S'il est une règle que chacun est généralement bien inspiré de respecter, c'est celle qui nous incite à tirer les conséquences de nos actes antérieurs.
A cette aune, les gouvernements qui s'apprêtent aujourd'hui à intervenir en Syrie devraient se garder de céder à pareille tentation.
Entrer en guerre pour des motifs strictement humanitaires, sans avoir aucune idée de l'issue politique du conflit, réserve en effet bien des mauvaises surprises dont les exemples abondent. Ainsi en Lybie, où rien ne démontre que la démocratie et un régime stable parviendront à s'imposer.
J'ai à l'époque approuvé cette intervention et n'en éprouve rétrospectivement aucun regret.
Mais j'en ai tiré une certaine méfiance à l'égard de ces moralistes "va-t-en-guerre" qui au nom de la protection des populations civiles finissent par trouver des justifications au bombardement et à la mort d'autres civils... Et aussi le souci de réfléchir, au-delà de l'émotion que suscitent les événements, aux conséquences des décisions prises sous son empire.
Dans un tel contexte, la confusion qui règne sur le terrain, et en particulier quant aux objectifs que poursuivent les opposants au régime syrien dans leur diversité, le risque d'embrasement de la Région tout entière, l'instabilité qui résulte du "coup d'Etat " militaire égyptien qui a rebattu les cartes des alliances, et le souci de respecter les règles du droit international en matière d'emploi de la force, toutes ces raisons devraient nous conduire à ne pas intervenir militairement tout en réfléchissant à une stratégie diplomatique permettant de sortir le Proche-Orient du désordre mortel dans lequel la radicalité d'Israël comme de ses adversaires l'a enfermé.
Pour autant, une question demeure qui ne peut pas être évacuée d'un revers de la main : l'usage de l'arme chimique par l'ignoble régime d'Assad, c'est à dire, parmi d'autres crimes, la violation des règlements internationaux prohibant l'usage des gaz comme des instruments bactériologiques.
La communauté internationale est certes embryonnaire. On peut même douter de son existence tant elle ne s'est accordée que sur un petit nombre de choses. Mais l'interdiction de produire, stocker et naturellement d'utiliser l'arme chimique en fait heureusement partie depuis la Convention de Paris, signée en 1993 et entrée en vigueur en 1997, qui réunit 188 États environ (à l'exception, entre autres, de la Syrie...).
Si l'on veut que la boîte de Pandore, ouverte par Assad, soit immédiatement refermée, en particulier pour ne pas encourager d'autres gouvernements ou groupes armés à céder à leur tour à la tentation, alors une action est incontournable, pour autant qu'elle soit strictement limitée dans le temps, et vise seulement à titre de représailles la destruction d'objectifs militaires de près ou de loin impliqués dans le "massacre chimique" évoqué par Laurent Fabius. Ni plus…ni moins !
Pour autant, la légalité d'une telle intervention ne sera pas assurée si elle n'a pas obtenu le feu-vert du Conseil de Sécurité, ce qui semble manifestement hors de portée.
Aussi, à trop enfreindre les règles, excessivement contraignantes du droit de la force, suspendu à l'attitude des six membres permanents, on prend le risque de les rendre obsolètes et de donner à certains Etats le prétexte qui leur manque pour les enfreindre à leur tour, (comme on l'a vu pour la Russie en Géorgie). Des lors, convient-il de peser avec soin l'enjeu de chaque exception apportée au principe tant celui-ci pourrait au final ne plus y résister, ouvrant pour le monde une période de désordre contre lesquels les "moralistes va-t-en-guerre" qui font "l'honneur" et la joie des médias, n'auront guère d'arguments utiles...