Déstabilisés par l'arrêt rendu le 8 septembre par la Cour de Justice des Communautés européenne, le gouvernement et le rapporteur témoignent, en multipliant les déclarations et les communiqués, de leur manque de confiance dans le projet de loi qu'ils présentent et qui vise à ouvrir à la concurrence les jeux et les paris en ligne.
Contrairement au message martelé par le gouvernement et par les puissants lobbys de l'industrie des jeux en ligne, loin de faire l'unanimité, le projet de loi suscite en effet de nombreuses réserves :
Les importantes recettes publicitaires que le sport professionnel et les médias attendent de l'ouverture des paris en ligne vont entraîner une dérive spéculative qui affectera aussi bien les droits de retransmission que les salaires des joueurs ou les budgets des clubs qui seront mis en difficulté dès que ces recettes commenceront à diminuer. Ce projet de loi promeut l'économie casino, dont la crise financière vient pourtant de montrer la nocivité. Il est par ailleurs effarant de constater que l'État propose de financer le secteur sportif – qu'il a délaissé depuis plusieurs années – par une activité économique qui menace à la fois la santé publique et l'intégrité des compétitions.
70 000 emplois de la filière hippique sont directement menacés. En Italie, l'ouverture à la concurrence a entraîné une chute de 33 % des ressources de la filière équine que la mise en place d'un prélèvement supplémentaire sur les jeux sportifs au profit des courses hippiques n'a pas suffi à inverser. Les éleveurs, tout comme les 250 sociétés de courses qui sont réparties sur tout le territoire français ne cessent d'exprimer leurs inquiétudes, sans être entendues par le gouvernement. Les députés socialistes s'insurgent contre la déstabilisation programmée d'un secteur dynamique.
La protection des mineurs et des joueurs vulnérables n'est pas véritablement garantie. Les études scientifiques montrent pourtant que la dépendance à l'écran augmente l'addiction aux jeux et le risque d'alcoolisme et de tabagisme. La majorité a rejeté nos amendements visant à interdire les paris dangereux, du type bourse aux paris, paris à la fourchette et paris à cote. Alors que ces types de paris sont connus pour leur caractère addictif et ruineux. La commission des Finances a par ailleurs vidé de son contenu notre amendement qui interdisait aux opérateurs de parrainer la tenue d'événements à destination des mineurs.
L'ouverture, enfin, ne sera pas maîtrisée. La bienveillance du gouvernement envers des groupes d'opérateurs privés qui proposent d'ores-et-déjà, dans la plus parfaite illégalité, de jouer et parier en ligne sur des sites français, préjuge mal de ce que sera son attitude une fois la loi votée. L'Olympique Lyonnais peut ainsi inviter en toute impunité sur son site à jouer sur Betclic, et les sites de RMC et de Métro faire de la publicité pour Unibet sans être inquiétés. Il y a fort à parier que les mesures fiscales et sociales prévues par le projet de loi, dès à présent contestées par les opérateurs, seront rapidement dépassées. Enfin, la pression sur le calendrier, calqué sur celui de la Coupe du Monde de Football, ne permettra aucun contrôle sérieux de l'Autorité de régulation des jeux en ligne (ARJEL) sur les agréments demandés.
Des solutions alternatives existent, que le gouvernement refuse d'examiner.
Les députés socialistes veulent que l'organisation et le contrôle des jeux d'argent et de hasard s'inscrive dans une logique de service public. L'arrêt Santa Casa de la CJCE stipule que « les États-membres sont libres de fixer les objectifs de leur politique en matière de jeux de hasard », notamment par « l'octroi des droits exclusifs [...] à un opérateur unique [...] dès lors qu'il est soumis à un contrôle étroit des pouvoirs publics ». Les missions de la Française des Jeux et du PMU peuvent et doivent être réorientées pour protéger les joueurs les plus vulnérables, et pour lutter contre la fraude et la criminalité. Les recettes des jeux doivent aller au sport amateur et non servir des intérêts individuels.
Les
socialistes considèrent enfin qu'une vraie réforme doit
s'inscrire dans le cadre d'une véritable
coopération européenne
visant à harmoniser les moyens de contrôle et de
sanction. Ils proposent que la France en prenne elle-même
rapidement l'initiative, plutôt que de céder, sans
résistance, à la Commission.
Gaëtan Gorce
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