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Rédigé par Gaëtan Gorce | Lien permanent | Commentaires (0) | TrackBack (0)
Le procès que Jean-Luc Mélenchon instruit contre Hollande et Valls (le JDD d'hier) n'est pas faux.
Il n'en est pas moins anachronique. La pensée de Jaurès n’est en effet actuelle... que pour autant qu'on l'ait actualisée. Transposer ses réflexions, sentences et citations dans le contexte d'aujourd'hui sans précaution ni référence n'est que l'une des illustrations de l'incapacité du socialisme à retrouver le fil de son histoire et à en poursuivre le cours.
Si la pensée de Jaurès a marqué l'un des grands moments du mouvement socialiste français, c'est parce qu'il sut mieux que personne concevoir le passage d'une vision mécaniste et économiste du mouvement ouvrier à un projet démocratique, progressif, au fond moderne.
Sa force, ce sur quoi les « modernisateurs » d'aujourd'hui devraient réfléchir, fut de ne jamais se couper des inspirations plus radicales que charriaient le syndicalisme mais aussi bien les Allemanistes ou les Guesdistes.
Mais à la différence de ceux-ci, ce que devraient méditer les tenants d'une ligne pure et dure, c’est qu’il sut sans cesse s'ouvrir sur les formes nouvelles de l'action politique ( la Nation, le parlementarisme) comme du progrès économique, les intégrant à sa démarche et du coup rehaussant celle-ci, lui donnant un souffle qu'aucune autre ne pouvait lui contester.
Ainsi fut-il le premier, avec Bernstein, à amorcer une réflexion sur le rôle de l'Etat qu'il refusait de confondre, malgré la vulgate, avec "un outil d'oppression aux mains de la classe dirigeante". Ainsi vit il l'importance pédagogique des réformes, conçues comme la démonstration de la faisabilité du projet socialiste. Et tout cela sans jamais perdre de vue l'objectif, à savoir la transformation de la civilisation marchande en un ordre supérieur fondé sur le plein épanouissement des individus.
On le voit, l'ambition aujourd'hui reste entière que la crise écologique puis la crise financière ont encore accentué. Le néo-libéralisme ne se survit à lui-même que faute d'une alternative crédible que la référence à Jaurès nous encourage à susciter mais dont le député du Tarn ne pourra en aucun cas fournir le substitut.
Qu'Hollande se soit éloigné de la vision que portait Jaurès ne fait aucun doute. Et le discours prononcé à Carmaux voici quelques mois en témoignait plus qu'aucun autre.
Mais que Mélenchon puisse croire qu'évoquer sa figure puisse tenir lieu de programme a de quoi dérouter. Nul doute que son échec à supplanter le PS, en réunissant ses déçus, trouve là son explication.
Son talent oratoire et la séduction qu'exerce la nostalgie d'un "glorieux passé" ne font pas une politique pour aujourd'hui. Jaurès lui aurait dit...
Rédigé par Gaëtan Gorce | Lien permanent | Commentaires (2) | TrackBack (0)
"Changer le monde", cette ambition autrefois réservée à la philosophie ou à l'action politique, n'est-elle pas aujourd'hui clairement revendiquée, de Palo Alto à Mountain Views, par les "institutions" du Web ? C'est en tout cas la motivation que se prêtent les patrons du Net, leurs collaborateurs ou les créateurs de "start-up".
Ce qui relevait autrefois de la pensée et de l'éthique, à savoir transformer ou améliorer notre condition, ressortirait désormais de l'invention et de la technologie !
Certes, il faut prendre pareille assertion avec le recul que ne permet pas encore la jeunesse du Net et de ses principaux acteurs. Mais elle traduit plus qu'un changement de perspective. C'est d'une autre vision du monde que prétendent en effet s'inspirer les Apple, Amazon et plus encore Google dont les laboratoires travaillent à une "humanité augmentée". Mais c'est aussi à la remise en question de notions associées à nos démocraties libérales, comme le respect de la vie privée, que l'on est en train d'assister.
A l'augmentation exponentielle des capacités intrusives de l'Etat et de ses services de renseignement vient s'ajouter une volonté constante de "rester en contact", "d'évaluer la performance", bref de limiter la vie sociale à l'immédiat et au mesurable accentuant encore le risque d'obsolescence de l'homme pointé par le sociologue allemand Gunther Anders voici plus d'un demi-siècle.
L'intime, le travail et plus encore le temps, qui constituent les bases de notre civilisation, seront de plus en plus mis en cause par ce que Lewis Mumford appelait "l'idéologie de la machine" si nous ne prenons pas la peine de redéfinir ce que nous considérons comme les conditions et les critères du "développement humain." Le changement ne saurait être considéré comme sa propre fin : seule la personne, son épanouissement, sa liberté doivent être regardés pour telle, ce qui implique tout aussi bien la cohésion de la société dans laquelle elle vit que la préservation de l'environnement dont elle dépend.
Or, plus la technologie nous permet de savoir de choses sur le monde, plus l'idée que nous pouvons nous en faire se trouble. N'est-ce pas d'ailleurs ce paradoxe que les fondateurs d'Internet voulaient, au nom "d'une cause commune", aider à dépasser avant que ne l'emporte dans les années 90 une logique de l'appropriation privée des données et de concentration des médias supports ?
Au delà des enjeux économiques et de souveraineté, des questions posées sur les réformes de la gouvernance du système internet, de l'analyse des ambitions des États et des principaux acteurs, au delà même d'un plaidoyer pour que l'Europe se dote d'une véritable stratégie afin de reconquérir une souveraineté numérique aujourd'hui écornée, ce rapport est d'abord une invitation faite aux responsables politiques comme aux citoyens à reprendre leur destin technologique en mains. Plus que jamais, ce sont des "valeurs" qui doivent guider nos choix et pas la seule logique des marchés, le lobbying des puissants ou la fascination pour l'innovation. Ainsi devons-nous, par exemple, affirmer et expliciter le droit au contrôle et au libre partage de ses données par le citoyen ! Ainsi devons-nous travailler à faire du Web une économie de services plutôt qu'un outil de marketing !
Le numérique constitue sans doute une formidable opportunité. Mais outre le fait qu'il ne se développe pas sans nourrir de nouveaux rapports de force ou créer de nouvelles inégalités, son expansion doit rester soumise à la volonté démocratique et s'inspirer d'une idée de l'homme sur laquelle il ne saurait être question de transiger. Sans l'adhésion à cette éthique renouvelée, comment croire que les capitaines d'industrie disposant de milliards d'informations renonceront à les concentrer plus encore dans le seul but d'accroître leur influence, leur performance et leur richesse ? Sans de fortes convictions (et de sérieux contrôles) comment espérer que les patrons des services de renseignement s'interdiront d'accroître encore leur capacité de surveillance et leur puissance ? Le "nouveau scientisme", cette foi irrésistible dans la bonté et la beauté des processus numériques, constitue le meilleur allié des capteurs de pouvoir ou d'influence que secrète toute société. Et si l'abus qu'ils ont été susceptibles de faire d'une technologie de la communication, comme l'affaire Snowden l'a par exemple démontré, ne saurait justifier une défiance systématique à son encontre, elle devrait suffire à convaincre tout esprit avisé de se garder des naïvetés et des utopies qui pullulent autour du Web. L'homme ne doit jamais faire l'économie de savoir ce qu'il veut et d'en décider collectivement. C'est à quoi ce rapport prétend modestement contribuer !
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M. le Président
M. le ministre,
Mes cher(e)s collègues,
Notre économie stagne alors que nous devons impérativement la faire repartir !
Alors que notre PIB vient tout juste de retrouver son niveau d'avant-crise, l'INSEE nous annonce une croissance plafonnée à moins d'un % en 2014, bien insuffisante pour faire reculer le chômage et rétablir l'équilibre de nos comptes.
Or, dans le même temps, le gouvernement persiste à nous présenter des mesures globalement récessives, les aides apportées aux ménages et aux entreprises étant plus que neutralisées par les économies générées pour les financer. C'est pour appeler votre attention sur cette contradiction que je me suis abstenu sur la loi de finances initiale. C'est pour réitérer mes précédentes mises en garde que je me vois contraint d'intervenir aujourd'hui.
Même corrigée par les mesures de soutien contenues dans ce PLFR, votre politique budgétaire contribuera encore cette année à réduire, et non encourager, l'activité de près d'un point de PIB. C'est certes moins que les précédentes années. Mais c'est encore trop si l'on veut stopper la progression du chômage.....même si, du point de vue des économies, ce ne sera pas assez pour atteindre les objectifs définis avec l'UE, à savoir la réduction de notre déficit à 3,7% et le recul de notre endettement.
De l'avis général, il est plus probable que le déficit atteigne 4% et que notre dette dépasse encore les 90% !
De sorte, qu'a poursuivre dans cette voie, vous risquez de perdre sur tous les tableaux.
A cela s'ajoute le choix plus que discutable de mettre, si j'ose dire, tous vos œufs dans un même panier. En mobilisant vos rares marges de manœuvre au service d'une baisse des cotisations sociales, loin de démultiplier vos chances de réussite, vous avez choisi une orientation aventureuse et ceci d'un triple point de vue.
D'abord, vous allez améliorer les marges de nos entreprises, ce qui est une bonne chose, sans leur offrir en revanche de perspectives à court/moyen terme. Du coup, la faiblesse de la demande, les conduira à se désendetter plutôt qu'à investir et l'impact en sera d'autant diminué sur la croissance.
Ensuite, en présentant les baisses de cotisations comme le "nec plus ultra " de la compétitivité, vous laissez penser que celle-ci dépend du coût du travail plutôt que de sa qualité, ce qui revient à raisonner d'autant plus mal que vous remettez en cause des recettes sociales sans proposer en contrepartie une modification globale du financement de notre protection sociale. L'avenir de notre industrie passe par l'innovation et la qualification et laisser croire le contraire c'est encourager des pratiques inadaptées.
Enfin, vous consentez à une conception de l'Europe fondée sur la compétition sauvage entre nos économies, par les coûts , qui ne peut conduire qu'à son affaiblissement. Dans la concurrence ouverte par cette recherche partout d'une baisse du coût du travail, vous cherchez, comme le cherchent Espagnols ou Italiens, à regagner des parts de marché sur nos partenaires, ce qui reviendra, si vous y réussissez à reporter sur ceux-ci nos difficultés. Et donc à encourager le retour d'une crise de zone euro.
Une autre politique est-elle possible ? Vous prétendez naturellement le contraire.
Et vous avez raison s'il s'agit de rappeler que des économies sont nécessaires.
Mais votre raisonnement est plus que douteux si vous voulez remettre notre économie sur le chemin du redressement.
Vous ne pourriez y parvenir qu'en injectant dans l'activité des moyens nouveaux dédiés à l'investissement dans la modernisation de l'économie et de l'Etat.
Une telle option, me direz-vous, ne peut venir que de l'Europe. Or, celle-ci, ajouterez-vous, y est opposée !
Je n'ose penser qu'avec pareil syllogisme, vous nous prêchiez la résignation !
Nos intérêts vitaux, la préservation de notre capacité industrielle et des emplois qui y sont attachés, ne sont-ils pas en jeu ?
Faut-il que nous donnions ainsi implicitement raison aux partisans d'un repli national en admettant notre impuissance à mettre l'Europe au service de la relance ?
J'y vois plutôt, et là est mon principal reproche, un manque de volonté politique.
Nous connaissons tous en effet la condition pour obtenir de l'Allemagne son ralliement à l'idée d'une relance concertée : c'est la consolidation politique de la zone euro !
C'est cette ambition assumée qui nous permettra de débloquer la situation.
Dois-je vous indiquer que je n'ai guère le sentiment, comme bon nombre d'observateurs, que vous partagiez cette ambition au point d'en faire à Bruxelles votre cheval de bataille ?
Je veux croire que cette hésitation n'aura qu'un temps et que vous aurez à cœur de débloquer la situation dans les prochaines semaines.
Et c'est pour parier sur ce sursaut que je voterai malgré toutes mes réticences ce PLFR. Mais si rien ne vient, et que le chômage du coup, poursuit son inéluctable et dramatique progression, alors ne comptez plus sur ma voix à l'automne prochain sur le Budget 2015.
Comme le dit l'adage, si l'erreur est humaine, c'est diabolique que d'y persévérer.
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