Dans mon précédent blog, j'évoquais la nécessité de mieux préciser notre vision de l'Europe et de proposer à nos partenaires allemands de nous retrouver sur une démarche commune.
Pareille suggestion ne résout pas, du seul fait d'être formulée, la question de sa faisabilité. Voilà plus d'un an, la première tentative engagée en ce sens par le Président de la République n'a-t-elle pas lourdement échoué malgré les promesses, vite déçues, d'un soutien à une bien pâlichonne croissance ?
Commençons par examiner les causes de cet échec venant après celui des tentatives qui l'avaient précédé.
La première tient à l'asymétrie des politiques suivies par les deux États.
Comment s'entendre en effet à partir de stratégies aussi divergentes que celles qui ont été conduites respectivement à Berlin et à Paris ? L'aigle allemand a pris soin de préserver son industrie en s'appuyant sur une forte tradition de coopération sociale tandis que notre coq gaulois assistait impuissant au déclin de ses entreprises abandonnées, qui plus est, aux méthodes de gestion (et de financement) anglo-saxonnes. L'un a, du coup, accumulé les excédents pendant que l'autre additionnait les déficits, en particulier du commerce extérieur. On comprend dans ces conditions qu'on regarde outre-Rhin nos demandes de solidarité comme l'énième tentative de la France d'échapper à ses responsabilités.
La seconde tient à la quasi-disparition de la Commission européenne qui, depuis la crise, s'est délestée de son rôle sur les conseils de chefs d'Etat et de gouvernements. Comme on pouvait le redouter, ceux-ci se sont rapidement révélés incapables de dépasser leurs divergences, ne parvenant qu'à répondre à l'urgence au fil des aléas provoqués depuis quatre ans par la crise financière.
C'est donc sur ces deux facteurs structurels d'affaiblissement de la relation franco-allemande qu'il faut agir.
D'abord, côté français, en admettant qu'il ne sera pas possible de faire adhérer l'Allemagne à un effort de relance sans s'engager de manière claire et nette sur un programme de réformes de structures qui n'est aujourd'hui qu'esquissé. A ce stade précis, l'on voit bien que la politique intérieure française vient contredire ce que dicte le bon sens européen. D'autant que la pression qu'exerce sur la demande la rigueur budgétaire actuelle risque d'étouffer la flamme d'une fragile reprise. C'est pourquoi il s'agit bien de faire le choix de réformes s'attaquant en profondeur aux causes de nos difficultés : il ne peut s'agir seulement de grappiller quelques économies ici ou là mais d'enclencher le long processus de retour de nos finances sociales à un équilibre durable ! De même, conviendrait-il, pour corriger notre perte de compétitivité d'engager un vaste plan de soutien à l'investissement, à l'innovation et à la recherche.
Ensuite, saisir l'occasion du renouvellement prochain de la Commission pour, avec l'aide du Parlement européen, faire émerger une personnalité forte à sa tête. Le couple franco-allemand, nous le savons, ne fonctionne bien....qu'à trois. Au point où nous en sommes, il est essentiel que Hollande et Merkel s'entendent sur une personnalité forte capable de faire revivre et d'incarner l'intérêt général européen.
Pareille réorientation permettra alors de s'attaquer enfin à la source de l'instabilité qui fragilise la zone euro, à savoir non pas l'importance de la dette publique mais l'impossibilité des États de la monétiser. Faute de garantie de rachat apportée par la BCE, un État peut donc théoriquement se trouver en faillite. Les derniers exemples en date d'un tel système conduisant également à l'impasse furent le régime d'étalon-or prévalant avant-guerre puis d'étalon de change-or issu de Breton Woods, qui tous deux s'effondrèrent quant les États choisirent de laisser flotter leur monnaie plutôt que d'acquitter une dette libellée en or dont les réserves n'étaient pas inépuisables.
Il serait du coup utile d'en tirer la leçon en permettant à la BCE de racheter de la dette publique nationale, ce qu'elle fait aujourd'hui par la bande, pour libérer les États de la pression insensée que leur fait subir les marchés.
Un tel retournement de la doctrine européenne ne sera évidemment acceptable pour l'Allemagne qu'en échange de nouvelles mesures visant à garantir le sérieux économique et budgétaire. Il faut en effet d'urgence abandonner une " règle d'or" et pour ce faire réouvrir la question de l'Union budgétaire.
Or, celle-ci bute sur la crainte des États et plus encore des peuples à consentir à d'ultimes abandons de souveraineté au bénéfice, qui plus est, d'instances échappant à tout contrôle démocratique. Ces objections, parfaitement recevables, devront donc recevoir une réponse à travers le mécanisme d'intégration proposé : celui-ci devrait associer à chaque étape décisive les Parlements nationaux ou leurs représentants. Ainsi les orientations quinquennales des finances publiques européennes et nationales devraient relever de leur intervention. Le respect de la compatibilité des budgets avec ces engagements pourrait être placé sous le contrôle de la Commission assisté d'un comité parlementaire réunissant les commissaires aux finances des assemblées nationales. Enfin, les sanctions ne pourraient être prononcées que par le Conseil, c'est à dire par une instance politique, à la majorité qualifiée.
Là se trouvent les pistes possibles d'une reprise en main politique, et explicable aux citoyens, du processus. L'immobilisme actuel, et la prudence qui y conduit, ne sont plus de mise.
La réussite n'est cependant pas assurée, ce qui supposera d'avoir en tête, en cas d'échec, un autre scénario....
Il n'y a rien à ajuster, l'ajustage relève de la précision, l'Europe c'est comme d'habitude: "chacun pour soit et Dieu pour tous"et on pourra bien changer ceci ou cela ça sera du pareil au même, l'Allemagne se moque bien si nous sommes dans la panade comme nous nous moquons bien de la santé de l'Italie ou du Portugal.
Rendons nous à l'évidence l'Europe ne sera pas un pays oû coule le lait et le miel, quoique pour le lait ce n'est pas entièrement vrai il coule parfois dans les cours de préfectures et le miel se fait de plus en plus rare vu la raréfaction du nombre des abeilles.
Quant à l'intérêt général européen je ne comprends pas bien ce que c'est, nous avons mangé tellement de couleuvres que la digestion est bien difficile , pour l'instant nous avons l'appétit coupé et je ne vois rien de bien ragoutant dans le nouveau menu
girard
Rédigé par : girard rené | 07 octobre 2013 à 20:41
Réflexions très intéressantes sur les différences de politiques entre la France et l'Allemagne. Parmi elles, il en est une, majeure, celle du sourcing énergétique.
Les politiques allemands donnent volontiers aux autres des leçons de vertu financière, mais s'exonèrent bien légèrement des conséquences de leur politique énergétique.
L'Allemagne a en effet choisi de polluer lourdement l'atmosphère avec le CO2 et les fumées de ses centrales au charbon et lignite, qu'elle continue de développer, alors qu'elles causent beaucoup de morts chaque année !
En France, l'électricité est moins chère, moins polluante, cela grâce à une politique de long terme dont nos voisins eussent été bien avisés de s'inspirer.
Alors d'accord avec vous pour nous rapprocher de ces partenaires, mais il faudrait, a minima, qu'ils s'acquittent de leurs engagements européen.
Rédigé par : Marcel DESCAMPS | 07 octobre 2013 à 14:50
Bonjour Gaëtan,
Ce post fait suite comme d'habitude à vos très bons posts. Je suis bien d'accord avec vous qu'il faut absolument renforcer la Commission Européenne, mais comment faire lorsque les commissaires sont nommés par les Etats-membres, et que les dirigeants de ces mêmes Etats-membres n'arrivent qu'à de faibles consensus lors des réunions des conseils. Comment faire pour que les Etats ne choisissent pas des personnes de peu d'influence ou pour mettre "au placard" certaines personnes qui pourraient faire trop d'ombre dans leur pays. Les renforcements démocratique de la commission et politique du parlement sont de fait absolument nécessaires, mais cela imposerait l'avis des peuples européens et je ne suis pas sur que le moment soit le plus opportun aujourd'hui et à mon grand désespoir.
Quant au plan de soutien financier à la recherche/développement, je pense également qu'il est urgent de le réaliser, car même s'il intervient un peu tard, il pourrait relancer l'économie à moyen et long terme. Une nouvelle ère industrielle ne peut pas se développer sans nouvelles technologies issues de la recherche théorique et appliqué, chaque étape nourrissant la suivante non pas comme des vases communiquants mais de façon exponentielle. En clair, l'effort de l'Etat serait réellement demultiplié au final. Cependant, pour faire une connexion avec l'Europe, je pense également que ce vaste plan de soutien devrait également passer, au moins en partie, par l'Union, car cela permettrait, en plus de renforcer les liens entre les pays, de focaliser les différents efforts de recherche et d'augmenter l'impact des résultats. L'exemple des plans-cadres et des actions Marie-Curie en est une ébauche et Airbus montre bien comment la coopération des Etats-membres peut conduire à de belles réussites technologique et entrepreneuriale...
Reste plus qu'à espérer que malgré les différences idéologiques entre Paris et Berlin, mais également de Londres, une relance de l'unification encore plus grande de l'Europe pourra être possible....
Amicalement
Rédigé par : Arnaud BERTHIER | 07 octobre 2013 à 14:47