Deux évènements se sont produits la semaine dernière, de nature fort différente, et sur lesquels il est utile de revenir.
D'abord, la publication du rapport Attali et les réactions qu'il a pu susciter. La méthode suivie est discutable : solliciter les experts, ignorer les représentants politiques, laisser de côté les syndicats, oublier les citoyens, alors qu'il s'agit rien moins que de proposer une révision générale de notre manière d'aborder le monde moderne, tout cela ne peut que produire des malentendus. La cause de la réforme doit être partagée par tous et elle ne peut se concevoir sans pédagogie, c'est à dire sans débat. A la décharge d'Attali, reconnaissons néanmoins que les lieux propices à de tels échanges font défaut : le Parlement n'en a ni les moyens ni l'habitude (peut-être serait-ce là l'occasion de le réformer à son tour ?) ; le Conseil économique et social, qui pourrait en être le réceptacle naturel, est paralysé par une composition et une organisation d'un autre temps ... Mais au delà, force est de constater que notre pays, ses responsables politiques et ses autorités médiatiques ont du mal à s'accommoder de la discussion, chaque proposition faisant immédiatement l'objet, non d'une analyse, mais d'une polémique. Et tous étaient la semaine passée sommés de dire si oui ou non le rapport Attali était « libéral », façon de le qualifier aux yeux des uns et de le disqualifier aux yeux des autres, bref de tuer dans l'oeuf toute véritable réflexion de fond.
La réaction du Parti socialiste a été embarrassée, mais
pas autant que celle de l'UMP. Et là se trouve l'information importante : face à la réforme, la majorité de Nicolas Sarkozy se comporte comme une poule devant un couteau. J'estime et je répète depuis le printemps dernier que cette majorité est d'abord conservatrice et que le Président, loin d'être un réformateur, est un opportuniste qui saisit les occasions de changement quand elles lui paraissent médiatiquement porteuses et les abandonne quand elles lui paraissent dangereuses pour sa côte de popularité. C'est donc bien à la Gauche de relever le défi de la réforme, de la modernisation économique, du dialogue et de la confection d'un nouveau pacte social qui tire les conséquences de la situation nouvelle dans laquelle notre pays est placé depuis près de vingt ans, après le double choc idéologique et économique de la chute du Mur de Berlin et de la globalisation. En faisant ce choix, nous pourrons ainsi juger Sarkozy aux actes et nous tourner vers l'avenir, alors qu'il n'a de cesse de nous renvoyer vers le passé et la seule défense de notre modèle social.
Le second événement, c'est la chute du gouvernement Prodi . Il devrait conduire les partisans d'une primaire à l'intérieur de la Gauche à y réfléchir à deux fois avant d'en faire (mais n'est-ce pas trop tard ?) la panacée. Bien que choisi par une majorité écrasante des électeurs de Gauche, Prodi n'était que le leader d'une coalition éclatée, émiettée, soumise à des pressions idéologiques (sur sa gauche) ou tactique (sur sa droite) contradictoires. La leçon à en tirer me semble claire. Ce n'est pas la diversité, ingérable, des sensibilités qu'il faut organiser, mais une nouvelle organisation qu'il faut fonder. Passer un accord avec nos « partenaires » de la Gauche, dans l'état où ils se trouvent (à peine plus dégradé que le Parti socialiste) pour désigner à terme notre candidat à la présidentielle, c'est une fois de plus reporter les problèmes et sans doute, les primaires une fois faites, s'en inventer d'autres. Notre ambition doit être plus vaste et nous conduire à nous adresser non plus à des appareils périmés, mais aux citoyens qui se reconnaissent dans la Gauche tout en doutant de ses incarnations partisanes. En clair, au lendemain d'un congrès, lancer des assises ouvertes à toutes et tous, sans négociation avec les états-majors, pour fonder un nouveau parti qui choisira en son sein son leader et son candidat, confondus en une seule et même personne. Celle-ci aura alors pour mission de mener le travail de rénovation idéologique sans lequel rien ne sera possible et de jeter les bases d'une nouvelle formation moderne, populaire, débarrassée des carcans, c'est à dire des ambitions et des mauvaises habitudes qui entravent aujourd'hui le changement au Parti socialiste.
Ce que nous disent le rapport Attali comme la chute de Prodi, c'est que nous devons demain n'avoir peur ni du débat, ni du changement et que nous n'insufflerons de l'enthousiasme à notre pays que si nous ouvrons de notre côté des voies nouvelles, une sorte « d'adieu aux armes »qui sonnerait comme un appel au renouvellement ...
@ Chatel (1er février)
Quand certains à gauche "reprochent à Sarkozy de ne pas tenir ses promesses", c'est pour souligner qu'il ment, tout simplement! et donc qu'il a trompé ses électeurs (dont une partie des nôtres soi-dit en passant):
là oui je trouve que la gauche est bien dans son rôle critique.
Le projet à proposer aux Français est une autre question.
Rédigé par : Hélène | 05 février 2008 à 01:24
J'admets évidemment que l'on soit d'accord ou pas avec des propositions du rapport Attali, mais à une condition : qu'on l'ait lu (331 pages, 18,90 € ) ou, tout au moins, les 26 premières pages qui contiennent une analyse sans concession de la situation de notre pays et les vingt décisions fondamentales. J'ai l'impression que des oppositions épidermiques se sont exprimées immédiatement sans faire une analyse sérieuse du rapport, en se limitant à des défenses corporatistes (chauffeurs de taxis, pharmaciens, etc.) ou parce que l'initiative venait de Sarkosy, ou encore parce que les 42 membres de la commission n'étaient pas (tous) des professionnels de la politique mais des experts (terme péjoratif pour certains qui confondent le verbe et la réalité). Je ne comprend pas que les réformateurs socialistes qui tiennent le même discours sans concessions qu’Attali sur la situation nationale et qui veulent de nombreuses réformes qu'on retrouve dans son rapport ne se l'approprient pas positivement, tout en en discutant les points litigieux.
Je viens d'écouter le lancement de la campagne municipale de Gérard Colomb à Lyon sur la chaîne parlementaire (dimanche 3/02). Entouré de quatre maires européens ou africain, il a tenu un remarquable discours de socialisme concret, ouvert, animé par l'idée que la France se modernise, et avec succès dans ses grandes métropoles, que c'est là que cela bouge, et pas dans le jeu politique stérile du microcosme politique parisien, le seul qu'on entend pourtant dans les grands media, dont les vedettes ne s'égarent pas non plus au delà du boulevard périphérique. Les leaders du PS ne semblent pas avoir compris l'importance de la décentralisation dans l'évolution de notre pays, alors que les 21 présidents socialistes de région agissent pour construire une société « économiquement efficace, socialement juste », en s’appuyant sur les forces vives de notre pays, et qu'ils y réussissent. C’est dans les régions et les métropoles régionales que les socialistes contribuent actuellement à réformer notre pays en profondeur. Il vaudrait mieux que le PS communique sur ces avancées plutôt que sur les batailles personnelles entre anciens et futurs locataires de la rue de Solférino.
Rédigé par : Bothorel Pierre | 03 février 2008 à 21:37
« J'estime et je répète depuis le printemps dernier que cette majorité est d'abord conservatrice et que le Président, loin d'être un réformateur, est un opportuniste qui saisit les occasions de changement quand elles lui paraissent médiatiquement porteuses et les abandonne quand elles lui paraissent dangereuses pour sa côte de popularité. C'est donc bien à la Gauche de relever le défi de la réforme. » Le rôle de la gauche n’est certainement pas de reprocher à NS de ne pas aller jusqu’au bout de ses réformes. Son rôle est de construire un projet alternatif et de s’opposer frontalement aux réformes libérales que NS souhaite mettre en oeuvre. Merci au modérateur de ne pas censurer une nouvelle fois un de mes commentaires.
Rédigé par : chatel | 01 février 2008 à 21:58
(message renvoyé avec je l'espère moins de fautes que précédemment)
Bonjour,
Je suis assez d'accord avec ce que vous déclarez tant sur le rapport Attali que sur la chute de Prodi.
Rapport Attali:
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- des experts font un rapport d'experts, pas une politique
- dans les 300 mesures et plus, la politique commence quand il faut choisir les mesures prioritaires et les articuler entre elles. Dessiner une politique ce n'est pas entasser des mesures aussi bonnes soient-elles mais bien choisir des mesures en fonction d'une orientation politique et les articuler entre elles pour construire un certain avenir.
- un point important de ce rapport que vous signalez c'est qu'il est comme en dehors de la société et du monde réel : sans les citoyens, sans les acteurs syndicaux, politiques, associatifs... Ce rapport manque de chair !
- je suis aussi tout à fait d'accord avec vous quand vous dites "que cette majorité est d'abord conservatrice et que le Président, loin d'être un réformateur, est un opportuniste qui saisit les occasions de changement quand elles lui paraissent médiatiquement porteuses et les abandonne quand elles lui paraissent dangereuses pour sa côte de popularité." et que "C'est donc bien à la Gauche de relever le défi de la réforme, de la modernisation économique, du dialogue et de la confection d'un nouveau pacte social".
- j'insiste aussi sur le fait que tout cela enterre le mythe d'un centre hypothétique et d'un "ni droite - ni gauche" déstabilisateur qu'on a trop entendu depuis des mois. Où est le centre ??? Une partie a déserté et a rallié sarkozy, l'autre a presque disparu du paysage. Après les premiers mois de Sarkozy où la gauche était comme anesthésiée et se demandait même si elle avait encore des raisons d'exister, on voit bien aujourd'hui que les "valeurs de gauche" retrouvent tout leur sens face à la politique sarkoziste, et d'abord pour les prochaines municipales.
La chute de Prodi:
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- j'étais et je reste comme vous contre l'idée d'une "primaire à l'intérieur de la Gauche". Croire que le suffrage universel est toujours la bonne solution qui résoud les problèmes est malheureusement erroné.
- par contre comme vous, et c'est ce que je prônais dans une contribution en 2007, je pense qu'il faut "s'adresser non plus à des appareils périmés, mais aux citoyens qui se reconnaissent dans la Gauche tout en doutant de ses incarnations partisanes" et travailler à la mise en place "d'un nouvelle formation moderne, populaire, débarrassée des carcans", même si c'est plus facile de le dire que de le faire. Malgré tous les défauts reconnus par nombre de ses militants, le "parti" est bien commode et rassurant pour ses militants. Passer à autre chose est difficile.
Paul Le Corre,
Citoyen, ingénieur, région lyonnaise
Sympathisant de gauche et d'un imaginaire "PS rénové",
Candidat sur une liste de gauche dans une petite ville du Grand Lyon,
Auteur en juillet 2007 d'une contribution "Esquisses de pistes d’orientation pour une nouvelle politique de gauche",
Présent à ce titre à la journée sur la rénovation le 10 novembre à l'assemblée nationale.
mail : [email protected]
Rédigé par : LE CORRE Paul | 31 janvier 2008 à 14:18
Bonjour, le rapport "attali" non seulement n'est plus considéré comme un simple "rapport" mais fait plus grave, cela donne l'impression d'être déjà validé par la totalité des citoyens... J'en veux pour preuve l'attitude des chauffeurs de taxi...
Je trouve très affligeant que notre président se contente d'un rapport pour fixer des enjeux politiques concernant la totalité des citoyens...
A mon humble avis, il serait temps que les partis de gauche se réunissent pour faire face à cette montée de la droite gouvernante qui, sous couvert, d'alliances incongrues, veut faire croire que les voilà disposés à faire une ouverture politique d'une clarté ... du jamais vu...
restons vigilant.. je suis avec toi, Gaétan, tes combats sont toujours de bon aloi ...
Rédigé par : laurena2008 | 31 janvier 2008 à 12:10
Une fois de plus, j'adhère à la virgule près à tout ce que vous venez d'écrire Gaëtan.
Bon sang, quelle vue et quel souffle !
Rédigé par : Hélène | 30 janvier 2008 à 19:00