Je publie aux éditions Riveneuve "Démocratie, Stop ou encore?", j'ai co-écrit avec Daniel Le Scornet, militant de l'économie sociale et solidaire.
Ce livre est né d'une interrogation: au moment où, en Europe, s'affaissent les cadres de l'Etat national et où l'économique semble prendre le pas sur le politique, que va-t-il rester de nos vieux principes démocratiques ? Quel sens va conserver la notion de souveraineté populaire - le fameux gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple de Lincoln auquel fait écho le préambule de notre Constitution - si le pouvoir justement a désormais son centre à Bruxelles, Pékin ou Wall Street ? Qui décide au fond ? Et quelle partition le citoyen, placé voici plus deux siècles au cœur de l'intrigue démocratique, va-t-il interpréter dans cette nouvelle scénographie des pouvoirs qui s'esquissent ? Deviendra-t-il le figurant d'une pièce dont le scénario même lui échappera ?
Tous, qui croient (encore) en la politique, devons affronter ces questionnements. Avec, au cœur de celui-ci, le problème du nécessaire « retour du populaire » au sein d'un système politique où le social et l'idéologique jouent dans des combinaisons qui n'ont plus grand chose à voir avec les partitions anciennes (les classes populaires à gauche, les cadres à droite) alors que les inégalités de tous ordres, dont les inégalités démocratiques, écartèlent toujours plus cruellement les destins sociaux.
Ce livre est né également d'une affirmation: la crise politique qui s'est nouée en France ne se résoudra pas sur d'autres terrains. C'est notre façon de nous représenter le monde comme de diriger nos actions qui est en cause ! Qui peut penser qu'il suffirait de définir une autre politique économique, sociale, ou environnementale pour solder l'immense déficit de respect, de dignité, de reconnaissance, de participation accumulé au cours des dernières décennies ? Mendès-France, en son temps, l'avait déjà fait observer : lorsque que reculent les certitudes idéologiques, la question de la forme démocratique devient centrale puisqu'il ne s'agit plus d'imposer " une " vérité mais de faire émerger du débat public ce qui correspond le mieux à l'intérêt général ! Ce n'est pas, à l'évidence, en nous " accrochant " à la forme actuelle de nos institutions que nous pourrons y parvenir d'une manière satisfaisante.
Ce livre est né enfin d'une déception: parvenue au pouvoir à la faveur d'une crise de confiance, la gauche s'est bien gardée depuis un an d'ouvrir de nouvelles voies susceptibles d'y répondre. Au rebours de leurs ancêtres qui " inventèrent" la démocratie, de la " création " du suffrage universel en 1793 à son rétablissement au printemps 1848, de la fondation des premiers grands partis " de masse " à la fin du 19 me siècle aux grandes lois de décentralisation en 1981, les socialistes de gouvernement ne font plus de l'innovation politique et sociale leur ordinaire. Pas une réforme qui se soit accompagnée de la recherche d'une implication plus forte et véritable des usagers, des salariés ou des citoyens.
Sans doute, faut-il voir dans ce manque d'imagination démocratique l'une des explications de l'échec dans le pays des réformes entreprises. Faute d'être directement et étroitement associée à leur préparation et à leur mise en œuvre, l'opinion reste dubitative et campe sur l'Aventin où on l'a prié de patienter. Qui ne voit pourtant qu'au regard de l'ampleur des changements à opérer, ceux-ci ne pourraient être rendus possibles qu'à travers une mobilisation citoyenne sans précédent ? Où est cette "force motrice" dont parlait si bien le grand résistant Maurice Kriegel-Valrimont dans ses derniers entretiens avec François Ruffin ?
Militants politique et social, parlementaire pour l'un, syndicaliste, mutualiste pour l'autre, nous n'avons pas voulu laisser plus longtemps cette réflexion en jachère tant nous sommes persuadés que le passage d'un monde à l'autre auquel nous assistons depuis la crise de 2008 ne pourra s'opérer relativement sereinement qu'à la condition de faire reposer cette mutation sur une base démocratique solide et renouvelée. L'enjeu n'est-il pas de permettre à chacun, au final, de reprendre sa vie en mains ? Pour ne plus voir dans le monde nouveau qui émerge une menace contre laquelle se prémunir mais bien plutôt une chance à saisir et une tendance à orienter ! Y réussir supposera de rendre à la démocratie un sens et un gouvernail, sachant que son pilotage devra être désormais, non pas réservé à quelques capitaines de fortune, mais confié pour une large part à l'équipage.
Notre conviction est qu'en effet la crise qui frappe nos démocraties ne résulte pas de dysfonctionnements choquants mais passagers (cumul des mandats, manque de transparence financière, absence d'un minimum de proportionnelle) qu'il suffirait en un tournemain de corriger. Ce profond malaise découle bien plutôt de la désarticulation qui s'est opérée entre la structure d'une société en pleine mutation et un système de représentation qui reste calé sur des principes et des formes de pouvoir fixés voici plus de deux siècles. Cette désarticulation est telle qu’alors que, comme dans tous les pays occidentaux, les électorats sont, d’une manière générale – à rebours du sentiment de « droitisation » des sociétés – plus ouverts, plus tolérants qu’ils ne l’ont jamais étés. Cette évolution profonde n’arrive pas à s’inscrire dans la parole et le débat politiques qui peuvent alors continuer à se « droitiser ». Dit autrement : que la vie économique, sociale et culturelle fonctionne à l'énergie renouvelable quand le moteur de notre démocratie en est resté au diesel, ne peut produire que des ratés...
Là se situe désormais le nœud de l'alternative qui se présente à nous: à défaut de se renouveler, notre démocratie, à l'instar de ses premières années, sera bientôt confisquée par celles et ceux qui préfèreront en trahir l'esprit plutôt qu'admettre qu'elle s'est grippée amorçant une sorte de marche arrière vers une démocratie des experts qui ressemblera trait pour trait à celle des notables d'autrefois.
La question sera donc bien alors : stop ou encore ?
Daniel Le Scornet, ancien président de la Fédération des mutuelles de France et actuel président de la Fraternité en art, sciences et social |
Gaëtan Gorce, maire de la Charité sur Loire et Sénateur PS de la Nièvre |
Je pense que les grandes écuries politiques sont amenées à disparaître, le clivage droite gauche aussi.
Les citoyens vont se rassembler pour redonner du souffle à notre démocratie,du moins je l'espère sinon c'est le début de la fin,le chaos.
Cordialement
Rédigé par : Damien TEXIER | 06 février 2014 à 09:51
Vu l'état ne notre démocratie on serait tenté de dire stop , mais pour mettre quoi à la place?
Les présidents de notre république sont devenus des vrp (vendeurs représentants placiers)en centrales nucléaires, avions ,métros...ils sont comme maître Jacques dans l'Avare qui était cuisinier et cocher -plusieurs casquettes -ce n'est pas fait pour grandir la fonction ni pour seulement lui garder son prestige!
Nous sommes dans l'ère de l'épicerie en gros ça fait pas bon ménage avec les principes, avec les idées , les hommes politiques sont devenus des chefs d'entreprises, ce n'est pas leur rôle .
Oui quel déficit de respect , de dignité, de reconnaissance : c'est à pleurer!
Quant à "reprendre sa vie en main" ce serait possible si nous n'étions pas dans les mains des banquiers qui sont eux les vrais maitres , mais n'est ce pas la fonction des politiques que nous avons élus de dire cela au Français?
Les Français finiront pas voir que le pouvoir politique est devenu quasi inexistant que seule compte pour notre malheur l'économie et donc que les dirigeants "politiques" sont devenus inutiles et coûteux.
girard
Rédigé par : girard | 31 janvier 2014 à 19:52