Tribune publiée par Gaëtan Gorce dans le Monde de ce soir :
La demande de Chantal Sébire au Président de la République et son action auprès du Tribunal de Grande Instance de Dijon montrent combien il est nécessaire de rouvrir et d'approfondir notre réflexion collective sur la fin de vie.
Voilà plus de trente ans que cette question hante le débat public et resurgit chaque fois qu'un homme, une femme, une famille se trouvent placés face au dilemme de la souffrance et de la mort.. Il est indispensable de s'y préparer pour y apporter des réponses dont il faut accepter dès l'abord qu'elles seront nécessairement partielles et évolutives.
Un premier véritable changement est ainsi intervenu en 2004, au lendemain de l'affaire Humbert. Il était apparu évident que la question de la vie et de la mort relevait bien du législateur, auquel il appartient, dans le respect des consciences, de fixer un cadre, c'est à dire de rappeler ce que la société peut accepter sans mettre en péril ses principes fondateurs.
Il s’est agit d'une évolution décisive : la reconnaissance du droit des malades à pouvoir mourir, dès lors qu'ils en expriment la volonté et dépendent pour leur survie d'un traitement dont l'interruption peut être décidée à leur demande. Cette loi du 22 avril 2005, qui a par ailleurs prohibé l'acharnement thérapeutique, encouragé les soins palliatifs, légalisé le « double effet » et innové en créant une déclaration anticipée, sorte de testament de fin de vie, a permis d'apporter une réponse à la quasi totalité des cas auxquels sont confrontées les équipes médicales et les familles. Elle a cependant laissé volontairement de côté la situation particulière de celles et ceux qui souhaitent une assistance médicale directe et active à la fin de vie parce qu'ils se trouvent eux-mêmes dans l'impossibilité de mettre un terme à leurs jours alors qu'ils doivent, victimes d'une maladie incurable et mortelle, endurer des souffrances insupportables.
Faut il aujourd'hui aller plus loin ? Le cas de Chantal Sébire, après celui de Vincent Humbert et avant sans doute malheureusement beaucoup d'autres, montre que la loi doit encore évoluer.
Ma conviction est que la méthode qui a prévalu voici trois ans reste la seule possible : rouvrir le débat parlementaire, constituer une nouvelle Mission d'information, à parité entre majorité et opposition. Celle-ci serait chargée d'abord d'évaluer les conditions d'application de la loi du 22 avril 2005, comme ses effets. Il serait en effet absurde de bâtir une nouvelle oeuvre législative sans tenir compte de celle qui doit au contraire lui servir de socle. Sa seconde fonction serait, au vu des éventuelles carences révélées, (parmi lesquelles figureront évidement des cas comme celui de Chantal Sébire) de proposer sereinement, sans passion, les évolutions législatives nécessaires.
Faut-il jeter les bases d'un nouveau droit comme le réclament les associations ? Personnellement je ne le crois pas, tant on voit les risques que pourrait faire courir au simple respect des personnes un droit qui serait opposable à tous, quelque soit les circonstances et qui pourrait créer entre le malade et le médecin qui le soigne une sorte de rapport d'automaticité quant à la décision à prendre. Le risque d'inhumanité n'est en effet pas loin lorsque la loi dicte ce qu'il convient de faire s'agissant de cas particuliers mettant en jeu la vie et la mort Mais il ne peut être en revanche question de rester plus longtemps insensible aux drames qui peuvent concerner désormais à travers les familles chacun de nous.
C'est pourquoi je suggère que soit mis à l'étude une formule d'exception qui consisterait, chaque fois qu'un malade entre dans le champ de la loi du 22 avril 2005 (maladie incurable, souffrances insupportables, issue fatale incontestable) mais ne peut bénéficier de ses dispositions (dans la mesure où sa survie ne dépendrait pas encore d'une traitement que l'on pourrait interrompre), à permettre à celui-ci de saisir une Haute Autorité Morale. Composée de juristes, de médecins et de personnalités qualifiées, celle-ci pourrait décider d'autoriser, faute d'autre solution et à condition que toutes les garanties soient réunies, un médecin à accéder directement à le demande de mort de son malade, dans le respect naturellement de sa liberté de conscience.
Cette proposition, par son caractère exceptionnel, et parce qu'elle s'inscrit dans le prolongement de la loi que nous avons déjà votée, me paraît aujourd'hui la seule à même de concilier les demandes légitimes du malade avec le respect des grands principes de notre société et de la sensibilité particulière, ô combien justifiée, des profession médicales.
Gaëtan Gorce Député de la Nièvre, Vice Président du Groupe socialiste
Ancien Président de la Commission spéciale chargée d'examiner la proposition de loi relative aux droits des malades et à la fin de vie
Je suis médecin, ai été confronté à l'euthanasie de mon épouse, à sa demande, au stade ultime d'un cancer généralisé.
J'ai des dificultés à accepter la notion selon laquelle le droit à bénéficier d'une "fin de vie active" (euthanasie) doive être considéré dans un champ législatif "exceptionnel": aujourd'hui, dans notre société, ne devons-nous pas accepter le principe pour chacun de disposer de sa vie? (euthanasie, suicide).
Quelque part, la loi sur l'IVG n'a-t-elle pas déjà ouvert la porte à ce droit?
Dans ces conditions, pourquoi ne pas laisser à un "collège ad hoc"(comme en Belgique) le soin de décider à postériori si la démarche rentre dans le cadre de ce que la loi autoriserait?
En amont, nécessité d'une décision obligatoirement collégiale (comme pour l'IVG, comme pour le signalement des enfants en danger) avant tout acte. rédaction d'un protocole précis (circonstances, volonté réafirmée du patient,)
Après le décès, transmission systhématique au "collège ad hoc" travaillant sous l'autorité du procureur auquel seraient automatiquement transmises toutes les situations ayant donnés lieu à cet acte de fin de vie.
400 cas sur 8 millions en Belgique, cela fait environ 3.000 cas par en France: sommes-nous encore dans l'exception?
Le systhème belge semble très bien fonctionner et donner lieu à très peu de poursuites.
Mais il est vrai que des articles de la loi Léonetti seraient à supprimer...
Bon courage!
Rédigé par : Michel PHILIPS | 21 mars 2008 à 16:41