Observateur éminent et lucide du socialisme européen, G. Grunberg, dans un récent papier pour Télos (à lire à cette adresse : http://www.telos-eu.com/fr/laggiornamento-socialiste-une-necessite-absolue.html), explique la difficulté qu'éprouve le gouvernement à relever le défi de la compétitivité par les œillères idéologiques que porterait encore le PS français. Faisant en cela écho aux propos de Pierre Moscovici, qui parlait pour le plan adopté la semaine dernière de « révolution copernicienne », il invite plus précisément les socialistes à admettre une fois pour toute que la gauche réformiste travaille par compromis et non dans l’affrontement. « Encore un effort pour être social-démocrate », plaide-t-il au fond !
Si l'on peut être en accord au moins sur un point avec Grunberg, c'est que le PS au pouvoir, de tout temps mais c'est encore plus vrai aujourd’hui, n'a pas le discours de sa politique. Le discours, tel qu'on a pu l'entendre à Toulouse, est (platement) anticapitaliste, dirigé avec véhémence contre ses ennemis héréditaires que sont les banques, la Finance, les grands patrons... Sans jamais indiquer comment concrètement leur faire rendre gorge.
À quelques jours de distance, sans doute faut-il se réjouir que personne ne prête plus d'attention à ces déclarations qu'elles n'en méritent, puisque les mesures annoncées pour soutenir la compétitivité n'en portent aucune trace, à travers notamment une aide de 20 milliards accordée aux entreprises sans aucune contrepartie : défiance au-delà de la Garonne, confiance en deçà... Admettons-le avec Grunberg, tout cela manque un peu de cohérence. Mais c'est peut être faire trop de crédit aux dirigeants du PS de penser que là serait leur souci...
Faisons néanmoins comme si... ! Pour réduire ce hiatus, qu'il dénonce justement, Grunberg nous propose d'aller jusqu'au bout dans la conversion au réformisme et de rallier, non seulement dans la lettre, mais dans l'esprit, la sociale-démocratie. Celle-ci, argumente-t-il, n'est-elle pas fondée sur la « théorisation » de l'équilibre à trouver entre le social et l’économique, entre patrons et salariés dans l'intérêt de la société tout entière ? Sans doute : et la Suède, avant l'Allemagne, a montré les formidables résultats qu'un tel système, fondé sur la négociation, pouvait permettre d'atteindre. Mais la référence sociale-démocrate a-t-elle encore un sens ? Et la sociale-démocratie ne fut-elle pas moins un modèle qu'un moment ? Et un moment aujourd'hui dépassé ? Son projet consistait à échanger de formidables progrès de productivité contre des salaires et une protection sociale élevés. Ses conditions de réussite reposaient sur des instruments aujourd'hui obsolètes : la croissance et le plein emploi. Enfin, son efficacité dépendait de la capacité de mobilisation de syndicats forts. Face à une telle description, le constat s'impose de lui-même : outre qu'aucun de ces ingrédients n'est plus aujourd'hui réuni y compris dans les pays qui ont su si bien les accommoder, la France n'en a, de son histoire, jamais disposé et il y a fort à parier, en dépit des efforts du gouvernement pour faire revivre une forme de paritarisme, qu'elle n'en disposera pas de sitôt.
Dès lors, plutôt que de se soumettre à des schémas dépassés, et sans rapport avec notre culture politique, n'est-ce pas plutôt sur un autre terrain qu'il conviendrait de se placer pour trouver la cohérence demandée entre rhétorique de parti et politique de gouvernement ? La question posée à la gauche n’est-elle pas en effet plutôt d'inventer un nouveau modèle ou de s'inscrire dans un autre « moment » ? La crise que nous affrontons n'est pas le énième épisode d'une alternance cyclique entre phases d'expansion et de ralentissement. C'est au contraire une mutation du système économique tout entier provoquée, entre autre par la crise énergétique, et conditionnée par la problématique du réchauffement climatique et du recul de la biodiversité. C'est dans cette perspective, qu'à l'instar de la crise de 29, les socialistes doivent se placer. Et c'est cette pédagogie qu'ils devraient faire : celle d'un éco-socialisme faisant jouer, pour organiser la société autour de la recherche du bien commun, à la question environnementale le rôle qu'a pu tenir au XXème siècle la question sociale. Dans ce contexte, ce qu'il faut reprocher au plan annoncé par Jean-Marc Ayrault, c'est moins sa nature (l'efficacité demande le pragmatisme) que son absence de mise en perspective autour de l'absolue nécessité de réorienter et notre façon de produire et notre façon de dépenser. Bref, ce qui fait défaut à gauche aujourd’hui, c'est une capacité à articuler le présent et l’avenir, les enjeux du moment et ceux du plus long terme, le programme et le projet. Au passéisme du discours dominant au PS, s'ajoute le « présentisme » obligé du gouvernement. Un excès d'optimisme pourrait nous amener à conclure que le PS pourrait choisir enfin de se tourner, non vers la social-démocratie, cher Gérard, mais vers l'éco-socialisme de demain..., bref de préférer à la facilité des discours d'hier le souci de l'analyse de ce qui est en train d’advenir !
Le militant éco-socialiste rosit de plaisir devant cette analyse, qui confirme que, contrairement à d'autres, les positions que tu as défendues durant ce Congrès n'étaient pas d'opportunité, mais de conviction. Tout le monde au PS parle de développement durable, comme s'il suffisait d'installer des Vélib et de mettre du bio dans les cantines des ministères pour transformer radicalement la société.
C'est bien à l'articulation entre l'écologique et le social que le PS va devoir s'atteler, non pas pour de seules raisons de calcul électoral, mais parce que la crise sociale appelle à une mobilisation sans précédent contre le chômage et la pauvreté, et que la croissance telle que nous l'avons pratiquée ne créera pas suffisamment d'emplois. L'issue, la seule issue à la crise économique, c'est d'entrer dans un modèle de long terme, qui refuse la spéculation et l'exploitation de la Terre, de ses ressources et de ses habitants.
Mais comment arriver à porter le débat dans un Parti si sûr de son fait et si fermé aux idées nouvelles ?
Rédigé par : Pierre Pichère | 22 novembre 2012 à 14:19
Je pense aussi que la sociale- démocratie n 'est plus une réponse au monde présent.La question qui se pose à mon sens n'est ni d'inventer un nouveau modèle ni de nous inscrire dans un "autre moment"mais et c'est beaucoup plus cruel de vivre avec un boulet au pied, comme un bagnard , ce boulet c'est la dette et ses intérêts .
Sans cette dette nous pourrions avoir un avenir de peuple libre avec cette dette nous n'avons que l'apparence de la liberté.
Que l'on ne vienne pas me dire que nous allons rembourser, non , non , nous pouvons seulement essayer de payer les intérêts années après années , donc nous sommes condamnés à ne faire que cela et rien d'autres, c'est le déclin assuré mais les marchés rassurés .
Si par bonheur une "divine surprise" permettait qu'il en soit autrement et même sans attendre cela nous devrions penser et agir pour que cela n'arrive jamais plus, ayons conscience que aucun ennemi n'a franchi notre frontière , nous n'avons pas d'occupant sur notre territoire et pourtant nous sommes sous le joug.
Faire défaut au remboursement , le remède serait peut être pire que le mal et les Français, je ,tu ,ils ne sont pas prêts nous ne somme plus qu'un vieux peuple sur le déclin, un vieux beau .
Je pense tenir là un langage de vérité , très pessimiste je l'avoue mais au combien réaliste.
girard rené
Rédigé par : girard rené | 15 novembre 2012 à 20:21