Gaëtan Gorce député de la Nièvre, vice-président du groupe socialiste chargé de l’emploi et du travail, ancien rapporteur de la loi sur la RTT a publié ce texte dans l'édition de Libération du lundi 24 décembre 2007
Pour sévère qu’elle soit, l’interpellation de Thomas Piketty sur les 35 heures (1) ne peut laisser la gauche indifférente. Mesure emblématique du gouvernement Jospin, fait-il valoir, celles-ci fonctionnent comme un piège politique dont les mâchoires se refermeraient à chaque rendez-vous électoral. Mais l’avertissement ne vaut-il pas pour les deux camps ?
Les socialistes ont renoncé depuis longtemps à défendre la réduction du temps de travail, oubliant d’en
valoriser les atouts (un formidable progrès de la négociation dans les PME, une organisation du travail plus productive dans la grande industrie, un véritable acquis pour les femmes…), alors que la droite ne cessait au contraire de les attaquer, dénonçant pêle-mêle leur coût, leur rigidité ou leur impact sur le pouvoir d’achat.
Mais, parce que les Français ne sont, quoi qu’on en dise, pas prêts à renoncer aux 35 heures, plutôt qu’à une remise en cause brutale, c’est à une véritable guérilla législative que s’est livrée la droite, multipliant les escarmouches. Ces dernières présentent, entre autre, l’avantage d’éprouver un peu plus la résistance déjà hésitante des socialistes. Mais cette guérilla présente aussi l’inconvénient de complexifier encore la législation sur le temps de travail ; de laisser croire que dans la compétition mondiale, la question de la durée du travail serait plus importante que celle de sa qualité ; et d’engager dans des exonérations à l’efficacité douteuse des sommes massives en période de disette budgétaire.
La droite est en train de commettre aujourd’hui une erreur symétrique à celle qu’elle avait autrefois reprochée aux socialistes, à savoir instrumentaliser la durée du travail, non pour l’emploi, mais au service, cette fois, du pouvoir d’achat. Cependant, de même que le travail ne se partage pas, on ne peut distribuer du pouvoir d’achat qu’à travers un surcroît de croissance qui fait aujourd’hui défaut !
Le cafouillage du débat sur le rachat des jours de RTT montre qu’il faut, dans l’intérêt de notre économie comme de nos entreprises et des salariés, cesser de faire de la durée du travail l’enjeu de polémiques politiques stériles.
Fixée à 35 heures, la durée légale du travail est désormais une donnée à laquelle aucun gouvernement ne pourra réellement s’attaquer, sauf à remettre en cause l’équilibre d’accords complexes conclus dans la grande industrie et à susciter une très forte réaction de la part des salariés qui en bénéficient. Son relèvement uniforme n’aurait d’ailleurs aucun sens d’un point de vue économique et social. Que la droite le reconnaisse une fois pour toutes !
Il serait temps, dès lors, de clore cette querelle pour redéfinir les rôles respectifs de l’Etat et des partenaires sociaux sur le sujet ! A l’Etat la durée légale, les durées maximales, les jours de repos et le taux de base de rémunération des heures supplémentaires ; le reste aux partenaires sociaux, dans le cadre d’accords majoritaires, pour prendre réellement en compte les réalités mouvantes des branches professionnelles. Ce que la gauche doit désormais accepter ! Il faut le reconnaître : le temps est aujourd’hui dépassé où l’on pouvait jouer sur la durée du travail, à la baisse pour favoriser l’emploi comme à la hausse pour encourager le pouvoir d’achat. Stabilisons la règle et laissons à la négociation le soin de l’ajuster. Il sera alors possible de s’attaquer aux vrais problèmes auxquels est confrontée notre économie, qui sont d’abord ceux de la création de richesses. Cette création de richesses ne se décrète pas. Il y faut une véritable «révolution culturelle».
Ce n’est pas «avec les dents» que se gagnera le point de croissance qui nous manque, mais avec les cerveaux, c’est-à-dire en investissant dans la matière grise, en encourageant la qualification et la connaissance. Le point de PIB supplémentaire investi dans la formation nous sera rendu par la croissance. Dès lors, il ne pourra s’agir ni de travailler plus ni de travailler moins, mais de travailler mieux, «de se former plus pour gagner plus», en quelque sorte !
Pour reformuler la belle sentence de Victor Hugo : une école qui ouvre, c’est demain une agence pour l’emploi qui ferme !
(1) «Le supplice des 35 heures», Chronique économique de Thomas Piketty parue dans Libération lundi 17 décembre.
je suis surpris par le manque de combativité du P.S. sur ce sujet.Aurait il honte d'une mesure qui prônait un meilleur partage du travail en favorisant l'embauche de chômeurs,un meilleur partage du temps dont le travail n'est qu'un aspect pour faire place à la culture au repos et aux loisirs,une meilleure organisation du travail et de la vie,une meilleure préservation de la santé.
Rédigé par : Jean Pommier | 07 janvier 2008 à 17:42
«On ne peut distribuer du pouvoir d’achat qu’à travers un surcroît de croissance qui fait aujourd’hui défaut ». C’est inexact car il est aussi possible de redistribuer le pouvoir d’achat en réduisant les inégalités. C’est un levier auquel les socialistes ne peuvent renoncer sans se renier eux-mêmes. Sachons ne pas l’oublier.
Rédigé par : chatel | 04 janvier 2008 à 13:07
M Gorce
Pierre Larrouturou (delegué national PS à l'Europe) a lancé une pétition qui vise à recueillir 5000 signatures de militants socialistes pour forcer la direction à organiser une veritable mouvement de reflexion de plusieus mois ouvert aux specialistes, aux syndicalistes et aux sympathisants.
WWW.NOUVELLEGAUCHE.FR
Michel ROCARD a déjà signer
Je suis que quelqu'un qui se dit "rénovateur" ne peut pas ne pas s'associer à une telle initiative.
Merci
Rédigé par : Kevin P | 31 décembre 2007 à 11:02