Si le nom de Pierre Mendès France (PMF) parle moins aujourd’hui au pays et d’abord à sa jeunesse ; si l’impact de ces trois consonnes rassemblées n’est plus le même que voici 30 ou 40 ans, l’exemple du jeune député d’Evreux, du sous-secrétaire d’Etat à l’Economie de Léon Blum au temps du Front Populaire, du combattant de la France libre, du ministre des Finances démissionnaire du Général De Gaulle à la Libération, du Président du Conseil préparant la décolonisation du Maroc et de l’Indochine, de l’opposant intraitable au Général de Gaulle, mérite au contraire d’être rappelé et suivi.
On peut choisir de confondre politique et idéologie. Cette période est désormais, on le sait, derrière nous. On peut choisir alors de la confondre avec une sorte de pragmatisme sans âme : on en mesure aujourd’hui les tristes effets. Reste, si l’on récuse et l’impasse des préjugés sans vision et la vacuité de l’action sans principes, de faire de la politique une éthique. C’est à ce titre que Mendès France doit redevenir une référence. Lui qui mettait au point de départ de toute action publique un préalable moral, une certaine idée de l’engagement politique, une exigence enfin. « La vocation finale de l’homme politique… », écrivait-il, dans « La vérité guidait leurs pas », « …est d’agir, de bâtir, de réaliser », mais, ajoutait-il, cette action doit être soumise à « un petit nombre de règles morales. Sans lesquelles la politique n’est qu’une vaine parade et la démocratie, un concept sans substance et sans vérité ».
Si pour Pierre Mendès France la politique n’a pas de finalité propre, elle se résume tout entière dans la méthode qui doit alors répondre à des principes forts : clarté des objectifs et des moyens mis en œuvre qui doivent être annoncés et présentés à l’opinion ; qualité des délibérations publiques ; honnêteté de l’analyse et souci de la vérité dans la présentation des causes comme des conséquences des mesures décidées. Le politique a le devoir d’agir : mais ce devoir ne trouve pas sa justification dans un idéal extérieur à la société vers lequel celle-ci serait attirée, mais dans son principe même. Par le seul fait de se voir confier le pouvoir, le dirigeant politique hérite en quelque sorte d’une responsabilité morale à l’égard de ceux qui l’ont choisi, qui l’oblige à refuser la démagogie et le mensonge, et lui interdit la manipulation. Sauf à pervertir la société elle-même et à corrompre, progressivement, le citoyen.
Pour Mendès France, « le devoir de vérité n’est pas une impossible et redoutable politique du vrai, mais une déontologie de la sincérité ». Une telle exigence doit s’articuler naturellement autour de deux préoccupations qui, au-delà de la volonté de réforme, devraient suffire à distinguer notre projet de celui de la Droite : la justice et la démocratie. S’il pouvait y avoir enfin pour lui différentes manières de concevoir l’intérêt du pays, il lui était inconcevable que la politique n’ait pas pour objet de servir celui-ci.
Qui saura demain reprendre le flambeau ? Qui choisira de renoncer à la démagogie et à toutes les formes d'une pensée paresseuse ?
L'échec patent de la Droite au pouvoir à assumer ce rôle renvoie la Gauche au seul enjeu qui vaille : s’inspirer d’une véritable « éthique de la responsabilité », indispensable à notre temps… et aux décisions qui s’annoncent !