L'intervention du chef de l'Etat nous a si bien occupés ces derniers jours que l'on en aurait presque oublié la droite de Messieurs Fillon et Copé. Celui-ci, fidèle à sa stratégie, a pourtant cherché à se rappeler à notre bon souvenir enchaînant ces derniers jours motion de censure et conférence de presse, toutes deux censées démontrer qu'il existerait dès à présent une alternative à droite.
On comprend que le (déjà) Président de l'UMP à l'époque de Nicolas Sarkozy préfère ne pas s'attarder sur un bilan dont il est en quelque sorte aussi comptable. Et si la gauche s'est montrée bien généreuse sur cette question de "l'héritage", l'évoquant trop rarement et trop mollement, le poids de celui-ci continue pourtant à plomber nos finances publiques à un point qui devrait inciter ses responsables à la discrétion.
Pourtant, d'humeur bonhomme ce matin, à mon tour je n'en ajouterai pas sur ce terrain préférant plutôt chercher à comprendre ce que nous concocte une droite qui se veut toujours "décomplexée". Mais à l'égard de quoi ? De son bilan, on l'a vu, sans nul doute ! De ses responsabilités pour l'avenir plus encore, puisqu'elle n'hésite pas à en rajouter dans le registre "incendiaire" réservé habituellement aux extrêmes : critique de la police, du Parlement, de la justice ; appel à la démission du ministre de l'Intérieur, le répertoire des exagérations verbales semble pour ses interprètes UMP désormais inépuisable au risque de contribuer à la dégradation du débat et du climat publics... et de faire le jeu de son (pourtant) concurrent FN.
Mais cette "décomplexion" et c'est plus grave, semble d'abord vouloir s'exercer à l'égard de son histoire, comme un droit d'inventaire qui conduirait ses "chefs" actuels à faire le tri entre le bon grain et l'ivraie. Mais d'une manière curieuse : puisque c'est paradoxalement le bilan du gaullisme qui en vient ainsi à être, en quelque sorte, passé par pertes et profits, de l'idée de l'indépendance nationale à celle de la participation... Aussi serait-on fondé à se demander s'il ne s'agit pas pour les tenants de cette ligne d'un prétexte retors pour justifier une radicalisation du discours comme du programme propre à permettre un rapprochement avec l'appareil d'un FN réceptacle depuis plus de 20 ans des résidus de la vieille droite, celle que le Général avait poussée dans les replis de l'histoire, de Vichy à la guerre d'Algérie, de l'atlantisme à la "fuite en avant" européiste...
"Complexée", en quoi l'était la droite gaulliste ? Et pourquoi l'aurait-elle été ? N'était elle pas à Londres, en petit nombre c'est vrai, et dans la Résistance ? N'était-elle pas du bon côté ce triste jour d'Octobre 61 où la sédition était aux portes de la République. Déchiré ce soir là Debré, sans doute ! Mais c'est sans complexe qu'il fit le choix du droit ! Complexé, Pompidou de réouvrir la Sorbonne ou de négocier le premier Grenelle ? Complexé de Gaulle, devant Tito, Staline, Mao ou Eisenhower ? Et Mandel devant ses bourreaux ? Allons plus loin encore et demandons-nous si c'est sous le poids d'un complexe que Maurras consentit à la "divine surprise" de Juillet 40 ou Gallifet à l'écrasement de la Commune ? Ces hommes-là savaient ce qu'ils voulaient et n'en démordaient point jusqu'à ce que l'histoire, tragique ou railleuse, écrive leur destin.
Dès lors, comment ne pas voir dans cette droite décomplexée moins une volonté de se libérer d'un héritage qu'une incapacité à l'assumer ? Plus d'une fois, la droite a été vaincue. Plus d'une fois surtout, elle fit les mauvais choix. Du Roi contre la Nation, de l'Eglise contre la libre conscience, de Rome contre la République, de la raison d'Etat et de Boulanger contre Dreyfus et la vérité, de la guerre quand il fallait la paix, de la paix ensuite quand il fallut la guerre, de la résignation à Munich puis à Montoire contre le sursaut à Londres et à Lyon, capitale de la Résistance, puis du sursaut à Alger contre la légalité à Paris... André Siegfried n'écrivait pas autre chose voici 67 ans dans un éditorial du Figaro : qui voudrait-être de droite, relevait-il alors se penchant sur un siècle et demi d'histoire "quand celle-ci a fait preuve d'une incompréhension constante de l'évolution moderne" ?
Il n'est pourtant pas de sensibilité politique qui ne s'appuie sur une tradition. Celle de la droite est à la fois contre-révolutionnaire et libérale, par certains aspects, démocratique et aussi par d'autres autoritaire, articulée en somme sur une idée de l'histoire, de l'économie et de l'Etat. Seul de Gaulle sut en faire une synthèse moderne et renouvelée...
Faute de pouvoir s'y retrouver, la droite décomplexée ne fait (au contraire d'un exemple qui devrait pourtant l'inspirer) que le choix de la plus grande pente, celle d'une droite identitaire qui en voulant, sans l'avouer, se réconcilier avec Maurras et Pinay risque au final de se couper des héritiers de Guizot...et de Simone Veil.
Gaëtan tu as le sens de l'histoire si je passe un de ces jours à La Charité et que tu sois en ta mairie je viendrai te voir.
Trochu par les temps qui courent est remis au goût du jour:
"Trochu, participe passé du verbe trop choir"
girard
Rédigé par : girard | 03 avril 2013 à 19:27
Un mot un seul excellent .
Rédigé par : Sama Nabil | 02 avril 2013 à 10:49