Au moment même où le Parti socialiste fait sortir l'idée d'une VIe République par la porte, celle-ci ne s'apprête-t-elle pas à rentrer, au grand dam sans doute de son concepteur, par la fenêtre ? C'est en tout cas la question que soulève la série de sondages publiée par le Parisien ces derniers jours. Au-delà du score obtenu (ou prêté) à Marine Le Pen, qui traduit néanmoins ce que chacun d'entre nous peut ressentir sur le terrain, le problème est bien celui de la confusion dans laquelle se trouvent nos concitoyens, et de la dilution des intentions de vote qui en résulte.
Si l'on veut bien s'en souvenir, j'avais voici quelques mois, sur ce blog, souligné les risques que représentait pour la Gauche sa décision de différer le choix de son candidat à l'automne prochain. Le désordre dans les esprits que provoquent les aléas et les errements de la stratégie de Nicolas Sarkozy laisse en effet un grand nombre de nos compatriotes dans le trouble et empêche le Parti socialiste de cristalliser sur son représentant les différentes formes de mécontentements qui se manifestent ici ou là. Celles-ci sont à la fois sociales, mais aussi, et malheureusement, civiques et morales. Ce à quoi l'on a assisté depuis le début de cette année à travers « l'Affaire Alliot-Marie », après « l'Affaire Woerth » l'an passé, illustre d'abord la déliquescence de l'esprit public, à savoir, le refus de dirigeants politiques d'assumer les responsabilités qui sont les leurs à l'égard de règles non écrites mais dont l'observation, dans une période de crise, est jugée incontournable par l'opinion.
Si la parole publique recule en effet, ce n'est pas tant que les comportements des uns ou des autres se dégradent, c'est que tous se montrent incapables de s'ajuster à une exigence citoyenne qui n'a, elle au contraire, cessé de s'intensifier. Ce processus n'est pas sans rappeler celui qui prévalu sous la IVe République, d'autant que le Chef d'État lui-même, après la forte contribution déjà apportée par Jacques Chirac à ce processus, affaiblit, par chacun de ses actes, comme chacune de ses interventions, l'influence de sa fonction et le respect qui lui est dû. À la différence de ce qu'a voulu le Général de Gaulle, ce n'est plus aujourd'hui vers le Président de la République que l'on se tourne pour chercher la solution, mais c'est bien plutôt de lui que l'on se détourne...
Tout cela pourrait déboucher, d'ici un an, sur une situation inédite, à savoir un premier tour de la Présidentielle, dont l'issue se jouerait à la loterie, aucun des candidats des deux grands partis n'étant certain de se qualifier pour l'étape suivante. Si tel était le cas, il pourrait en résulter, sous la pression du vote, une recomposition politique dont on sent bien qu'elle est aujourd'hui plus que jamais nécessaire. Mais qui pourrait, intervenant dans un tel contexte, tourner au chaos. L'absence de renouvellement dans les directions des grands partis, leur difficulté à assumer face à l'opinion la dure réalité des temps, la conviction qui s'est installée dans les esprits que par leurs disputes, les dirigeants politiques n'ont en vue que le pouvoir et non ce qu'il permet de faire au service de la Nation, tout cela pèse d'une façon extrêmement négative sur la situation politique et obscurcit l'avenir.
Pour autant, le plus grave, n'est peut-être pas là ! À s'en tenir à ce que je viens de décrire, l'on pourrait en conclure que l'horizon est totalement dégagé pour une candidature inédite, celle d'une personnalité hors normes, profitant de la confusion des partis installés pour se frayer un chemin vers le cœur des Français. Nul n'émerge pourtant sur les marges, et c'est ce qui explique (et fait craindre à juste titre) sans doute la percée du Front national. Cela veut-il dire, qu'à rebours de son Histoire, la France ne serait plus capable de produire un homme ou une femme d'État ? Ou cela signifie-t-il plutôt que si celui-ci existe, il peine à se dégager des pesanteurs du système partisan dans lequel il ou elle est englué ? Je veux faire le pari que cette seconde explication est la bonne, et croire que les primaires permettront au Parti socialiste de faire sortir de ses rangs une telle personnalité. Il serait injuste en effet de penser que nous serions dans une période de si basses eaux condamnés au clapotis des petites querelles et des égos.
Encore faudra-t-il, pour qu'une telle opportunité se concrétise, réunir deux conditions. D'abord, dire au pays la vérité : non qu'il soit condamné à la rigueur, mais plutôt invité au « redressement » économique, social et moral. Redonner par l'exemple confiance dans la politique ; faire face aux défis de l'avenir qui passe par une réforme assumée de l'État et de notre système de protection sociale, le choix d'une croissance écologiquement maîtrisée, l'envie aussi de porter un message fort à l'écart des frilosités et des prudences d'aujourd'hui.
Faire pièce au « bonapartisme », ensuite, que la vacuité politique du moment peut encourager, en faisant le choix de revivifier la démocratie, via un Parlement fort, une décentralisation relancée, un dialogue social respecté et un mouvement associatif fortement encouragé. Au fond, contre l'appel au peuple, en appeler à la société !
Tout cela reviendrait aussi à fonder une VIe République, puisque la Ve, telle que l'avait conçue ses fondateurs qui était plus un esprit qu'une Constitution, n'existe déjà plus dans la pratique...
J'ai l'honneur de vous transmettre un fichier PDF pour un "Pacte démocratique pour 2012." 12 propositions pour 2012. J'espère que ça vous interessera.
https://sendnow.acrobat.com/?i=4h156saMn*lQ6uckYkQeeA
j'ai bien suivi les travaux de C6R, mais attendre la survenue d'une constituante en France, me paraît un peu utopique. Merci..
Rédigé par : uguen bernard | 10 mars 2011 à 16:16
Merci pour cette analyse très pertinente
Rédigé par : Jean-paul Bérard | 08 mars 2011 à 12:50