"Pape de transition", "Premier secrétaire par intérim", etc… : depuis quelques jours, les commentaires fusent depuis Solférino pour relativiser le choix que Martine Aubry s'apprête à opérer seule, ou presque... Comment ne pas voir dans cette attitude une forme de mauvaise conscience ? À force d'entendre nos protestations, il semble qu'un ou deux hiérarques se soient rendus compte de l'incongruité de l'affaire. Mais leurs arguments résonnent curieusement. « S'il n'est pas si grave de confier le parti à un second couteau dans une parfaite opacité, c'est que le rôle qu'il aura à jouer au cours des prochaines années sera somme toute secondaire » cherche-t-on a nous faire accroire !
Quel aveu ! N'est-ce pas reconnaître que l'on n’attend rien du parti dans la période qui s'ouvre ? Et assumer qu'un Premier secrétaire issu de la faveur du prince n'aura ni légitimité ni autorité pour s'imposer comme un partenaire du gouvernement ni comme arbitre de nos affaires internes ? Qu'attendre d'un favori qui ne pourra s'appuyer que sur les ambiguïtés d'un accord « au sommet » ? Qu'espérer de celui que l'on affuble déjà du titre d'intérimaire ?
La période est pourtant redoutable qui nécessiterait une capacité à mobiliser et à entraîner, une aptitude à organiser la réflexion collective, voire à anticiper les grands débats, en particulier sur l'Europe, avec une volonté d'ouvrir le parti et d'innover dans ses rapports avec les citoyens. Que pourra oser ni même entreprendre un Premier secrétaire choisi par défaut ? Et que l'on aura pris soin d'entourer d'une « équipe » (comprenez d'un conseil de surveillance) où se retrouveront les représentants de toutes les écuries ministérielles (et peut-être même présidentielle, puisqu'à force d'erreurs tactiques l'on est en train de réduire le Président à n'avoir qu'un clan parmi d'autres pour ami). Là n'est sans doute pas le moindre des défauts de cette pauvre cuirasse : aucun vote n'est encore intervenu que déjà les places sont réparties entre seigneurs de toute importance qui ne manqueront pas d'y déléguer de jeunes affidés déjà rompus au combat d'appareil. Bonjour tristesse !
Les conséquences de tout cela seront plus graves que l'on veut bien l'admettre. Pour garantir la paix d'aujourd'hui, l'on crée les conditions les plus favorables aux guerres de demain. On ne désarme pas les clans, on les conforte. On ne leur impose pas un chef mais à peine un « primus inter pares », dont la contestation deviendra, à la première difficulté, le sport préféré des dirigeants socialistes. L'on ne peut rien construire de bon sur ce qui est factice. Fausse élection, faux consensus, faux-semblant, mais vraie faute politique !