujours intéressant. A l'heure où se multiplient les livres-programmes, il devient judicieux et peut sembler nécessaire, lorsque l'on prétend participer à l'élaboration des décisions qui pèseront sur l'avenir, de faire un pas de côté et de contempler le chemin tracé par les anciens, duquel notre présent découle et dans lequel il s'inscrit, depuis nos pensées jusqu'à nos actes. Avec L'Avenir d'une Idée, une histoire du socialisme, c'est à ce pas de côté, à ce détour par le passé que nous convie Gaëtan Gorce. Bien sûr, comme son titre le laisse entendre, l'histoire n'est pas le seul enjeu de cet ouvrage; sous bien des aspects, il tient du manifeste, d'une défense et illustration du socialisme en tant qu'idée, philosophie et principe d'action politique. Le sénateur-maire de La Charité sur Loire ne cache pas, ce faisant, qu'il réagit à un contexte. L'Avenir d'une Idée répond au Passé d'une Illusion de François Furet, comme ce retour à la question: "Qu'est-ce que le socialisme?" s'oppose à celles et à ceux qui proclament trop vite son décès, pour lui substituer la social-démocratie ou s'enorgueillir de la victoire d'un libéralisme mal défini dans la "bataille des idées".
L'histoire, cependant, n'est pas plus un prétexte qu'elle n'est cantonnée au rôle d'ornement. A la base de ce livre, il y a un cours que Gaëtan Gorce a donné à Sciences Po. Dans ce cadre, l'auteur a lu ou relu nombre d'essais et études consacrés au socialisme, soit, mais plus généralement à l'histoire contemporaine depuis la Révolution française. A ces travaux universitaires, il a ajouté un retour aux textes originaux, si bien qu'aux côtés de Michel Wieviorka, Marcel Gauchet ou Claude Lefort resurgissent des noms connus et moins connus, Jaurès et Marx, bien sûr, Blum, Mendès-France, mais aussi Fourier, Owen, Saint-Simon ou Proudhon. Le liste est longue, de ces auteurs français et étrangers, socialistes ou non, mais Gaëtan Gorce ne se contente pas d'en citer les noms, il les fait dialoguer page après page, chapitre après chapitre. C'est ainsi que nous suivons l'évolution de l'idée socialiste depuis ses premiers frémissements à l'enthousiasme romantique, cette réaction aux bouleversements politiques et économiques qui ont abattu les cadres de l'Ancien régime sans parvenir à en produire de nouveaux, aptes à garantir les libertés tout juste acquises. Nous voyons comment ils débouchent sur l'invention de la société et des disciplines s'y attachant, en premier lieu la sociologie, mais aussi, avec Marx, l'élaboration d'une critique des théories libérales de l'économie. Enfin, nous assistons aux adaptations de l'idée socialiste à la démocratie représentative, à ses exigences comme à l'exercice du pouvoir et aux instruments du pouvoir, parmi lesquels le plus marquant reste l'État, dont l'essor depuis le dix-neuvième siècle fut au moins aussi spectaculaire que celui du capitalisme avant de stagner aujourd'hui.
Julien CROS
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