Je suis intervenu ce mardi au colloque du Fond de Réserve pour les Retraites. La table-ronde où je prenais la parole devait répondre à la question suivante : Comment restaurer la confiance des jeunes générations dans le système de retraite ?
Vous trouverez ci-dessous le texte de mon intervention :
1. Il convient tout d'abord de rappeler que si les estimations sont fiables d'ici à 2020, elles ne représentent au delà que de simples spéculations soumises à variation en fonction de l'évolution, par exemple, de la démographie, de la croissance et de l'emploi.
2. Pour conserver au système de retraite son caractère d'égalité et de justice, il faut conserver la répartition, c'est à dire le principe selon lequel ce sont les actifs du moment qui financent les pensions des retraités du moment.
Pour assurer l'avenir du système de répartition, il faut prendre des mesures qui assurent à la fois un financement équilibré et la confiance durable dans le système. Ce qui suppose :
D'abord de dire la vérité sur la situation financière déjà très dégradée. La loi Fillon de 2003 est loin d'avoir tout réglé, puisque le déséquilibre financier atteindra 5 milliards d'euros en 2008.
Ensuite faire preuve de volonté et rappeler que nous avons les moyens de rétablir l'équilibre dans des conditions justes et satisfaisantes. Les besoins de financement à l'horizon de 2020 sont de 0,7 point de PIB, soit 14 milliards d'euros (= le coût du Paquet fiscal en année pleine).
Augmenter comme prévu les cotisations Vieillesse gagées sur la baisse des cotisations Chômage : possible à partir de 2010 compte tenu des déficits accumulés à résorber du régime Chômage.
Augmenter la contribution de l'État et des Collectivités territoriales à l'équilibre des régimes de la Fonction publique.
Autres pistes:
Rééxaminer les 30 milliards d'euros d'exonération de cotisations sociales, au regard des possibles effets d'aubaine, mais aussi sur le plein remboursement en temps et en heure qui représente un enjeu de 3 milliards d'euros annuels ;
Revoir le paquet fiscal. D'un cout total de 15 milliards d'euros en années pleine, la simple annulation de l'exonération des droits sur les grosses succession rapporterait 2 milliards d'euros.
3. Pour autant, ce relatif optimisme doit être nuancé de plusieurs manières :
d'abord cette perspective repose sur l'idée d'un allongement supplémentaire à 41 ans de la durée de cotisation nécessaire, ce qui, compte tenu de l'évolution de l'emploi des séniors est discutable aujourd'hui.
Également parce que l'augmentation des cotisations et des contributions pour couvrir le besoin de financement de 0,7 point de PIB doit être impérativement compensé par une diminution des dépenses ailleurs, de manière à stabiliser globalement à leur niveau d'aujourd'hui les prélèvements obligatoires. Ce qui pose le problème de la réforme de l'État.
Également parce que la question de place donnée et du rôle joué par le FRR ne sont pas clairement définis aujourd'hui. Le FRR est insuffisamment alimenté (aujourd'hui à 34 milliards d'euros pour un objectif fixé initialement à 150 milliards en 2020) et la tentation est manifeste, puisqu'il ne pourra jouer un rôle de 2020 à 2040, compte tenu des besoins de financement actuels, de le détourner dès maintenant de son objet. Un des choix politiques les plus importants à effectuer aujourd'hui par les jeunes générations, c'est de se battre pour que le FRR soit alimenté à hauteur de 5 à 6 milliards d'euros par an dès maintenant, ce qui permettra de couvrir 50% de besoins de financement de 2020 à 2040.
Ensuite parce que la loi de 2003 ne garanti pas un taux de remplacement satisfaisant.
Mais prenons garde de ne pas réformer dans une approche technique ou uniquement contrainte.
4. Une telle démarche ne peut être conduite indépendamment :
d'une politique soutenant la croissance et plus encore la productivité, c'est à dire la richesse relative de ce pays
d'une réflexion sur les temps de vie et en particulier sur la possibilité qui devra être offerte aux salariés, à commencer par les plus jeunes, de stocker du temps utilisable plus tard pour la retraite et d'encourager également les formules de retraites progressives, de façon à concevoir le temps de travail nécessaire pour payer sa retraite sur une vie entière et pas seulement dans le cadre strict de l'entrée et de la sortie à dates fixes du marché du travail.
de la place faite aux femmes qui représentent un potentiel d'augmentation de la population active considérable.
de ce qui, enfin, constitue un juste contrat entre les générations (principe de Musgrave qui propose de maintenir constant le rapport entre le revenu des actifs et les prestations de retraite), mais aussi à l'intérieur des générations en tenant compte de la durée de vie et donc de retraite, ce qui suppose de travailler à une meilleure progressivité des prélèvements sur les actifs et sur les retraités (Avantage Épargne Retraite par exemple).
Du modèle de société auquel on se réfère et des signes que le politique et les partenaires sociaux sont prêts à donner en ce sens.
5. En conclusion, et pour revenir à nos observations du début, il est difficile de prévoir ce que sera le besoin de financement de notre système de retraites dans 40 ans.
On peut en revanche prédire plus facilement ce que sera le devenir professionnel des futurs actifs et en déduire la situation de chacun à titre personnel dans 40 ans. En clair, les conditions d'entrée sur le marché du travail vont déterminer les conditions de sorties et la qualité de travail la qualité de la période de non travail, le tout dépendant de l'accès à la qualification et à son entretien.
Gøsta Esping-Andersen va même jusqu'à dire qu'une bonne réforme des retraites commence avec les bébés, ce qui revient à dire que la question des retraites pose plus globalement celle d'une société juste et que cela se décide aujourd'hui !
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