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L'apologue du sage montrant la lune du doigt a tellement servi qu'on hésite à le réutiliser. Mais c'est pourtant bien la référence qui s'impose à considérer tant de gouvernements et de commentateurs qui, alors que Syriza pointe la crise de l'Union, s'obstine à ne s'inquiéter que de sa victoire.
Le succès en Grèce des forces qui s'opposent à une logique punitive et qui veulent voir dans l'Europe autre chose qu'une machine à fabriquer de la défiance et du chômage devrait au contraire réjouir tous les Européens sincères. C'est en effet le rejet que nourrit chez les peuples la politique de l'Union qui devrait inquiéter. Qu'elle soit aujourd'hui contestée, avec une légitimité toute fraîche, par un parti qui ne remet pas en cause l'existence de l'Euro doit au contraire être perçu comme une formidable opportunité, la deuxième après l'occasion perdue qu'a constituée la renonciation de F. Hollande à faire bouger les lignes après son élection de 2012.
C'est du coup la France qui devrait s'appuyer sur l'événement pour retrouver le fil du discours qu'elle tenait en juin d'alors, avant de rentrer dans le rang. La confiance des citoyens est plus importante pour l'Union que celle des spéculateurs et c'est par une relance coordonnée de l'activité économique qu'il sera possible de la retrouver. Accélération du plan Juncker, desserrement du calendrier de désendettement, mise en place d'un plan de convergences à 10 ans des économies de l'Euro, le tout étayé par la consolidation politique de l'euro-groupe et la création d'un Parlement de l'Euro, voilà l'initiative que devrait lancer la France en s'appuyant sur le choc Syriza pour faire enfin bouger les lignes.
Après le 11 janvier, et les déclarations bienvenues sur une France rassemblée, aspirant à se retrouver et à avancer, le moment est venu de donner de cette vision une traduction politique forte à l'échelle européenne. Le faire relève autant de l'intérêt national que de l'engagement pro-européen. Notre Pays n'en peut plus d'une politique économique qui sacrifie ses territoires les plus fragiles, ses emplois, sa petite industrie : et elle à raison.
L'occasion est trop belle de montrer que l'on peut être républicain, dans la pleine acception du terme, et européen.
Ne laissons pas le nouveau gouvernement grec s'isoler dans des revendications particulières ou se retrouver contraint de trahir ses engagements : faisons au contraire de son irruption l'outil d'un changement global de la gouvernance de l'Euro.
Rédigé par Gaëtan Gorce | Lien permanent | Commentaires (1) | TrackBack (0)
"France, ma fille aînée...
Les jours mauvais tu n'en fais pas des mortes eaux toutes glaireuses…
Mais ces beaux ruisselets d'eau vive qui arrosent les plus beaux jardins qu'il n'y ait jamais eu au monde...
Qui arrosent les jardins de ma grâce
Les éternels jardins ".
Nous sommes tous Péguy.
Nous sommes tous Charlie.
De l'un à l'autre court le fil d'une même foi dans la liberté ...
Comment en effet ne pas commencer cette rencontre, qui devrait être un moment de convivialité et de fête sans évoquer les terribles événements qui ont secoué notre pays ces derniers jours ?
Comment ne pas avoir plus qu'une pensée pour ces hommes et ces femmes suppliciés au nom d'une idéologie absurde et abjecte ?
Et comment, pourtant, ne pas trouver paradoxalement dans ce qu'ont provoqué ces assassinats des motifs d'espérer ? Que pèsent ces trois meurtriers au regard des centaines de milliers et dimanche de ces millions d'entre nous qui se sont, dès mercredi soir, et qui vont demain se mobiliser ? Ils ne pèsent rien face à notre peuple attaché indéfectiblement depuis 226 ans à la liberté sous toutes ses formes, à la liberté, sortie parfois des barricades, comme l'a vue pour toujours Delacroix, haletante et fière, conduite justement par une femme, celle à laquelle ces esprits totalitaires ne veulent plus reconnaître aucun droit ! Liberté chérie et d'abord liberté de conscience, liberté d'expression, liberté de la presse !
N'est-ce pas une raison d'espérer que de voir ainsi rassemblés, réunis autour d'un principe, des Français que l'on disait amers, résignés, découragés..?Ce n'est pas un peuple abattu que nous voyons depuis mercredi mais une Nation certes recueillie, toute à son chagrin, mais aussi mobilisée par son amour de la liberté ! Notre vieille démocratie parfois un peu désabusée, harassée a encore de beaux jours devant elle !
Aussi n'est-ce pas notre civilisation qui est menacée par ces lâches attentats. Elle est plus forte que jamais ! Mais notre unité, notre capacité de vivre ensemble.
Nous ne sommes pas en guerre même si la bataille que nous avons à livrer sera impitoyable. Être en guerre cela voudrait dire que toutes les forces, toute l'énergie, toutes les ressources de la Nation devraient être mobilisés contre ce qui n'est qu'une poignée de fanatiques promis ici comme au Proche Orient à la défaite.
Ce que veulent ces criminels c'est que notre France, si diverse, se déchire alors que nous devons plus que jamais veiller à son unité, trouver les mots pour la rassembler, accomplir les actes pour la conforter. Ensemble, nous sommes une Nation quelque soit notre origine, nos opinions, notre religion.
C'est au contraire à préserver et à renforcer les conditions de cette unité, c'est à dire l'égalité et la laïcité, que nous devons consacrer tous nos moyens ! D'autant que d'autres facteurs que le terrorisme viennent perturber l'équilibre de notre société.
Mesdames et messieurs,
C'est vrai que notre cher et vieux Pays, comme le disait le Général de Gaulle, est aujourd'hui à la peine.
Qui peut se féliciter de l'état où il se trouve ? Qui peut dire qu'il va mieux aujourd'hui que voici quelques années ? Pourtant il a toutes les ressources pour s'en sortir à conditions de regarder les choses en face ! Trop de déficits, trop de dettes depuis trop longtemps ! Mais aussi trop de chômage, trop d'inégalités. Il faut s'attaquer à tous ces maux à la fois et mobiliser toutes les forces pour y parvenir. À défaut, c'est l'existence même de la France qui sera en jeu. Pas son existence physique, matérielle, juridique. Mais politique et morale. La France, c'est un projet que symbolise encore aujourd'hui l'esprit républicain : l'indépendance, certes, mais aussi le rayonnement et l'influence qui consiste à promouvoir un modèle particulier reposant sur la souveraineté populaire, la recherche constante de l'égalité et enfin la laïcité. Ce sont ces 3 principes qui nous appartiennent en propre. Sont-ils menacés ? Oui. Vont-ils disparaître ? Non ! Nous avons une bataille à mener pour y réussir.
Et j'allais presque dire que le drame de ces derniers jours nous donne de nouveaux arguments pour la livrer.
En réorientant l'Europe plutôt que d'y renoncer ! En modernisant l'Etat et notre système social plutôt que de l'affaiblir ! En nous tournant vers l'avenir plutôt que de le redouter !
Notre pays a plus que jamais besoin pour traiter ces maux de redonner du sens, du contenu aux principes qui le fondent. Ceux-ci sont restés trop longtemps en exergue sur les étagères. Ceux qui avaient la charge de les entretenir et qui y faisaient référence un peu mécaniquement n'ont pas vu qu'ils prenaient un peu la poussière et que la réalité s'éloignait d'eux insensiblement. Nous avons eu pourtant des rappels à l'ordre, de la crise des banlieues au référendum européen. Il est temps d'en tirer les leçons et de redonner un contenu concret aux valeurs qui nous remobilisent depuis 3 jours.
Mesdames et Messieurs,
Ce qui vaut pour la France vaut aussi pour la Nievre.
Certes les événements si douloureux changent un peu le climat de notre réunion. Mais pas la nature des propos que j'avais prévus de vous tenir.
Puisque c'est de rassemblement aussi que je souhaitais et que je souhaite plus encore maintenant vous parler !
Rassemblement au delà des clivages, des passions, des sujets de dispute et de division.
Et c'est pour pouvoir en parler librement et concrètement que j'avais choisi de le faire à Nevers.
Je n'ignore pas que la municipalité y a changé. Qu'elle n'est plus socialiste.
Et vous n'ignorez pas non plus que je suis et reste, malgré les difficultés des temps, un socialiste.
Mais c'est l'avenir qui m'importe, l'avenir de notre département et celui-ci ne peut se concevoir sans Nevers ni sans son agglomération.
Nous avons donc par dessus tout un devoir de solidarité et, j'y reviens, de rassemblement.
La période des élections n'est peut-être pas la meilleure pour y songer. Mais je souhaite alors prendre date et former le vœu, en ce début d'année, qu'une fois le scrutin passé nous nous mettions au travail ensemble pour relever les défis qui attendent la Nievre.
S'il y a une leçon que j'ai tirée du beau mandat de maire, que j'ai exercé presque jusqu'à épuisement, c'est qu'il n'est pas possible de faire avancer les choses tout seul. Ce département est trop petit pour qu'il continue à disperser ses forces !
Nous avons le devoir de bâtir un projet commun, non un inventaire, mais un ensemble limité mais ambitieux de quelques grandes priorités.
Cette ambition, Nevers peut et doit contribuer à la faire émerger. Vous avez même pour cela une position privilégiée ...à la condition que vous ne renonciez pas à ce qui a caractérisé votre démarche, à savoir une complète neutralité à l'égard des partis; que vous ne vous laissiez pas entraîner dans les batailles politiciennes, et vous obligiez ce faisant les partis locaux à se réformer et à travailler autrement.
La valeur ajoutée d'un élu dans la Nievre n'est pas proportionnelle à son sectarisme ou à son agressivité, ni à sa soif de mandat. Elle est et sera dans sa capacité à rassembler, à jeter des ponts.
Et s'il y un message politique à chercher dans ma présence ici, il est dans cet appel adressé à tous à inventer les voies et moyens d'un travail commun !
Comme je vous l'ai dit, je suis et je reste viscéralement un homme de gauche et je souhaite en mars la victoire de la gauche nivernaise
Mais je suis aussi un homme libre et je souhaite que cette victoire de la gauche soit celle d'une gauche ouverte, à l'écoute de tous et travaillant avec tous !
M le maire, il n'y a donc pas d'autre message dans ma présence auprès de vous, à Nevers où fut élu François Mitterrand, dont Daniel Benoist puis Pierre Bérégovoy furent les édiles, que la courtoisie due au maire de la ville chef-lieu et le souci d'exprimer cette volonté de rassemblement sans laquelle la Nièvre ne pourra s'en sortir ! Je forme le vœu d'ailleurs que les aigreurs bien naturelles nées des dernières municipales laissent place peu à peu à un esprit de coopération, de participation de l'ensemble du conseil municipal…
Je forme le vœu aussi pour concrétiser cette volonté à l'échelle du département que puissent se tenir, avant l'été, des "États généraux de la Nievre qui avance" dont le mouvement que j'ai lancé, La Nievre Autrement, pourrait être le fer de lance !
Il n'y a par conséquent aucune ambiguïté : il ne m'appartient pas de dire si ce que fait le maire de Nevers est bon ou mauvais pour Nevers. C'est le rôle des Neversois et je ne viens pas ici vous apporter un quelconque soutien politique. Je viens seulement dire qu'il est de l'intérêt de la Nievre que vous réussissiez et pas plus que je ne l'ai fait pour d'autre je ne vous demanderai pour qui vous votez avant de vous aider; c'est au vu de la qualité du projet que je le ferai !
Mesdames et Messieurs,
2015 ne fait que commencer. La tragédie qui vient de se produire ne doit pas nous condamner au pessimisme. C'est dans les épreuves qu'il faut chercher et trouver un regain d'énergie.
Il nous en faudra pour faire aboutir de nombreux dossiers. Celui de l'A 77 est désormais bien avancé.
La qualité et la densité de notre liaison ferroviaire devra nous mobiliser, de Nevers à Cosne, main dans la main. Comme sur le tracé médian de la LGV ou avec vous et le Président du Conseil général nous sommes tous retrouvés.
D'autres sujets nous attendent, du développement de Renault Trucks Défense à la réorganisation territoriale où là encore je plaide pour plus de solidarité en particulier tout le long de la Loire où faute de voir l'Agglo s'agrandir vers le Nord les deux Pays, Bourgogne Nivernaise et Sud Nivernais, seraient bien inspirés de n'en faire plus qu'un seul d'ici 2017.
La baisse des dotations de l'Etat, dont j'ai réussi à limiter un peu l'impact en obtenant une augmentation de plus de 20% de la Detr, nous oblige à coopérer ! À la condition ce soient les élus qui en décident et pas l'Etat.
Quant à la fusion des deux Régions, j'ai une proposition à vous faire : en se décalant vers l’Est, la nouvelle Région pourrait bien Nevers et la Nievre. Alors oui à la fusion mais à une condition : qu'elle se fasse sur un trépied d'est en ouest, de Besançon en passant par Dijon â Nevers. L'Etat comme les 2 régions, universités, consulaires vont devoir redéfinir la répartition de leurs services entre les 2 capitales. Et bien l'aménagement du Territoire exige que Nevers bénéficie d'une partie de la redistribution et accueille certaines des directions régionales de l'Etat comme des Régions, à rebours de ce qui s'est passé jusqu'à présent. Un courrier en ce sens au Préfet et aux 2 Présidents sera proposé la semaine prochaine à la signature des élus de ce Département ! C'est une proposition de LNA.
Il est temps de conclure.
Mon propos, je vous l'ai dit est celui d'un élu engagé mais aussi d'un homme libre. Dans cette période où les certitudes ont disparu ou les déceptions sont nombreuses, il est essentiel de garder sa liberté de jugement et de parole. C'est la seule façon de vous être fidèle et d'être fidèle à mes convictions.
Bonne année à toutes et tous !
Rédigé par Gaëtan Gorce | Lien permanent | Commentaires (0) | TrackBack (0)
François Hollande a depuis hier de l'or dans les mains : une France rassemblée, mobilisée et forcement, face à l'ampleur des manifestations, consciente de sa force.
A la stupéfaction et au chagrin a succédé l'envie irrépressible de se mobiliser mais aussi l'impression enfin de se reconnaître. Alors qu'aurait pu émerger de ces événements les ferments de la haine et de la division, les Français nous ont donné au contraire le sentiment de se découvrir dans leurs différences d'origine, de confession, d'opinion. Comme si les changements qui travaillent notre société depuis deux ou trois décennies émergeaient seulement maintenant à la surface.
Alors que l'on voyait ce Pays déchiré, désabusé aussi, il vient de révéler les trésors d'enthousiasme et de fraternité qui l'animent encore. A ceux qui doutaient de notre envie d'exister, réponse est faite : la France existe, elle s'est rencontrée...
A nous maintenant, élus, responsables politiques de savoir répondre à ce formidable appel.
Pas par des lois de sécurité, même s'il sera nécessaire de corriger les failles qui ont pu apparaître. Mais en faisant fructifier ce vieil héritage républicain qu'on avait laissé s'éroder sur les étagères, n'y faisant plus que des références obligées et dont c'est miracle dans ces conditions que nos compatriotes, et notamment les plus jeunes, aient su encore spontanément s'y reporter. Jamais nos vieux idéaux issus des luttes du 19ème siècle ne sont apparus plus utiles. De cet héritage, pour éviter erreurs et confusions, il ne faudra oublier aucun élément.
Le premier, c'est la souveraineté populaire, façon plus concrète de parler de démocratie : au final ce sont les citoyens, pas les dirigeants inspirés ni les experts, qui décident du destin de la nation. Ce qui doit nous obliger à préciser la portée et le sens de notre engagement européen. La France ne peut et donc ne veut se laisser dicter sa politique. La leçon doit en être tirée dans le débat ouvert sur la manière dont l'Union va traiter le besoin d être lancé économique.
Le deuxième, c'est l'égalité. Lui aussi s'est peu à peu vidé de son sens. Lorsque qu'un dirigeant d'entreprise peut recevoir en une fois à titre de prime de départ l'équivalent de deux siècles de travail d'un salarié au Smic, on peut légitimement se demander ce qui nous relie encore les uns aux autres. C'est par l'école qu'il faut commencer en en faisant à nouveau à la fois un outil de formation de citoyens et le moteur de la mobilité sociale.
Le troisième est la laïcité dont la portée doit être redéfinie dans une France où la religion sert désormais de refuge identitaire face aux bouleversements du monde. Au lieu de légiférer maladroitement au cas par cas, c'est une charte de la laïcité qu'il nous faut élaborer qui redise l'intangible et le négociable.
Ai-je oublié la fraternité ? Certes, non. Elle était si présente hier que cela allait sans dire même s'il faut se souvenir qu'elle est d'abord une conséquence de la force des principes que je viens d'énoncer. C'est autour de ces valeurs qu'elle peut prospérer.
Qui en a aujourd'hui la charge sinon le Chef de l'Etat ? Il a su durant cette courte crise trouver les mots, faire les gestes. Il lui appartient maintenant de continuer sur la durée.
Le Président regrettait ces derniers mois que la France n'ait plus confiance en elle. Il retrouve ce matin une France debout, fière, chaleureuse, prête à se mobiliser. C'est une pépite !
Difficile face à pareille situation, de reprendre l'agenda politique là où on l'avait laissé.
Outre les initiatives de fond que je viens d'évoquer, la question d'un gouvernement d'union nationale doit à l'évidence être posé pour sortir le pays du marasme économique dans lequel il se trouve. L'accord pourrait porter sur un programme minimum qui nous conduirait à la présidentielle. Qu'il soit possible ou non la proposition doit en être faite pour obliger chaque camp à se déterminer face aux enjeux.
Au delà de la réussite ou de l'échec de pareille initiative, le Président doit ensuite donner à son appel au rassemblement un contenu qui dépasse l'économie pour exprimer l'envie d'exister d'un Pays qui tient à rester une exception, c'est à dire une vieille nation qui a mieux à proposer à ses enfants que "de devenir milliardaire", qui croit en la culture, et qui refuse de s'aligner à l'international...
Rédigé par Gaëtan Gorce | Lien permanent | Commentaires (3) | TrackBack (0)
Belle idée que cette Marche silencieuse programmée partout pour ce dimanche, qui répond au besoin de se retrouver, d'être ensemble, en quelque sorte de " communier " autour de nos valeurs républicaines. Mais celles-ci, une fois passé l'attachement viscéral à la liberté d'expression, sont-elles si claires dans cette France troublée ?
L'absurde polémique qui vient de s'engager sur la possible présence de l'extrême-droite à ce rendez-vous en témoigne. Faute d'avoir été assez défendues les notions mêmes de Nation et de République, qui sont faites pour rassembler, sont devenues un terrain d'affrontement.
Si les uns pensent désormais pouvoir les utiliser à des fins stigmatisantes, xénophobes et sectaires, c'est que ceux qui en avaient la charge ont trop souvent oubliés d'en re-préciser le sens et la portée. Et sont tentés désormais, conscients de cette faiblesse et de l'âpreté de la lutte qui s'engage, de ne plus les définir qu'en creux, c'est à dire en s'opposant aux premiers, en les dénonçant et en les excluant sans voir qu'en agissant ainsi ils entretiennent l'ambiguïté à l'origine du processus qu'ils prétendent combattre.
Vouloir enfermer l'avenir du débat politique en France en un absurde face à face entre l'extrême-droite et un " camp républicain " réuni autour des responsables de ses Institutions, c'est faire le choix d'une recomposition du champ politique autour du FN et du coup inéluctablement le renforcer.
L'enjeu n'est donc pas de viser prioritairement un adversaire qui n'est fort que de nos faiblesses. Mais de le priver d'oxygène en prenant la peine de redonner un contenu aux notions de souveraineté, d'égalité, de fraternité et de laïcité. Il ne suffit pas de s'en réclamer pour les défendre.
Notre société a changé : elle s'est ouverte, mondialisée. Elle est plus diverse et du coup plus partagée. Et si dans ses profondeurs, et l'ampleur de l'émotion et des manifestions qu'elle suscite le montrent, elle reste viscéralement attachée à ses valeurs républicaines, elle a besoin qu'on l'aide à les redéfinir de manière plus claire et plus forte. La France, on le voit bien ces jours-ci, c'est une manière de penser. On doit pouvoir tout y dire. Mais cette subversion n'est possible que parce qu'elle se heurte malgré tout à un roc qui est notre conscience républicaine, c'est à dire notre conscience politique.
Aussi ne pouvons-nous nous contenter d'un prurit : la souveraineté, base de notre démocratie, peut être partagée, notamment pour bâtir l'Europe.
Mais nous devons dire désormais clairement, face au désarroi populaire, jusqu'à quel point ! La compétition économique a ouvert l'éventail des inégalités.
Mais nous devons désormais, devant l'angoisse sociale, lui fixer clairement une limite. Le réveil du sentiment religieux est compatible avec la laïcité.
Mais nous devons fermement, face à ce qu'il faut bien appeler le sentiment d'insécurité culturelle, dire jusqu'à quel point.
A défaut, s'installera une rhétorique guerrière, déjà présente dans les commentaires, qui présentera comme une menace mortelle ce qui n'est qu'une pathologie d'un monde qui cherche ses marques après l'effondrement des blocs. Et l'on nous fera croire, malgré les millions de gens dans la rue, que deux criminels à l'idéologie fruste peuvent menacer une nation vieille de plusieurs siècles. Et l'on nous présentera une fois de plus l'effet comme la cause et le pire comme la solution.
Pour ne pas tomber dans ce piège, y compris complaisamment, il faut dire ce que nous entendons par République et par Nation pour que chacun se les approprie, à l'instar de ceux qui s'attelèrent à cette tâche magnifique entre la Commune et l'affaire Dreyfus.....
Rédigé par Gaëtan Gorce | Lien permanent | Commentaires (2) | TrackBack (0)
La France s'est faite, pourtant, "par" la politique. Elle ne s'est construite ni sur le sol ou des frontières "naturelles", ni sur le sang, ni même sur une langue commune (qui ne l'est vraiment que depuis un petit siècle). Mais par l'effet d'une volonté, celle de monarques qui préférèrent l'indépendance de l'Etat à l'allégeance à une communauté de valeurs dominée par l'Eglise ; celle de Républicains qui, génération après génération, créèrent l'idée de Nation autour de trois principes : la souveraineté populaire, l'égalité, la laïcité, auxquels nos concitoyens restent viscéralement attachés.
Du coup, le Pays ne se remettra en mouvement qu'une fois convaincu de retrouver, au bout du chemin, la maitrise de son destin. Non dans un esprit de domination mais pour y maintenir vivantes ses valeurs fondatrices.....Ce qu'attendent les Français c'est donc qu'on leur montre comment cette " reprise en main" peut et va s'opérer. Et c'est à cette aune seulement qu'ils jugeront des reformes qui leur seront proposées.
Que la France puisse retrouver sa capacité de décision, trop de dirigeants politiques semblent cependant incapables de le dire, et sans doute, de l'envisager.
Décider pour soi, de son destin, ne veut pourtant pas dire décider seul. Il serait absurde d'y voir un abandon de l'ambition européenne qui nous occupe maintenant depuis plus d'un demi-siècle. Partager la décision avec d'autres nations voisines, ce n'est pas renoncer à sa souveraineté... sauf si ce pouvoir partagé est exercé en vue d'objectifs obscurs et hors de tout véritable contrôle démocratique. L'Europe n'a donc de sens que si elle a pour effet de renforcer par leur union l'influence de chacun des États qui la composent autour d'une vision et d'un projet communs. Mais si l'Europe n'est qu'une autre façon de se soumettre aux diktats des marchés ou à l'hégémonie à laquelle tendent les États-Unis, on peut comprendre alors que s'expriment ici et là de plus en plus de réticences, voire de résistances.
L'Euro, qui est en soi une bonne chose, n'est utile que s'il sert au bout du compte les intérêts de tous, c'est à dire s'il contribue à la vitalité exportatrice et à la stabilité financière de l'ensemble de la zone. On ne peut donc regarder les écarts de compétitivité, d'emploi, d'endettement qui se sont creusés comme "un écart par rapport à la règle" qui supposerait de ramener les récalcitrants, de gré ou de force, dans le droit chemin. Il faut y voir au contraire un déséquilibre structurel qui doit être corrigé par un effort commun visant à rapprocher les taux de croissance et les niveaux de développement industriel dont les différentiels expliquent justement les problèmes de dettes et de déficits rencontrés par les plus fragiles. Que l'Euro ait renforcé les forts et affaibli les faibles devrait conduire les gouvernements européens et d'abord le notre à en tirer les conclusions en termes de coopération et de politiques communes. Reprendre son destin en main, c'est pour l'Europe comme pour la France, définir une stratégie commune visant à rééquilibrer la situation dans les pays ou les régions les plus éprouvés par la désindustrialisation observable désormais à l'œil nu.
J'ai déjà évoqué ici l'idée d'un plan de convergences qui, étalé sur 10 ans, redonnerait à la zone Euro un projet partagé que devrait couronner un renforcement du rôle des Parlements nationaux dans le fonctionnement de l'ensemble. Dommage qu'une telle ambition n'ait pas figuré dans les vœux ni du Chef de l'Etat, ni d'aucun de ses opposants.
Mais rien, naturellement, ne saurait remplacer, l'affirmation préalable, devant l'opinion, de l'ambition d'assurer à l'Europe sa place dans le monde, et à la France sa place dans l'Europe. C'est à dire de préserver, en le modernisant, le système social le plus protecteur au monde; la conception de la culture et de la science la plus ouverte et la plus pluraliste; une volonté de sécurité excluant toute forme d'hégémonie et un attachement au droit international garantissant une médiation équitable dans les conflits extérieurs; une prise en compte de l'exigence absolue que représente désormais la lutte contre le réchauffement climatique qui se traduise en interne par une stratégie ambitieuse et dans les négociations mondiales par un volontarisme justifié par les intérêts mêmes de l'humanité tout entière.
Le problème c'est qu'en politique, la volonté doit se traduire aussi symboliquement. C'est donc par des mots et des gestes, par des propositions et des initiatives, qu'elle devrait d'abord se manifester. Là encore l'Europe est en souffrance et la France en manque !
Décider pour soi, c'est ensuite considérer que le chemin que nous avons choisi pour maintenir vivante l'idée d'égalité reste le bon. Ce n'est pas vouloir en finir avec l'exception française mais au contraire la conforter... et la moderniser. C'est donc affirmer notre détermination à maintenir un niveau élevé de protection correspondant à des décennies de luttes, d'attentes et de réformes. C'est comprendre que l'adaptation de notre système social ne sera acceptée que pour autant qu'il soit démontré aux Français qu'elle servira au fond à le sauver ou le consolider. A défaut s'insinue le poison de la crainte, quand ce n'est pas celui de la jalousie ou de l'envie. Que notre sécurité sociale, malgré ses déficits massifs, n'ait suscité aucune véritable remise en cause témoigne de l'attachement qui lui est porté, du consensus qui l'entoure. Pourtant, chacun sent bien confusément que cela ne pourra durer et qu'il faudra bien un jour solder les comptes. D'où la nécessité d'enclencher la réforme de son financement, de redéfinir publiquement, dans la transparence, ses priorités, de responsabiliser vraiment ses acteurs. C'est une remise en ordre qui est ici indispensable et dont la pédagogie, essentielle, ne pourra être faite que si le Gouvernement qui s'y décidera sait exactement où il veut aller ! A savoir : donner un contenu actuel à la notion d'égalité sur laquelle s'est bâti notre pays !
Décider pour soi, c'est ainsi et enfin agir à partir des valeurs qui nous unissent ! Et donc s'en faire une idée claire ! Si, comme l'écrit Louis Dumont (L'idéologie allemande) : "l'idéologie de base du Français... consiste en somme en un seul principe, l'universalité du sujet humain", alors il n'est guère surprenant que la crise de ces valeurs se traduise par un malaise national de plus en plus perceptible. Aussi, serait-on par conséquence tenté de voir dans l'actualisation de ses valeurs la solution aux maux qui nous assaillent. Nous avons déjà évoqué l'enjeu de la souveraineté qu'il faut sortir de l'impasse dans laquelle l'impuissance européenne le tient enfermé. Nous avons brièvement fait allusion à l'idée d'égalité qu'il est urgent de rafraîchir, comme il vient d'être suggéré. Reste le concept de laïcité qui en dit plus long sur la façon dont les Français pensent le monde qu'aucune autre préoccupation nationale. Loin de rejeter toute conscience religieuse, tout spiritualisme, la laïcité vise à garantir deux choses : qu'aucune philosophie ne l'emporte sur une autre et dicte ses règles à la collectivité des citoyens d'une part ; et, d'autre part, que la foi (ou son absence) soit bien la conséquence d'un choix libre et éclairé et non l'effet d'une tradition. Rien ne fait obstacle dans cet esprit au respect dû à l'Islam comme à ses pratiquants. Tout est ici question d'équilibre, c'est à dire de hiérarchie entre des principes d'importance différente. Ce qui revient à dire que tout est possible dans les limites qui viennent d'être rappelées. Ne serait-il pas urgent d'en décliner la portée au cas par cas pour éclairer la nation sur des sujets qui faute d'être abordés de front nourrissent toutes les craintes et les ressentiments ? Et de travailler à une charte de la laïcité dont le projet présenté par le précédent ministre de l'Education n'a été qu'un ersatz ?
Oui, la France est malade de ce que ceux qui aspirent à la diriger ne savent plus lui parler. Il n'y a contre cela aucun remède à trouver dans je ne sais qu'elle stratégie de communication. C'est affaire de culture : aimer la France, c'est croire en sa singularité ! C'est cette foi qui s'est perdue et qu'il nous appartient de réactiver. Des vœux n'y suffiront sans doute pas : mais cédons-y tout de même en ce début d'année !
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