Dimanche sanglant à l'UMP
Il y a, comme cela, des week-ends politiques qu'on se réjouit d'avoir zappés. Pourtant n'y avait-il pas matière à espérer ? À la fin d'une semaine marquée par les déclarations du Président de la République sur « sa » manière de sortir de la crise, la réunion du premier parti de la majorité et l'élection du Président du premier parti de l'opposition semblaient riches de promesses. Eh bien, ce fut langue de bois contre langue de p..., vague proclamation de principes contre rogues proclamations de résultats ! Faut-il s'en étonner ? Nos grands partis sont encore à l'heure d'hier ! Imaginez le cadre de l'UMP, habitué à produire les résultats que son chef attend de lui, soumis à l'injonction contradictoire de deux aspirants au pouvoir ! Le choc culturel est trop brutal. Pas plus que le PS hier, l'UMP aujourd'hui n'est préparée à la libre participation, expression, consultation de ses membres. Ces vieux partis n'ont pas été conçus pour cela mais pour fabriquer une cohésion autour d'une ligne politique. Et les voilà appelés à gérer en permanence des chocs d'égos... Trop techno, trop corpo, les vieux partis se sont éloignés de la politique, tout comme des dirigeants trop perso, trop macho, trop mégalo! Allez, à voir la tête, hier soir, de Copé et Fillon, noirs de haine, verts de rage, je préfère sans nul doute les sourires de Martine et Ségolène. Mais c'est très subjectif et sans nostalgie. En fait, je n'envisage pas de passer mon prochain week-end (politique) avec le quelconque de ces deux couples là…
Samedi gris à la Mutualité
Les week-ends, comme le roi de Giono, peuvent parfois manquer de divertissement. Et ce n'était pas du côté de la Mutualité, qu'en ce triste samedi d’automne, il fallait compter le trouver. Pourtant étaient là rassemblés le ban et l'arrière-ban (moins couru) du Parti socialiste. Pas un premier secrétaire de fédération, de responsable ou de sous-responsable de courants, qui n'ait fait le déplacement rituel. Le parti, après une palinodie de vote et des semaines de faux-débat qui l'empêchèrent de se porter au premier rang, allait enfin se donner une direction : politique, à travers le discours attendu de son nouveau leader ; opérationnelle, via le nouveau secrétariat national dont chaque impétrant (c’est-à-dire, au regard des us et coutumes : la quasi-totalité des présents) attendait l'annonce. Seule avait prévenu de son refus d'y participer la liste issue des flancs d'une partie du courant du ministre de l'économie sociale et solidaire. Soit qu'elle eut déjà pressenti qu'elle aurait mieux à faire ailleurs, soit, plus probablement, qu'elle eut déjà assuré ses arrières pour les échéances futures.
Sans m'y être rendu, j'imagine pourtant aisément la scène, pour y avoir si souvent assisté. Au premier rang (l’on a beau être socialiste, les hiérarchies, cela existe !) les caciques de tous ordres : ministres, présidents d’assemblées, maires de grandes villes, anciens ou futurs secrétaires nationaux se congratulent sans tendresse. Tous et toutes, en effet, se connaissent depuis trop longtemps. C'est leur profil, figé, comme à chaque fois, mi-ennuyé, mi-sérieux, que viendront saisir les caméras. Et le militant, resté devant son écran, de scruter les images, conjecturant, un peu comme autrefois à partir des photos du balcon du Kremlin, les raisons de l'absence d'un tel ou de la proximité d'un autre avec un adversaire de toujours. Ici ou là s'agitent pour se faire remarquer celles ou ceux qui n'ont pas encore acquis assez d'influence pour que l'on vienne à eux. Et puis tous ces petits signes en direction des Importants, cette docilité à l'égard des puissants qui révolteraient leurs prédécesseurs, farouches combattants de l'égalité, au moins jusqu'à l'orée des années 80, avant que la professionnalisation, la technocratisation et la médiatisation de la politique n'imposent ces nouveaux rites ! Toutes et tous sont, en tout cas, sereins ! Comme à l’habitude, rien ne viendra perturber ou bousculer les accords négociés en amont dans l'ombre de centaines de petit-déjeuners où ministres et sous-ministres convient à tour de bras obligés...et concurrents. Mais cette année, le plateau est relevé : certains Anciens ont bien pu laisser filtrer qu'ils n'entendaient plus se mêler des affaires du parti, ils n'y ont pas moins délégués leurs représentants attitrés, collaborateurs ou suppléants, bref, des affidés. Auxquels il aura fallu ajouter les « proches » (pourquoi pas les frères ou les parents ?) des ministres importants qui considèrent qu'en décrochant un portefeuille, ils se sont ouverts un compte-courant sur le fonctionnement du parti. D'où, au final, un secrétariat national pléthorique de plus d'une cinquantaine de membres. Qui fait malgré cela des déçus, et qui, s'il garantit à chacun de ses titulaires un siège, ne leur donne pas pour autant une place à Solferino. De mémoire, même transformé en champ de bataille, l'immeuble ne peut accueillir plus d'une vingtaine d'élus avec tout l'appareillage qui convient (bureaux, téléphones et secrétariat). C'est en tout cas ainsi que je l'ai connu.
Qu'espérer d'un rassemblement aussi hétéroclite où les compétences comptent moins que les parrainages ? Qu'attendre d'une « équipe » (coalition ?) pesée au trébuchet des sensibilités comme des susceptibilités, négociée au plus juste par des boutiquiers sans vergogne ? Comment s'étonner alors que la promesse qui nous avait été faite par le futur premier secrétaire d'une nouvelle convention sur la rénovation soit passée à la trappe ? « Il est déjà, comprenez-vous, si difficile de s'entendre entre gens du même monde que laisser entrer militants et citoyens ne pourrait que rendre l'exercice impossible ! ». Ce sont les mots de toute oligarchie... Quant au fond, que penser du discours qui suivit : un honnête commentaire de l'action du Président (partagé par tous?), une utile offensive contre l'arrogance et l'indécence de la droite... et, encore et toujours, l'inusable méthode Coué pour « expliquer » comment mobiliser les Français, ramener nos alliés à leurs responsabilités et faire du PSE un allié du changement ! Et encore et toujours, ces formules toutes faites pour « démontrer » que l'ambition du PS « c'est de transformer le pays par la justice sociale », ce dont les Français ont pourtant commencé à douter. Aussi en faudrait-il plus pour leur ôter pareille idée !
Le changement ne pourra pourtant pas l'emporter si le PS ne commence pas par changer lui-même. De fonctionnement ? C'est raté, la boulimie de postes tenant lieu de stratégie. De discours ? C'est manqué, les mêmes formules tenant lieu de message adressé aux Français. À peine égayé par une éternelle citation de Jaurès (qui m'a fait savoir qu'il commençait à en avoir assez de servir d'antisèche à des orateurs en mal d'idées) et, plus original, de Clemenceau, ce qui témoigne de l'influence croissante sur le cortex socialiste du ministre de l'Intérieur dont le Tigre reste le mentor. Croirait-on que l'Europe est en crise, la gauche en difficulté, l'opinion en apnée ?
Bah, ce n'était donc pas à la Mutualité qu'il fallait chercher des moyens de se divertir...ni même des raisons d'espérer. Socialiste, mon frère, quand auras-tu le courage et la lucidité de regarder cette parodie pour ce qu'elle est et d'exiger qu'elle cesse ? Admettons que les bureaucraties se sont rarement réformées d'elles-mêmes. Alors que faire ? Lutter, réagir, dénoncer, moquer, tempêter... il en sortira bien quelque chose !
sois tranquille, Gaëtan, tu as aussi des SŒURS socialistes qui essaient de garder courage et lucidité... Merci de nous aider à commenter la suite à voir ? On tient bon.
Rédigé par : françoise | 25 novembre 2012 à 16:45
"Croirait-on que l'Europe est en crise, la gauche en difficulté, l'opinion en apnée ?"
Certes non, mais est-on vraiment disposé à sortir l'Europe de la crise, à remobiliser la gauche et à tirer l'opinion de sa léthargie?
Ainsi, par exemple, c'est un fait que "l'outil monétaire, la dévaluation, si souvent utilisée dans notre histoire, n'est désormais plus disponible" et "qu'un choc budgétaire, consistant à injecter 30 Mds€ d'investissements publics dans l'économie ... est évidemment [la] solution qui aurait dû avoir notre préférence sauf qu’elle est aujourd'hui hors de portée, compte-tenu de l’attitude de nos partenaires".
Mais est-on prêt à réfléchir à la façon dont on pourrait rendre de telles solutions à nouveau possibles ? A-t-on même le droit de poser la question?
Rédigé par : chatel | 25 novembre 2012 à 14:41
Même vu de bien loin cette analyse me semble très(peut être trop lucide)et pour faire court on peut dire que c'est "ruer dans les brancards ".
Je trouve même des pointes qui frisent l'irrévérence, cette comparaison avec le balcon du kremlin de Moscou!
Encore une fois ce sont de beaux spectacles qu'ont donné les partis politiques, alors ne soyons pas surpris du niveau de considération que cela engendre .
Je te souhaite , je nous souhaite beaucoup de courage, il va nous en falloir beaucoup beaucoup.
rené girard
Rédigé par : girard rené | 19 novembre 2012 à 21:43