Réduit à suivre de chez moi, du fait du réveil inattendu d'une vieille hernie discale, une actualité fournie, comment résister à l'envie d'en faire le commentaire ?
Je ne dirai rien d'abord de la merveilleuse harmonie qui règne de nouveau à l'UMP, mon état ne m'autorisant pas à tirer sur les ambulances. Inutile, également, d'en rajouter sur l'affaire Depardieu, chacun devant savoir depuis longtemps que la qualité des rôles et des interprétations est sans rapport avec celle des hommes ou des femmes qui s'y illustrent.
Restent les vrais sujets et d'abord le Mali. S'il est facile de comprendre les raisons qui ont conduit le Chef de l'Etat à prendre la décision d'intervenir militairement, l'on ne peut manquer de s'inquiéter des conséquences d'un engagement qui nous place en première ligne. Une fois de plus sans avoir eu le temps d'informer le Parlement ni d'en expliquer les enjeux à l'opinion qui approuve d'autant plus facilement cette action aujourd'hui qu'elle pourra la répudier demain aux premières difficultés. Rien ne serait plus préoccupant que de voir trop longtemps nos forces esseulées sur le terrain, nécessairement exposées sans qu'émerge par ailleurs une volonté des pays voisins d'apporter une solution complète au problème de la présence de terroristes islamistes au Sahel. L'attitude de l'Algérie sera ici déterminante qui détient les clefs d'un règlement véritable et durable sans lequel l'enlisement est probable. D'autant que le fait que nos hommes soient amenés à combattre directement, parfois au corps à corps, des militants islamistes, à l'instar des États-Unis en Irak ou en Afghanistan, ne pourra pas être sans conséquences sur l'image et plus encore la sécurité de la France. Ajoutons, enfin, au chapitre des effets pervers le retour du Tchad dans la partie et, du coup, la perspective de voir s'éloigner toute tentative sérieuse d'obliger Deby, dans ses conditions, à assumer ses responsabilités dans l'affaire Ibni.
L'autre grand dossier est intérieur et de nature sociale. Je fais partie de ceux qui se réjouissent de l'accord signé par une partie seulement, c'est vrai, des partenaires sociaux, parce que l'on ne peut en appeler à la négociation et ne pas en tirer les conséquences quand elle aboutit. D'autant que les autres options proposées relèvent de la gesticulation, des nationalisations ponctuelles à l'obligation de vendre une société en difficulté. Ce n'est pas rendre service aux salariés que de les entraîner sur de fausses pistes et je déplore la tentation permanente d'y céder qui travaille encore trop des socialistes. Les vrais réponses résident dans la mise en place de garanties sociales (rémunération, droit à la formation, couvertures sociales) indépendantes du maintien de l'emploi donc du contrat de travail pour mettre les salariés les plus exposés et les précaires à l'abri des aléas professionnels. Elles tiennent aussi dans un renforcement du rôle des syndicats dans l'entreprise. L'accord amorce ce mouvement et il faut l'appuyer... pour inviter ses signataires à aller ensuite encore plus loin. À défaut, ce sera le blocage : désavouer les signataires reviendrait à condamner pour l'avenir toute perspective de négociation et d'entente future. Ce qui en début de mandat constituerait une terrible erreur !
Reste que cet accord, sauf peut-être dans sa dimension "maintien de l'emploi" pourtant vivement contestée, n'aura guère d'effet sur le chômage. Et la campagne engagée sur ce sujet par le PS a tout de la méthode Coué. D'abord parce que l'on n'imagine pas un parti se mobiliser en faveur du chômage. Ensuite parce qu'il ne nous dit pas comment parvenir à le faire reculer. Chacun sait bien que ni les emplois d'avenir ni les contrats de génération n'y suffiront : la vague est trop haute. Il faudrait pour l'endiguer une reprise de la croissance dont l'Union européenne semble se désintéresser, et la réussite du plan de compétitivité lancé par le gouvernement : mais les 20 milliards d'euros de crédits d'impôts n'auront alors pour effet que de reporter sur nos voisins la part des difficultés que le développement de nos exportations nous aura permis de résoudre ! Aussi serait-il préférable de reconnaître la réalité de la situation et d'agir en conséquence sans chercher à égarer l'opinion. La priorité pourrait être ainsi de tout mettre en œuvre pour que chômage ne rime pas avec inactivité. Pour y parvenir, la mobilisation de tous les acteurs locaux s'imposeraient afin de multiplier chantiers d'insertion, ateliers familiaux ou sociaux, bref, d'explorer tous les sujets où une utilité sociale avérée pourrait servir de support à un emploi aidé. Ce serait une manière d'associer la société à un combat dont elle reste, malgré elle, spectatrice et de garantir à chaque personne sans emploi sa dignité, en lui permettant de démontrer qu'elle est utile !
Quoi qu'il en soit et malgré ses qualités, cet accord ne sera pas sans créer des problèmes à la majorité. Non seulement il ne sera pas simple de le faire ratifier en l'état tant le groupe PS à l'assemblée compte désormais de spécialistes de la surenchère en chambre. Mais aussi et surtout parce que ce vote ne pourra manquer de marquer un peu plus la rupture avec le Front de gauche. Après s'être dissociée du reste de la gauche sur l'Europe, puis sur le Budget de l'Etat et enfin celui de la Sécu, le PC ne pourra manquer de rejeter le projet de loi que prépare Michel Sapin ajoutant une nouvelle divergence à une liste déjà trop longue. F. Hollande, qui avait pourtant depuis longtemps théorisé la nécessité en période de crise de ne pas se retrouver seul à gouverner, risque de devoir expérimenter une situation plus délicate. À moins que le Premier ministre comme le parti ne sachent (ne veuillent) renouer des liens rendus bien lâches autant du fait d'une forme de négligence du gouvernement à l'égard de la susceptibilité de ses partenaires que de l'incapacité de ceux-ci à vouloir prendre en compte tous les enjeux du moment . On aurait d'autant plus tort en tout cas de sous-estimer les conséquences d'un divorce que l'opinion est aujourd'hui hésitante, parfois aux marges de l'hostilité. Voilà des mois que je mets en garde contre une politique d'un bunker à laquelle rien ne serait pire aujourd'hui que de se résigner.
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