Je suis intervenu hier soir à l’Assemblée nationale sur le texte que l’on a appelé « Paquet fiscal » ou « Tepa » pour « travail, emploi, pouvoir d’achat ». J’ai expliqué pourquoi selon moi la logique de ce texte ne pourra fonctionner.
Vous pourrez lire mon intervention ci-dessous.
Projet de loi « TRAVAIL, EMPLOI ET POUVOIR D’ACHAT »
Compte rendu analytique officiel de la séance du mardi 10 juillet 2007
M. Gaëtan Gorce – Madame la ministre, je tiens tout d’abord à saluer en vous la première femme ministre des finances de notre pays. Je regrette d’ailleurs que vos collègues de l’UMP n’aient pas eu le souci de porter davantage de femmes à l'Assemblée nationale (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). J’imagine qu’il s’agit d’une omission qu’ils répareront bientôt.
Je veux aussi, dans l’intérêt de la France vous souhaiter bonne chance. Mais je constate qu’avec ce projet de loi, vous ne mettez pas toutes les chances de votre côté ! C’est en effet une lourde responsabilité que la vôtre : répondre aux attentes nées des promesses présidentielles, c’est-à-dire rien moins que relancer la croissance, procéder à des réformes structurelles, améliorer le pouvoir d’achat ou réconcilier le pays avec le travail… Je suis au regret de vous dire que vous n’y parviendrez pas avec ce texte, qui est loin d’être à la hauteur des enjeux.
Je m’en tiendrai à une de ses mesures emblématiques, concernant les heures supplémentaires.
Le rapporteur général a expliqué que la véritable cause de notre déficit de croissance, par rapport aux États-Unis notamment, serait que nous ne travaillerions pas assez. La raison en tiendrait à notre seule durée du travail, qui a été réduite par un gouvernement socialiste. Voilà qui est contesté par de nombreux économistes. Il est vrai qu’aux États-Unis, où l’on travaille plus de 1 750 heures par an, le taux de chômage est nettement moins élevé – il est de l’ordre de 5 % - qu’en France, où l’on travaille autour de 1 600 heures. Mais en Norvège, la durée moyenne du travail est de 1 400 heures et le taux de chômage est de 3,9 % : vous choisissez vos exemples ! Quant à la Pologne , qui travaille plus de 2 000 heures par an, le taux de chômage y est de 14 %. Votre démonstration ne tient donc pas.
La véritable question n’est pas de savoir s’il faut travailler plus dans ce pays, mais comment faire en sorte que plus de nos concitoyens puissent travailler – comment travailler mieux, comment introduire, dans une heure de travail, plus de formation ou de nouvelles technologies, bref, comment faire progresser notre productivité et notre compétitivité. Votre raisonnement date du XIXe siècle : dans l’économie d’aujourd’hui, ce n’est plus la durée de la journée de travail qui assure le progrès !
Par ailleurs, ce dispositif n’a pas d’impact garanti sur le pouvoir d’achat des salariés. Tous en effet ne sont pas concernés, mais seulement ceux qui pourront faire des heures supplémentaires. Or, s’il avait été décidé de porter le SMIC à 1 500 euros bruts mensuels en cinq ans, et si le coup de pouce du 1er juillet avait donc atteint 3,34 %, au lieu de 2,1, les salariés auraient gagné l’équivalent de ce qu’ils devraient gagner avec des heures supplémentaires. Si l’on déduit l’ensemble des avantages liés à la rémunération des heures supplémentaires, et qu’on ne retient dans les bénéfices de vos mesures que ce qui est lié à l’exonération fiscale et sociale, augmenter le SMIC pour l’ensemble de ceux qui travaillent est bien préférable à votre mesure emblématique !
Je voudrais enfin vous dire notre inquiétude quant au coût de ce dispositif. Compte tenu de la situation de nos comptes sociaux, peut-être aurait-il été nécessaire, avant de prévoir une dépense supplémentaire de six milliards, pour ne prendre en compte que les heures supplémentaires, de tout mettre à plat et de savoir comment la ministre de l’économie a l’intention de rétablir l’équilibre ! Ce que nous redoutons, c’est qu’à l’automne, vous ne repreniez d’une main ce que vous aurez donné aujourd’hui de l’autre et que les ménages fassent les frais d’ajustements brutaux. Je souhaite, Madame la ministre, que vous preniez l’engagement de ne pas augmenter les prélèvements sur les ménages. Vous devez nous donner l’assurance que l’équilibre des finances publiques sera assuré par d’autres voies.
Je souhaite que ce débat nous permette d’aller au fond de la réflexion. Vos mesures ne permettront ni de restaurer la confiance, ni d’améliorer le pouvoir d’achat, ni de soutenir la croissance, qui aurait davantage besoin de réformes structurelles.
Affecter les mêmes montants aux universités, par exemple, aurait été plus prometteur et plus sûr que les mesures que vous présentez aujourd’hui. Vous aurez à gérer des lendemains qui déchantent, nous aurons à proposer des alternatives (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine).
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