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L'attitude des dirigeants de l'Euro-zone à l'égard e la Grèce confine à l'aveuglement.
Elle n'est pas sans rappeler celle des dirigeants européens de l'entre-deux guerres attachés contre toute évidence au lendemain de la crise de 29 au dogme de l'étalon-or.
Tous, par incompétence ou dogmatisme, ce qui est parfois la même chose, contribuèrent ainsi à dégrader un peu plus la situation en pratiquant des politiques déflationnistes destinées à préserver la parité et la convertibilité de leur monnaie.
La charité m'interdit de citer ici les "perles" prononcées par les ministres des Finances ou chefs de gouvernement d'alors mais leur évocation résonne curieusement lorsque l'on entend aujourd'hui les ministres de Berlin, les Commissaires de Bruxelles ou même les banquiers de Francfort.
Tous s'abritent derrière des évidences qui n'en sont pas, et qui ne masquent en fait que des intérêts ou pire : des préjugés.
Quel est l'avantage pour l'Union de contraindre à la faillite un État dont la sortie de l'Euro aurait des conséquences terribles pour le niveau de vie des Grecs (dévalorisation des patrimoines) mais aussi incalculables pour le reste de la zone ?
Peut-on imaginer en effet que le "Grexit" pourrait survenir sans pousser à la hausse les taux d'intérêt ni enclencher un mouvement de défiance des marchés ?
Comment peut-on penser à l'opposé qu'il serait juste et avisé d'imposer à un peuple qui a vu fondre déjà le quart de sa richesse de nouvelles restrictions ?
Nous nageons en pleine folie surtout si l'on veut bien se rappeler que pour l'essentiel il s'agit de dettes dues par un État de la zone Euro à d'autres États de cette Zone ou à la Banque centrale européenne : Il s'agit en quelque sorte d'une dette circulaire dont l'importance serait très relative si on laissait la BCE jouer son rôle de prêteur en dernier ressort. Comme le ferait partout ailleurs n'importe quelle Banque centrale !
La sagesse serait donc d'annuler une nouvelle partie de la dette grecque en la monétisant c'est à dire en n'en faisant supporter le poids ni au débiteur ni aux créanciers. Il suffirait pour cela de permettre à la BCE de racheter des titres grecs en renonçant aux intérêts qui y sont attachés.
Les conséquences en seraient une augmentation de la création monétaire dont l'effet inflationniste dans le contexte d'aujourd'hui serait pratiquement nul. D'autant plus si l'on complétait ce dispositif d'une condition particulière obligeant les banques ayant cédé leurs titres à la BCE d'affecter les liquidités obtenues en retour au financement d'investissements prioritaires, comme par exemple ceux liés à la transition énergétique !
L'Histoire, sur ce sujet, nous en dit long. En effet l'on peut aujourd'hui attribuer la lenteur de la crise de 29 à se résorber aux États-Unis à l’échec de la Réserve fédérale à empêcher le déclin de la base monétaire. Cet échec, qui contribua à la Grande Dépression, trouva son origine dans le refus de la Fed d’acheter une quantité suffisante de titres d’État.
Bis Repetita ? Le coût d'une telle opération serait pourtant quasi-nul. Imaginons qu'elle soit conduite à l'échelle d'un État disposant de sa propre monnaie : le rachat de titres par la Banque centrale contraindrait l'Etat à payer les intérêts dus, par un impôt lui-même compensé par les reversements au Trésor des revenus obtenus par celle-ci.
Il serait alors plus simple d'annuler ce double transfert, puisqu'il est à somme nulle, et de libérer le débiteur et du capital et des intérêts. La situation serait certes un peu différente dans l'hypothèse du rachat de la dette grecque dans la mesure où les autres États participent au Capital de la BCE.
Mais c'est bien celle-ci qui prendrait le risque bilanciel. Certes, l'Allemagne, la France, l'Italie etc. auraient moins de dividendes si les actifs achetés se dépréciaient. Mais cet inconvénient serait de peu de poids au regard de la préservation de la zone euro, et surtout en son sein, de l'idée bien écornée de solidarité et d'irréversibilité. Ajoutons à cela qu'un tel programme de rachat ferait diminuer le "spread-risque pays" de la Grèce, ce qui lui permettrait de poursuivre ses efforts "d'assainissement" budgétaire via un excédent primaire par conséquence plus élevé.
Ses marges de manœuvre s'accroissant, le pays pourrait alors retrouver un sentier de croissance dont il est aujourd'hui très éloigné. On sortirait ainsi par le haut d'une crise qui devrait être traité par la zone comme un problème domestique, alors qu'elle ressuscite au contraire des égoïsmes nationaux pourtant incompatibles avec le principe d'une monnaie unique Ce n'est cependant pas cette voie qui semble être choisie, une absurde orthodoxie assimilant ce qui serait une juste opération de survie à un laxisme dangereux. Comme si l'économie devait être au service d'une sorte de morale au demeurant curieuse tant elle s'accommode du comportement tendancieux des milieux financiers.
Confronté aux mêmes préjugés, le monde des années 30 n'est sorti de la crise né d'un même aveuglément qu'au prix d'une guerre mondiale. Nous n'en sommes heureusement pas là mais le crétinisme des dirigeants de la zone euro pourrait bien nous précipiter dans un chaos économique et social majeur. À moins que les Grecs ne cèdent sur tout et renient leurs engagements : dans ce cas c'est la démocratie qui n'en sortirait pas indemne. Et l'idée européenne avec elle !
Rédigé par Gaëtan Gorce | Lien permanent | Commentaires (5)
Jacques Julliard, qui fut l'un des inspirateurs de la deuxième gauche, le dit lui même. Citant Michel Rocard, qui n'a jamais incarné le gauchisme, ne parle-t-il pas, dans son dernier édito de Marianne, de "capitalisme criminel " pour qualifier le modèle économique qui tourne aujourd'hui à plein régime. Celui-ci n'a de cesse de s'affranchir de toutes les règles et n'a que faire de l'intérêt social et encore moins de l'intérêt collectif. C'est ce que la crise de 2008 a montré au grand jour. Difficile dans ces conditions d'en revenir, comme prétend le faire François Hollande à la social-démocratie. Outre le fait que celle-ci ne signifie rien pour les Français, la social-démocratie reposait sur un compromis avec les forces économiques conclu à l'échelle nationale. Or, le cadre national a, sur le plan économique, explosé et les grandes entreprises mondiales qui dominent les marchés, comme d'ailleurs les start-up qui les titillent, n'ont que faire de compromis sociaux : l'évasion fiscale, la mise en concurrence des territoires et des salariés à l'échelle de la planète entière leur fournissent un espace de jeu suffisamment large pour qu'elles n'aient plus à s'embarrasser des peuples ou des démocraties.
Aussi sommes-nous, à notre corps défendant peut-être, engagé dans une épreuve de forces. Et celle-ci prend une dimension nouvelle quand on songe non plus seulement aux conséquences sociales de ce capitalisme sauvage, mais aussi à ses effets sur l'équilibre de la planète aujourd'hui gravement menacé. De conférences sur le climat en sommets mondiaux, la preuve est faite que nous courrons à la catastrophe sauf à mettre en cause la logique, et non pas seulement les effets, du modèle dominant.
C'est à ce niveau que se pose la question du rôle de la gauche : ceux qui plaident l'adaptation et la modernisation ont plus d'un satellite de retard. L'enjeu est de s'attaquer non au marché mais au système qui a libéré celui-ci de toute entrave ! J'ai déjà dit et écrit cent fois que l'une des défaillances de ce gouvernement est de ne pas suffisamment préparer l'avenir en promouvant la transition énergétique (c'est à dire en ajoutant de vrais moyens aux bonnes paroles) pour favoriser notamment la relance ET la reconversion de nos industries, en portant à l'échelle de l'Union Européenne un projet offensif pointant les responsabilités des désordres actuels et en se faisant le propagandiste de nouvelles formes de coopération internationale.
Comment ainsi ne pas s'indigner de tout ce temps perdu en fausses réformes tirant vers une fausse modernité, comme le travail du dimanche, alors qu'il nous faudrait faire émerger un nouveau modèle privilégiant les économies d'énergie, le dialogue social, l'investissement dans la recherche, d'autres formes d'organisation du travail et de management ? Et surtout en ayant la lucidité de porter sur l'économie actuelle un jugement sans appel plutôt que de continuer à en faire une référence obligée.
Le temps, du coup, est bien venu de réhabiliter le concept de "socialisme", en lui adjoignant certes le préfixe "éco-", pour réaffirmer notre volonté de réorganiser le système économique et social autour de l'intérêt collectif, par la démocratie et dans un souci de justice.
La bataille est du coup aussi intellectuelle ou conceptuelle. Il faut reprendre et imposer dans le débat les mots de la gauche : solidarité, justice, intérêt collectif, service public, peuple...
L'idée socialiste n'a jamais été aussi nécessaire et d'actualité. Il serait d'autant plus curieux, et absurde, que ceux qui en sont les dépositaires renoncent à la revendiquer.
Rédigé par Gaëtan Gorce | Lien permanent | Commentaires (3)
Cher(e)s camarades,
Y a-t-il une fatalité à ce que nous nous comportions comme les petits héritiers d'une grande histoire?
Ceux qui avant nous portaient l'idée socialiste ont su consolider la République, créer de toutes pièces un nouveau modèle de société, organiser par la paix une belliqueuse Europe. Et nous, nous mégotons sur les droits des chômeurs, ergotons sur le travail du dimanche, chipotons sur la durée des contrats de travail !
Manquons-nous à ce point de défis à relever ?
Ou bien plutôt de lucidité et de courage pour les affronter ?
Manuel, dont je veux saluer l'engagement et la valeur, veut "moderniser", "réformer" le Pays. À la bonne heure ! Mais pour le conduire vers quelle destination ? Vers quel type de société ?
S'agit-il de ressembler à d'autres que plus grand chose ne distingue du modèle anglo-saxon ou de réinventer sous une forme nouvelle notre exception française, qui n'est que l'autre nom de la République ?
La Gauche, c'est la République et le Premier ministre a su tout à l'heure trouver les mots pour le dire.
Mais la gauche, c'est plus que la République, c'est le refus de se plier à l'ordre des choses. C'est en somme, le Socialisme ! BCE beau et vieux mot qui chantait comme l'espérance aux oreilles des plus modestes. Et lorsque ceux-ci s'éloignent de nous, c'est un peu de l'idée socialiste qui s'éloigne avec eux !
Comment comprendre - alors que la crise financière de 2008 nous a fourni la preuve de la faillite d'un système - que certains d'entre nous puissent se proclamer aujourd'hui encore qui, social-libéral, qui, social-démocrate, prêchant l'adaptation à un modèle qui se fissure de toutes parts ?
Je respecte leur point de vue. Mais je leur dis amicalement que leur cadran s'est arrêté en 2008.
Ce qui pouvait s'entendre voici 10 ans, ne peut plus l'être aujourd'hui au milieu du chaos provoqué par la crise financière et bientôt écologique.
N'est-ce pas l'évidence ?
Avons-nous oublié que nous vivons selon le même modèle, à peine amendé, que celui qui nous a conduits au bord du gouffre... et dont nos budgets payent aujourd'hui encore le terrible prix ?
Le défi n'est plus de nous adapter à l'économie mais de ne pas abdiquer face à elle.
À ce défi, ni le techno-pragmatisme, ni la nostalgie des radicalités d'antan ne peuvent constituer une réponse.
Pour le dire autrement : l'avenir ce n'est ni Macron, ni Mélenchon ! Il n'est ni chez Blair, ni chez Schroeder, ni chez Renzi, en gros : pas chez ceux qui ont les idées dans le dos, mais partout où s'invente un autre modèle, innovant, coopératif, collaboratif...
Ne serait-il pas temps de conjurer cette sorte de fausse lucidité qui nous fait admirer la social-démocratie une fois qu'elle n'est plus opérationnelle, et la troisième voie après qu'elle eut rendu l'âme ?
Il n'y a rien de pire que cette paresse idéologique qui nous fait prendre les vessies d'un bien frustre néo-libéralisme pour les lanternes du progrès.
C'est un nouveau chemin qu'il nous faut prendre qu'empruntent déjà en tâtonnant les gauches grecque et espagnole.
Face à la crise financière et climatique, jamais nous n'avons eu autant besoin de refonder la crédibilité et la légitimité de l'action publique !
Face au déchirement de nos sociétés, jamais nous n'avons eu tant besoin de solidarité et de justice !
Il est temps de s'en rendre compte et d'engager la bataille, politique et intellectuelle non en empruntant les armes de l'adversaire mais en réaffutant les nôtres sur l'aiguisoir de la réalité d'aujourd'hui !
Au fond, à travers l'éco-socialisme, car tel est le nom que nous devons donner à ce projet, nous nous trouvons dans la situation exaltante de ceux qui, à l'orée de la première révolution industrielle, ou au lendemain des convulsions de la Grande crise et de la guerre effroyable qui suivit, se demandaient déjà comment placer l'intérêt collectif au dessus de la loi absolue de la concurrence.
À cette responsabilité, nous ne pouvons pas nous dérober. Sauf à laisser à d'autres le soin d'apporter leur réponse, qui ne sera pas celle de la démocratie et de la solidarité, à des problèmes qui, eux, demeureront posés. Si le prix à payer pour la fuite en avant technologique reste le chômage de masse ; si le tribut exigé par la mondialisation libérale demeure la crise climatique et les mouvements migratoires et sociaux qu'elle provoquera inéluctablement, il vaudrait mieux que la solution vienne du vieil humanisme qui nous anime et auquel nous devons rendre son imagination !
Mais ne nous y trompons pas c'est bien d'un combat qu'il s'agit ! Qui suppose de la lucidité, de l'ardeur et de l'inventivité.
La COP 21 le montrera bien. Ceux qui croient que le consensus prévaudra ou suffira en seront une fois de plus pour leurs frais. Il n'y aura pas d'action réellement efficace contre le réchauffement tant que les lois dominantes seront celles de la rentabilité maximum.
L'éco-socialisme n'est pas l'expression d'une vague compassion pour la planète mais la réaffirmation, sur un mode nouveau, de la volonté de transformation sociale sans laquelle il n'y a pas de socialisme !
Non, le temps n'est plus aux habiles et aux petites habilités, aux malins et à leurs petites malignités.
Leur succès d'un jour sera bien éphémère.
Parce que nous avons changé d'époque, nous devons changer de modèle de penser.
C'est ce mouvement qu'il nous faut maintenant impulser.
Au lendemain de la scission de Tours, Léon Blum, fidèle au parti de Jaurès avait voulu garder "la vieille maison".
Eh bien, c'est la "jeune maison" du socialisme et de l'éco-socialisme, qu'il nous faut désormais bâtir, ouverte aux quatre-vent, à la société comme au reste de la gauche.
Une " jeune maison" que nous bâtirons avec un élan de cœur mais aussi une exigence intellectuelle qui fera des socialistes d'aujourd'hui non les pâles liquidateurs d'une ancestrale organisation mais les vrais héritiers d'une grande et belle histoire !
Vive la gauche, vive l'idée socialiste !
Rédigé par Gaëtan Gorce | Lien permanent | Commentaires (4)