Propice à la lecture, les derniers jours de l'été m'ont permis d'achever le beau livre de Jan Karski : « Mon témoignage devant le monde – Histoire d'un État clandestin ». On se souvient que Karski avait l'an dernier défrayé la chronique littéraire, Claude Lanzman et Yannick Haenel s'opposant sur la place respective de l'histoire et de la licence littéraire dans la biographie. Au-delà de cette dispute, au fond peu ragoûtante, restons-en au personnage central, involontaire objet telle controverse. Émissaire du gouvernement polonais en exil à Londres, Karski s'est efforcé, en vain, de convaincre les alliés d'agir pour sauver les Juifs de l'extermination. Le récit de sa découverte du ghetto de Varsovie ne laisse pas intact...
Les deux livres d'André Schwartz-Bart, « Le dernier des Justes » et plus récemment « L'étoile du Matin », m'avaient aidé déjà non pas à comprendre mais à saisir, à sentir ce que le « mal » pouvait être : une volonté insensée de détruire et de faire souffrir, sans réserve ni scrupule. Ce qu'a subi le peuple juif est indicible, sauf pour quelques uns qui surent, comme Karski ou Schwartz-Bart, le raconter. Il est surtout impossible, à évaluer, à peser. Il dépasse tous les codes, tous les instruments de mesure dont notre conscience peut être dotée.
Aussi met-il chacun d'entre nous en dette à l'égard du peuple juif, une dette irrémissible que nous nous transmettons de génération en génération. Non qu'il s'agisse d'une quelconque responsabilité ou culpabilité collective. Mais simplement parce que la réponse au mal absolu qui lui fut fait tient dans cette seule reconnaissance, hors du temps désormais, et par l'humanité entière. Parce que l'on a cherché à le retrancher de celle-ci, parce que les nazis commirent en agissant ainsi, un acte irréparable, une rupture, nous sommes tous définitivement sans possibilité de retour, simplement parce qu'humains débiteurs de ce malheur auquel nous n'avons pourtant pris aucune part.
Mais ne confondons pas ce qui relève d'un devoir du cœur et de la raison avec le jugement que l'on peut porter sur la politique de l'état d'Israël. Ne prenons pas, pire encore, prétexte de ses excès pour nous débarrasser, à bon compte, de cette dette d'humanité ! Ce serait commettre LA faute d'où d'autres fautes et errements pourraient naître. On ne peut pas être « homme » et ne pas être, plus de soixante plus tard, épouvanté, effondré, accablé, écrasé par la monstruosité du Mal.
À sa manière, c'est notre dette qu'Elie Wiesel nous rappelle dans « L'otage », récit incomplet, peut-être, mais pourtant émouvant qu'il publie ces jours-ci. Camus disait que c'est « la faiblesse que nous avons pour la beauté qui rend le monde supportable » (Le dernier Homme). Faiblesse, oui, parce que ce ravissement nous éloigne, mais seulement pour un temps de l'épouvantable et absurde condition qui s'impose à nous...
Les deux livres d'André Schwartz-Bart, « Le dernier des Justes » et plus récemment « L'étoile du Matin », m'avaient aidé déjà non pas à comprendre mais à saisir, à sentir ce que le « mal » pouvait être : une volonté insensée de détruire et de faire souffrir, sans réserve ni scrupule. Ce qu'a subi le peuple juif est indicible, sauf pour quelques uns qui surent, comme Karski ou Schwartz-Bart, le raconter. Il est surtout impossible, à évaluer, à peser. Il dépasse tous les codes, tous les instruments de mesure dont notre conscience peut être dotée.
Aussi met-il chacun d'entre nous en dette à l'égard du peuple juif, une dette irrémissible que nous nous transmettons de génération en génération. Non qu'il s'agisse d'une quelconque responsabilité ou culpabilité collective. Mais simplement parce que la réponse au mal absolu qui lui fut fait tient dans cette seule reconnaissance, hors du temps désormais, et par l'humanité entière. Parce que l'on a cherché à le retrancher de celle-ci, parce que les nazis commirent en agissant ainsi, un acte irréparable, une rupture, nous sommes tous définitivement sans possibilité de retour, simplement parce qu'humains débiteurs de ce malheur auquel nous n'avons pourtant pris aucune part.
Mais ne confondons pas ce qui relève d'un devoir du cœur et de la raison avec le jugement que l'on peut porter sur la politique de l'état d'Israël. Ne prenons pas, pire encore, prétexte de ses excès pour nous débarrasser, à bon compte, de cette dette d'humanité ! Ce serait commettre LA faute d'où d'autres fautes et errements pourraient naître. On ne peut pas être « homme » et ne pas être, plus de soixante plus tard, épouvanté, effondré, accablé, écrasé par la monstruosité du Mal.
À sa manière, c'est notre dette qu'Elie Wiesel nous rappelle dans « L'otage », récit incomplet, peut-être, mais pourtant émouvant qu'il publie ces jours-ci. Camus disait que c'est « la faiblesse que nous avons pour la beauté qui rend le monde supportable » (Le dernier Homme). Faiblesse, oui, parce que ce ravissement nous éloigne, mais seulement pour un temps de l'épouvantable et absurde condition qui s'impose à nous...