Où va notre "vieux continent" ? Loin d'en assurer la stabilité, la décomposition du système soviétique a d'abord libéré les forces perturbatrices, nationalistes ou religieuses, que contenait péniblement le rideau de fer. En a témoigné la longue agonie de la Yougoslavie et les tensions entre Roumanie et Hongrie en constituent aujourd'hui, une autre illustration, heureusement pour l'instant à un degré moindre. Mais ce que nous apprend aujourd'hui l'affaire de Crimée, c'est que l'effondrement du communisme n'a pas étouffé l'irrédentisme russe. La fin de l'URSS a au contraire blessé l'orgueil de tout un peuple qui a vécu les années qui l'ont suivie comme une insupportable humiliation qu'Etats-Unis et Union Européenne ont préférée négliger. C'est de cette légèreté que l'Ukraine paie le prix aujourd'hui : de la mise en place d'une défense anti-missiles, voulue par G. Bush, aux tentatives de faire entrer Kiev dans l'Alliance Atlantique, les provocations n'ont malheureusement pas manqué entretenant les craintes d'un régime prompt à se sentir menacé (et bien décidé à utiliser cyniquement ce sentiment dans sa politique intérieure). A cet égard, était-il opportun d'annoncer le déploiement des premiers navires porteurs du dispositif ABM en pleine crise ukrainienne en ajoutant, qui plus est, que ceux-ci pourront également quitter la Méditerranée pour se déployer... dans la Baltique ?
Le mal est fait, donc : et la Russie a décidé, comme en Géorgie, de faire jouer ses muscles. Le problème est qu'elle y est encouragée par la relative passivité des "amis" américains et européens de l'Ukraine. Ceux-ci semblent en effet paralysés au point de laisser penser qu'ils n'auraient d'autre alternative qu'entre la gesticulation symbolique et... une inconcevable menace nucléaire.
Peut-être serait-il temps, du coup, de réfléchir à une véritable stratégie qui permette de dépasser les attitudes dictées par des intérêts commerciaux, énergétiques ou médiatiques ? Impossible, en effet, de se prémunir contre de nouveaux dérapages de Moscou sans manier à la fois la carotte et le bâton.
Le bâton, tout d'abord, parce que le premier des principes du droit des gens, celui qui garantit la souveraineté et l'intégrité des Etats, a été violé. Et ce n'est pas parce que la Crimée n'est devenue que récemment ukrainienne qu'il faudrait accepter ce que la Géorgie a déjà dû consentir et ce que d'autres, aux frontières de la Russie, pourraient bientôt redouter créant un climat d'instabilité (ou de soumission) aux marches de l'Union. Les États-Unis comme l'Union devraient donc rapidement se porter publiquement garants de l'inviolabilité des frontières en Europe et d'abord vis à vis de l'Ukraine... (même si pareille déclaration eut gagné en crédibilité si une exception n'avait pas déjà été faite à ce principe en Serbie avec le Kosovo) ! A cette première approche devrait s'ajouter la recherche des moyens d'une vraie diversification des approvisionnements en énergie de l'Union qui tergiverse sur cette affaire depuis trop longtemps... Enfin, le réveil d'une politique de défense européenne serait la manière à la fois de faire comprendre à nos puissants voisins que nous ne sommes pas gouvernés par l'esprit de faiblesse et de tirer les conséquences à l'égard des Etats-Unis de leur désengagement si visible dans l'affaire ukrainienne.
Mais la politique du bâton n'est pas sans risque, sauf à l'accompagner de propositions diplomatiques prenant en compte les intérêts légitimes de la Russie à la sécurité, à commencer par l'idée d'accorder à l'Ukraine un statut de neutralité politique et militaire qui n'interdirait pas le développement des échanges économiques avec l'Union. Mais c'est avec la Russie que celle-ci devra aussi traiter en cherchant à l'inclure dans un cadre de coopération permanent, commercial mais aussi diplomatique. L'OSCE semble mal adaptée pour tenir ce rôle mais peut-être sa rénovation pourrait-elle être envisagée et discutée sans tarder. La remise en question du déploiement du système anti-missiles devrait enfin pouvoir être envisagée comme conséquence d'une redéfinition des conditions de la confiance entre États sur le continent.
Il parait difficile en effet d'ignorer ce fait que nous aurons à compter dans les prochaines années avec le nationalisme russe. Mieux vaudrait le priver de ses aliments en cessant de décider de l'avenir du Continent sans Moscou que lui donner des raisons de prospérer et de se trouver des alliés de gré ou de force...
Bref, l'Europe, déjà bien embarrassée par ses problèmes internes, va devoir se rappeler qu'elle agit dans un environnement qui peut se révéler hostile...
Je ne sais pas ce que vous pensez de la manière dont le Front de Gauche, Mélenchon en tête et plus mezzo voce le PCF, applaudissent au dépeçage de l'Ukraine par le Russie, s'alignant ainsi sur le Vénézuela, l'Iran, la Corée du Nord et la Syrie, quel beau compagnonnage!
Dans un tel contexte, le fait que de nombreuses mairies socialistes aient pu être "sauvées" ou "conquises" par une alliance avec ces gens-là - Avignon chère à Monsieur Py - en dit long sur la relativité des valeurs.
Rédigé par : Jlsalvignol | 01 avril 2014 à 09:59
Les accords de Yalta avaient clarifié la partage du gâteau , depuis la chute du communisme rien n'a été fait pour clarifier la situation l'urss avait une porte sur la mer noire -rêve des tsars et des communistes.Il est bien évident que la Russie ne voudra jamais renoncer à cet accès .
Au XVIII ieme siècle l'intérêt de l'Europe était d'isoler la Russie c'est son intérêt aussi de nos jours-ce qu'a fait remarquer Poutine-
Le monde bouge mais les intérêts des états demeurent à travers les siècles.
J'ai vu il y a bientôt 40 ans les babouchkas garder les corps des moines momifiés sous la Laure de Kiev , les rares églises ouvertes avec la ferveur des fidèles -en plein communisme-Les gens de Leningrad se moquaient des gens de Kiev:" vous verrez ils conduisent très mal ils font craquer les vitesses"
Poutine s'est bien payé notre tête, sitôt les jeux achevés j'envahis la Crimée!
girard
Rédigé par : girard | 24 mars 2014 à 20:30