LCI.fr : Un an après la présidentielle, comment jugez-vous la santé du PS?
Gaëtan Gorce, député PS de la Nièvre : Il a retrouvé un peu la forme avec les municipales mais il n'a pas retrouvé la santé car cela suppose le physique et le moral. Et là il y a encore beaucoup de travail. Le cerveau est encore un peu asphyxié par la difficulté des sujets à aborder et par la mauvaise méthode qui a été choisie pour remettre le parti en mouvement. Il faudrait savoir pourquoi nous produisons des échecs électoraux à répétition et se remettre en cause de manière collective. Mais au parti socialiste, on est un peu étranger à ce genre de réflexion.
Pourquoi le PS est-il organisé d'une matière qui le rend impénétrable aux émotions et aux déceptions ressenties par les électeurs de gauche ? La réponse tient dans son système de fonctionnement, un "système" au sens propre du mot, un système qui est basé sur la cooptation, la perpétuation des mêmes équipes, des mêmes dirigeants qui finissent pas être insensibles aux influences de l'extérieur.
LCI.fr : "Système", le mot est fort...
G.G. : Ça ressemble beaucoup à la IVe République... Le système institutionnel du PS repose sur la proportionnelle, les chefs de courant occupent toujours les mêmes positions quel que soient les résultats électoraux. Il fonctionne sur une répartition des places en fonction de l'influence que les chefs de courant ont acquise. Cette organisation avait sa justification lorsqu'il y avait une diversité de sensibilités mais ces dernières sont devenues le masque le plus présentable des écuries présidentielles. Le problème c'est que ces écuries ne produisent plus de chevaux gagnants mais perdants. On devrait donc s'interroger sur leur utilité.
Le PS a besoin d'une rupture radicale avec son mode de fonctionnement actuel. Il faut désigner clairement un leader qui mène la bataille d'opposition puis de conquête du pouvoir. A partir de cela, il faut démocratiser le fonctionnement du parti et faire en sorte que les choix soient opérés par des votes militants, thème par thème. Or aujourd'hui, le système des motions (textes recueillant des signatures) entraîne une confusion entre le vote sur les personnes et sur les orientations proposées. C'est un système régressif sur le plan démocratique.
LCI.fr : Selon vous, la compétition Royal-Delanoë est-elle une clarification nécessaire ou les prémices d'une crise pour le PS?
G.G. : Ça peut être l'un comme l'autre. Elle peut être utile si elle permet de trancher clairement sur une ligne et sur une forme de leadership. Elle sera catastrophique si elle n'est qu'un choc entre des équipes divergentes qui n'ont pas défini les raisons pour lesquelles elles voulaient s'emparer du pouvoir. Nous verrons bien. Moi je n'ai pas l'intention de participer directement à cet affrontement. Avec Manuel Valls et d'autres, nous déposerons probablement un texte en juin qui dira ceci : le PS a plusieurs France de retard alors que nous sommes entrés dans un monde radicalement nouveau et que la fidélité à nos valeurs doit s'accompagner d'une révision complète de notre projet politique
LCI.fr : Que pensez-vous de la démarche des "reconstructeurs" (Cambadélis, Montebourg) qui veulent un Premier secrétaire qui ne soit pas un présidentiable ?
G.G. : Ce qu'ils nous expliquent, c'est qu'il faut mettre de côté toutes les questions qui dérangent pour les traiter plus tard. Ce n'est pas la bonne méthode. Il faut au contraire les régler tout de suite. L'une des questions qui dérangent c'est la forme d'organisation du parti. Certains sont attachés à une forme traditionnelle qui est, selon moi, régressive sur le plan démocratique. D'autres veulent casser ce système basé sur la proportionnelle.
Ensuite, il faut ouvrir le débat
sur le projet : il va se tenir entre les fondamentalistes-conservateurs
qui veulent en revenir aux fondamentaux du parti type années 60 et 70
et ceux qui veulent se tourner résolument vers l'avenir. Et ce débat
doit être tranché le plus tôt possible démocratiquement. Il faut une
relève nette à Nicolas Sarkozy et non un premier secrétaire de
transition avec un programme de transition. Compte tenu de l'inertie
actuelle au PS, seul un leadership fort permettra de trancher un certain nombre de nœuds gordiens.
LCI.fr
: Des grèves de fonctionnaires ont lieu, notamment dans l'éducation.
Quel discours la gauche doit-elle tenir sur la réforme de l'Etat ?
G.G. : Tout le monde est conscient de la nécessité de réformer l'Etat. Pour la droite, cela signifie réduire les aides et diminuer les effectifs. Pour nous, cela doit au contraire signifier une meilleure adaptation du service public et de la protection sociale aux besoins nouveaux de l'économie et de la société. Il faut avoir une approche offensive et pragmatique sur ce sujet. Il ne faut pas défendre le système pour le défendre mais pour qu'il donne une plus grande efficacité.
Nous avons besoin d'une croissance plus forte. Cela nécessite une plus grande innovation, une vraie réforme de l'enseignement supérieur, une réforme du marché du travail qui soit solidaire et non pas basée sur des sanctions. Le principe de la réforme est accepté par la gauche mais ses modalités sont très différentes de celles de la droite.
Il faut également une démocratie plus vivante. Je ne crois pas à la réforme imposée d'en haut mais à la réforme discutée le plus tôt possible et étalée sur la durée d'une législature. Tous les grands pays européens qui ont réformé leur système l'ont fait dans la durée.
N'est-ce pas, Bothorel ?
Ce que vous dites est toujours si juste, de mon point de vue.
PS :
Attali et ses plagiats ou innovations véritables :
à considérer toujours avec une extrême modération !
Comme certains vins ... traîtres.
Rédigé par : le concombre masqué | 20 mai 2008 à 13:13
Une fois de plus, j'apprécie les prises de position de Gaëtan Gorce, telles qu'il les a exprimées dans l'interview à LCI. Je suis furieux de voir que la préparation du congrès est encore une fois une bataille des chefs et qu'accessoirement des idées. Il y a cependant un clivage clair entre ceux que Gaëtan Gorce appelle les fndamentalistes-conservateurs, qui continuent à croire qu'ils peuvent trouver les solutions aux problèmes de notre temps dans les écrits de Karl Marx, comme le font les chrétiens dans la Bible ou les musulmans dans le Coran, et les socialistes réalistes qui savent quelles réformes de fonds sont incontournables pour que notre pays retrouve les moyens d'une solidarité forte envers nos concitoyens malheureux, ainsi qu'un avenir pour nos enfants et petits-enfants. Cette scission fondamentale n'apparait pas avec force dans les échanges médiatisés de nos leaders socialistes. Nos réformateurs ne font pas assez acte de pédagogie en exliquant en détail la situation de notre pays et les solutions qui doivent être envisagées, en ayant le courage d'aller voir ailleurs les solutions qui ont réussi. A ce sujet je voudrais citer trois livres qui traitent au fond des choses des domaines où la France souffre de handicaps struturels. 1) "Faut-il brûler le modèle social français ?" d'Alain Lefèbvre et Dominique Méda (Seuil 2006), description remarquable et critique de la socale -démocratie des pays nordiques, que j'ai découvert en écoutant ses auteurs lors d'une des toutes premières réunions de Désirs d'Avenir à Paris. 2) "Faut-il sauver les Grandes écoles ? - de la culture de la sélection à la culture de l'innovation (les presses de Sciences Po 2007) de Pierre Veltz, président de Paris Tech qui regroupe dix écoles d'ingénieurs parmi les plus prestigieuses. Les conséquences de notre choix de consacrer l'essentiel de nos moyens à la formation d'une petite élite d'ingénieurs de haut niveau au détriment de chercheurs créatifs y sont clairement analysées. 3) "La Finlande : un modèle éducatif pour la France -les secrets de la réussite" - "ESF éd. 2008" de Pascal Robert. Après avoir rappelé le classement catastrophique de la France dans les enquêtes PISA sur les performances des systèmes éducatifs des pays de l'OCDE, cet auteur montre que la Finlande qui truste toutes les premières places a choisi un système éducatif fondamentalement différent du nôtre. Les discussions actuelles sur le nombre d'eneignants et le contenu des enseignements ne nous rapprocheront pas des "secrets de la réussite". Une réforme beaucoup plus profonde est nécessaire.
Nos personnalités socialistes réformatrices ne pourraient-elles pas organiser des débats avec ces auteurs pendant qu'il est encore temps de le faire, avant que tout soit bouclé une nouvelle fois ? Et pourquoi pas aussi avec Jacques Attali, dont les comptes rendus* de la "commission pour la libération de la croissance française" qu'il a animée ont été rejetés sans les lire sous la pression d'une centaine de chauffeurs de taxi, possédant une très forte C.N.V. (capacité de nuisance visible) et à gauche sous prétexte que c'était une commande du président Sarkosy. Alors qu'un bon nombre de ces propositions devraient avoir l'appui d'une gauche réformiste, et que déjà plus de 150 d'entre elles sur 300 seront mises en chantier d'ici juin (dixit Jacques Attali dans un entretien avec Alain Minc.
* "300 décisions pour changer la France" Jacques Attali (La documentation Française - 2008).
Rédigé par : Bothorel | 17 mai 2008 à 15:29