Qu'un peu plus d'un mois après la grande manifestation d'unité nationale qu'avaient provoquée les attentats de janvier, le groupe socialiste de l'Assemblée mette en scène ses divisions donne le sentiment d'un épouvantable gâchis.
Qui peut trouver en effet dans le comportement des uns comme des autres le moindre sens politique ? Quel est donc le message que des deux côtés l'on voulait adresser aux Français et qui justifierait, par son urgence,son importance, que de Hamon à Matignon on ait ainsi choisi de casser une porcelaine déjà passablement ébréchée ?
Et d'abord qui y avait-il dans la loi dite Macron qui pourrait expliquer qu'une partie non négligeable du groupe socialiste ait choisi de mettre en péril la survie du gouvernement ? Car c'est bien à une fragilisation, voire à un désaveu du Premier ministre et de son équipe qu'aurait abouti le rejet du texte ! Que la "philosophie" du projet soit socialement contestable, cela ne fait pour moi aucun doute ! Mais passer de 5 à 12 dimanches travaillés ou réduire le périmètre de reclassement des salariés licenciés constitue peut-être une encoche dans notre pacte social mais pas un attentat. À cet égard, n'y aurait-il pas eu des questions plus graves sur lesquelles interpeller un exécutif qui a mis plus de deux ans pour s'attaquer au chômage de longue durée, n'a rien fait pour l'emploi des jeunes et d'abord l'apprentissage et regarde passivement la Grèce se débattre dans les difficultés que lui fait la Commission ? Et que dire de l'absence entêtante d'initiative française pour tenter de redonner de l'élan à l'Europe industrielle ? J'en passe...
Bref, ce ne sont pas les sujets sur lesquels adresser au gouvernement un message de gauche, qui manquent ! Alors pourquoi cette insistance sur un texte au fond anecdotique ? On ne peut y voir en réalité que la conséquence du choix de la guérilla parlementaire fait par les Frondeurs qui ne trouvent aujourd'hui plus d'issue que dans la fuite en avant au point de laisser caricaturer leur message dans une triste logique de Congrès.
Mais que penser alors de l'entêtement du gouvernement à soutenir et faire voter un texte qui réussit la gageure d'être à la fois épais et sans consistance. Si François Hollande entendait en faire l'exemple de l'esprit modernisateur qui l'anime, il n'est pas étonnant qu'il ait peiné à convaincre. Encore une fois, les vrais sujets de réforme ne manquent pourtant pas à qui voudrait VRAIMENT s'attaquer aux blocages qui affectent notre société et gênent son économie : la réforme du financement de notre protection sociale en transférant sur l'impôt une part croissante des cotisations n'aurait-elle pas être justifiée dans le prolongement du CICE ? Et celle de la Formation professionnelle toujours mise en coupe réglée par les partenaires sociaux au détriment des chômeurs et des salariés les moins qualifiés ? Et celle de l'organisation du travail dans des entreprises qui tardent à s'adapter à l'évolution des métiers, qui semble autrement plus urgente que la mise ne cause des CHSCT ? Sans parler de la fiscalité ou de l'école... Le paradoxe, finalement, est qu'un faux-semblant de réforme ait servi de prétexte à un faux-semblant de révolte.
Mais le pire est encore à venir. Les mauvais désaccords ne peuvent en effet déboucher que sur de mauvais compromis. Pour être allées trop loin, les deux parties sont désormais contraintes de calmer le jeu. Le Congrès arrive à point pour que soit du coup mis en scène un de ces compromis dont nos "chefs" ont le secret. Bref, alors qu'il eut été logique que les socialistes soient invités à trancher par leur vote le désaccord sur la politique économique du gouvernement qui mine la vie de la majorité parlementaire depuis bientôt 18 mois, il y a tout à parier que, effrayés de leur audace ( et surtout de leur maladresse ) les deux camps finiront par s'entendre sur un texte sans contenu dont bien d'autres rendez-vous statutaires ont déjà accouché depuis quinze ou vingt ans.
À Toulouse, l'occasion fut perdue de réfléchir au rôle du parti durant le quinquennat. On préféra au nom de l'unité mimer le rassemblement et investir une direction-fantôme qui prit si bien son rôle au sérieux qu'elle disparut corps et bien et qu'on préférât en changer au milieu du gué.
À Poitiers, il est probable que l'on choisira de ne rien trancher de ce qui nous divise depuis des mois quitte à s'apercevoir au moment de préparer le scrutin présidentiel, face à une gauche déchirée et ulcérée, qu'il aurait été préférable de sortir de l'ambiguïté...
Si bien qu'à renoncer à adresser un message clair aux Français, ceux-ci ne vont pas manquer de délivrer bientôt le leur. Pas sûr que ceux qui nous gouvernent aient à gagner au change...