C'est pour lever cette suspicion que j'ai souhaité déposer, avec le groupe socialiste, une proposition de loi pour une République décente. Plutôt que de m'attaquer à tous les sujets qu'évoquent une telle préoccupation, j'ai voulu m'en tenir à deux questions centrales qui se ramènent toutes à une seule problématique. Avec quelle responsabilité doit être incompatible la fonction de ministre ? Notre Constitution est aujourd'hui bien chiche : elle ne concerne que le cumul avec « des fonctions parlementaires, de représentation professionnelle à caractère national et de tout emploi public ou de toute activité professionnelle ». Aucune extension de cette liste n'est prévue, et si l'on veut y procéder, il faut d'abord - excusez du peu -, modifier notre Charte constitutionnelle.
Pourquoi est-il urgent de le faire aujourd'hui ? Parce que nous ne pouvons pas tolérer plus longtemps qu'un ministre puisse à la fois avoir la haute main sur le bénéfice d'avantages fiscaux et occuper des fonctions éminentes dans un parti ; parce que nous ne pouvons pas accepter qu'un membre du gouvernement puisse éventuellement user de ses fonctions pour favoriser ses intérêts personnels ou ceux de sa famille.
Est-ce aller trop loin ? Mais est-il normal que l'on puisse mettre à profit les prérogatives que l'on tient de la République en parallèle avec des responsabilités occupées non seulement dans un parti mais dans n'importe quel organisme qui pourra ainsi s'assurer d'un concours personnel, politique, juridique, ou financier, exorbitant ? Et comment admettre que l'on puisse laisser subsister le plus petit soupçon sur les avantages dont pourraient bénéficier dans une entreprise soumise au contrôle d'un ministre les membres de sa famille ?
Il ne s'agit pas là de sanctionner : le délit de prise illégale d'intérêt y pourvoit déjà. Il s'agit de prévenir des comportements que la morale ou le simple bon sens devraient écarter, mais dont l'actualité nous rappelle qu'ils peuvent être humains, trop humains.
Peut être faudrait-il même aller plus loin et rendre incompatible la fonction de ministre avec un mandat local ! Que penser en effet de la situation d'un préfet appelé de par ses fonctions à contrôler un maire qui lui-même, comme ministre, est appelé à lui donner des instructions, voire même à influer sur sa carrière. Martin Hirsch, dans son livre récent à voulu épingler les comportements les plus discutables, et il a eu raison de le faire. Peut-être aurait pu même (ou aurait dû) les dénoncer lorsqu'il était au pouvoir? L'éthique n'est pas seulement l'affaire de l'opposition !
La bataille pour une République décente est pourtant bien nécessaire. Il n'y a rien de plus précieux en période de crise que d'avoir et de conserver la confiance de nos concitoyens. Des gestes simples peuvent y contribuer. C'est pourquoi j'en viens même à espérer, sans trop y croire que la majorité pourrait voter la proposition de loi que je défendrai en commission des Lois la semaine prochaine et en séance le 14 octobre. Je l'y invite même...
Gaëtan Gorce