Mes cher(e)s collègues,
Depuis plus de 60 ans, la France a fait le choix de l'Europe. Depuis près de 40 ans, la France a placé son ambition dans l'Europe. Elle y a, en quelque sorte, misé son influence, son existence en tant que grande nation.
Or, l'Europe, et plus particulièrement sa pointe avancée qu'est la zone Euro, est en panne.
Elle est en panne économiquement.
Elle est en panne politiquement.
Et mon sentiment est qu'il existe un lien entre cette "double panne" et que déficit de croissance et déficit d'intégration ne peuvent être examinés ni traités séparément.
C'est en corrigeant l'un que nous pourrons réduire l'autre.
Et c'est faute de traiter ces deux questions conjointement que ceux qui les ont en charge ne leur trouvent pas de réponse. Incapacité d'autant plus préoccupante qu'elle met désormais en péril l'existence même de l'Euro.
L'histoire de notre monnaie unique est en effet celle d'une longue suite d'erreurs d'appréciation. Dans l'idée de ses fondateurs, l'unification des marchés financiers et des taux d'intérêt devaient assurer aux pays les moins avancés de la zone de pouvoir financer leur développement dans les conditions les plus favorables. La réalité sera plus prosaïque puisque l'Euro, chez nos partenaires du Sud, aura surtout favorisé la spéculation immobilière.
Du coup, loin de se rapprocher les structures des économies des États membres n'ont cessé de se différencier, les activités industrielles ayant eu tendance, faute de politiques correctrices visant à rapprocher les conditions de production, à se regrouper autour de quelques pôles en particulier en Allemagne et aux Pays Bas, accentuant les disparités fiscales, sociales et de compétitivité.
Or, ce constat, qui s'imposait à tous voici 5 ou 6 ans, au cœur de la crise, la tourmente aiguisant la lucidité, semble aujourd'hui de nouveau oublié !
Depuis l'été 2012, année qui vit la mise en place et de l'union budgétaire et de l'union bancaire, plus rien ne s'est accompli.
Comment ne pas faire le parallèle entre cette inertie politique de l'Europe et celle de son économie ?
Comment ne pas établir un rapport de cause à effet entre cette absence de progrès sur la voie de l'intégration et l'incapacité de l'Union à s'entendre sur un indispensable plan de relance qui lui est pourtant réclamé de toutes parts ?
Et comment comprendre l'attitude de l'Allemagne autrement que comme la manifestation d'un manque de confiance à l'égard de ses partenaires, manque de confiance qui s'exprime à travers une surenchère d'exigences visant en quelque sorte à corseter la souveraineté des États dans des règlements et des procédures que les peuples sont de moins en moins prêts à accepter ?
Europe punitive contre Europe passive ?
Il nous faut sortir de cette alternative infernale en mettant sur la table une autre vision : celle d'une consolidation politique de l'Euro dont la contrepartie ne peut être qu'un plan de relance massif par l'investissement qui présenterait le double avantage de contribuer à la reprise de l'activité par son effet sur la demande et à redynamiser nos économies rendues plus compétitives par son effet sur l'offre.
L'initiative est d'autant plus urgente que l'Investissement n'a en effet cessé de décliner : de près de 20% depuis le début de la crise pour l'investissement réel total; de près de moitié depuis 1980 pour l'investissement public qui après une brève reprise en 2008/09 a de nouveau plongé depuis 3 ans.
La création d'un Fonds d'investissement européen doté par l'Union et complété par les banques, destiné à financer les grandes infrastructures devrait être au cœur d'un nouvel assemblage, d'un plan d'action déclinable en trois points:
- D'abord s'inscrire dans le cadre des traités existants, pour éviter le long cortège des ratifications.
- Ensuite, doter l'Union d'une direction politique, qui devrait être l'Eurogroupe dont la responsabilité en la manière devrait être renforcée et placée sous la supervision d'un comité parlementaire issu des Parlements nationaux,
- Arrêter enfin une stratégie de convergences autour d'un objectif commun de croissance et d'emploi, en s'attaquant aux déséquilibres structurels affectant la zone Euro qui brisent peu à peu la solidarité des États à l'intérieur de celle-ci.
Ma conviction est qu'il appartient à la France de prendre une telle initiative en rendant public un mémorandum de ce type ayant pour objet de consolider politiquement et de relancer économiquement l'Euro !
Bref, en faisant de la relance politique l'outil de la relance économique !
A défaut, le risque est grand que nous assistions à un délitement progressif de la zone à laquelle un ressac de la crise financière (dont nous ne sommes pas à l'abri) pourrait donner le coup de grâce... si les peuples lassés de subir les conséquences de la stagnation ne le faisaient pas avant.
"La création d'un Fonds d'investissement européen doté par l'Union et complété par les banques, destiné à financer les grandes infrastructures devrait être au cœur d'un nouvel assemblage"
Les peuples ne peuvent pas vouloir d'une telle solution. Il ont bien compris que s'endetter au niveau européen conduirait ensuite à de nouveaux sacrifices afin de se désendetter. La leçon de la crise a été tirée. De plus, quel serait le prix à payer pour une relance de l'intégration européenne ? Quelles nouvelles réformes structurelles seraient exigées en contrepartie ?
Rédigé par : chatel | 22 novembre 2014 à 06:34
Gaëtan, je partage ton analyse mais pour l'instant je suis comme soeur Anne je ne vois rien venir: je ne vois rien que l'économie qui stagnoie et la politique qui merdoie.
Que l'on me donne une raison une seule raison d'être pro-européen !le temps passe et plus ça va moins ça va.
Enfin le temps est doux et le soleil brille , ce qui est bien ne dépend pas du monde politique et économique et c'est bien ainsi!
girard
Rédigé par : rene girard | 21 novembre 2014 à 20:08
Bonsoir et merci pour vos réflexions bienvenues !
Pour ma part, il me semble que l'Europe est aussi très gravement en panne démocratiquement. Je suis de ceux et celles - profondément et spontanément européens à l'origine - qui se trouvent bien déçus d'être aussi honteusement abusés et "cocxfiés(ées)" par les gestionnaires autoproclamés de l'Europe depuis le traité de Lisbonne. Ce n'est pas ce que nous espérions en 2005. C'est navrant, et bien plus, de voir la tournure que prennent les choses et l'absence d'honneur et de sens politique qui animent ceux qui se retrouvent en responsabilité dans ce domaine là.
Merci aussi pour cette petite fenêtre que représente votre blog pour exprimer la grande désillusion qui est la nôtre, nous les citoyens lambda.
Cordialement,
egc
Rédigé par : pasdepseudo | 19 novembre 2014 à 22:31