Vous trouverez ci-joint le texte du recours au Conseil Consitutionnel dont je suis signataire :
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Rédigé par Gaëtan Gorce | Lien permanent | Commentaires (0) | TrackBack (0)
Monsieur le Président, Monsieur le Ministre, Mes Chers Collègues,
Je ne reviendrai pas sur la question de l’inconstitutionnalité du texte qui a été très largement débattue et démontrée, je crois, par Jean-Pierre Sueur, comme l’avait fait voici quelques mois Robert Badinter. Je n’insisterai pas non plus, chacun y est revenu, sur la légitime émotion qui entoure ce débat, tant je peux comprendre que nos concitoyens d’origine arménienne puissent être choqués par l’attitude du Gouvernement Turc à l’égard du génocide de 1915 et pour lequel il se refuse toujours à une quelconque reconnaissance. J’ajoute que les arguments employés par les « militants » de la cause turque n’ont pas servi leur pays, tant ils se sont révélés le plus souvent déplacés, voire détestables par leur agressivité.
Mais je voudrais simplement ici, comme notre statut nous y invite, exprimer les raisons pour lesquelles, en plus de celles qui ont été développées par certains de mes collègues, je ne peux m’associer à la proposition de loi qui nous est présentée, comme je ne pourrais m’associer à aucune loi qui viserait à donner une définition juridique à ce qui relève de l’Histoire.
Comme Michelet, j’ai la faiblesse de penser que la Nation, que la France est une personne. Comment expliquer autrement qu’elle perdure au-delà des moments où sa sécurité est en jeu ? Il existe entre nous des liens, invisibles mais destructibles, forgés par l’Histoire ; une communauté de valeurs qui s’est constituée au fil du temps et des épreuves. Cette mémoire, construction politique, symbolique, est nécessairement différente de l’Histoire qui relève des règles comme de la méthode scientifiques. Elle en est issue, mais de manière sélective. Aussi ne devons-nous pas confondre les deux et prétendre faire l’Histoire au nom de la mémoire, plus encore s’il s’agit de le faire par le Droit et par la Loi.
Mais au-delà, nous devons nous interroger sur les rapports que nous entretenons avec notre mémoire nationale. Celle-ci est notre bien commun. Elle n’est pas l’addition de mémoires partielles même si chacune a pu jouer un rôle dans sa formation, de la mémoire paysanne à la mémoire ouvrière ; de celle, religieuse, de la conversion de Clovis à celle, laïque, de la loi de Séparation ; de celle, monarchique, des Sacres de Reims à celle, républicaine, de Gambetta prêchant au balcon de l’Hôtel de Ville au début de septembre 1870. C’est que la mémoire nationale synthétise, elle ne catégorise pas. Elle réunit, elle ne sépare pas. Voter des lois mémorielles, c’est mettre notre mémoire nationale en débat, sous la pression de tel ou tel groupe social, ethnique, politique ou religieux. C’est ouvrir une interminable controverse qui risque de nous déchirer.
Cela ne veut pas dire que nous ne devons pas enrichir notre mémoire nationale. Mais cet enrichissement doit se faire par le mouvement naturel des choses et des idées. Ainsi serait-il temps que nous fassions place à celle de nos compatriotes, immigrés de ces dernières décennies. Mais s’il nous appartient de le reconnaître, ce doit être sur un plan symbolique, comme celui de la commémoration, mais certainement pas sur celui de la Loi, qui plus est de la loi pénale.
Il est plus que temps que notre pays retrouve un rapport apaisé avec sa mémoire, plutôt que de céder à l’obsession mémorielle ! Celle-ci est le symptôme d’un terrible malaise qui nous conduit à vouloir réécrire le passé alors que notre ambition devrait être d’écrire l’Histoire qui reste à inventer.
C’est la raison pour laquelle, quel que soit le respect que j’éprouve pour nos compatriotes d’Arménie, je ne pourrai voter ce texte, pas plus que je n’en voterai aucun autre qui imposerait une vérité officielle.
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PARIS, 18 janvier 2012 (AFP) - La commission des lois du Sénat a rejeté mercredi la proposition de loi UMP pénalisant la négation des génocides, dont celui des Arméniens en 1915, en adoptant une motion d'irrecevabilité du texte, ce qui ne préjuge cependant pas de l'attitude des sénateurs lundi en séance.
Cette motion de procédure équivalant à un rejet et présentée par le président PS de la commission, Jean-Pierre Sueur, a été votée par 23 voix pour, 9 contre et 8 abstentions. Elle devra toutefois être confirmée en séance lundi lors de l'examen du texte.
La position de la commission des lois exprime les fortes réticences d'une partie du Sénat, toutes tendances politiques confondues. La chambre haute du parlement avait, le 4 mai 2011, rejeté un texte identique.
Cependant cette motion d'irrecevabilité, votée dans le cadre restreint de la commission des lois (qui comporte 49 membres), ne devrait pas être ratifiée lundi en séance, une majorité semblant se dessiner en faveur de la proposition de loi. La majorité des sénateurs, qui y sont opposés, devrait s'abstenir ou ne pas prendre part au vote plutôt que de voter contre, ce qui facilitera l'adoption du texte, qui a le soutien du gouvernement.
La proposition de loi de la députée Valérie Boyer ayant déjà été adoptée le 22 décembre par les députés, si le Sénat la vote lundi conforme (sans amendement) elle sera définitivement adoptée.
Le texte, qui a provoqué une crise diplomatique majeure entre Ankara et Paris, prévoit de punir d'un an de prison et 45.000 euros d'amende la négation d'un génocide reconnu par la loi française.
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Voilà donc revenu le temps des lois mémorielles ! Et après l’UMP, le groupe socialiste de l’Assemblée nationale vient d’annoncer par la voix de son Président qu’il voterait la proposition de loi visant à réprimer la négation du génocide arménien. Les uns et les autres n’ont-ils rien retenu des débats amorcés voici quelques années à propos de cette tentation redoutable qui consiste à réécrire l’Histoire sous la pression de lobbys ou de groupes portant la légitime mémoire des drames qui les ont touchés ?
N’est-on pas déjà suffisamment informé des conséquences de ce type de dérive ? Ainsi, parce que Napoléon a rétabli l’esclavage, se rendrait-on complice de crime contre l’humanité pour avoir salué dans un livre ou un discours l’œuvre historique, ou politique, ou militaire, du « petit caporal » ? Ainsi s’est-on interdit de commémorer Austerlitz ! Et continue-t-on à condamner des faits, des attitudes, des actions au regard des critères d’aujourd’hui confondant Histoire et actualité politique, débat, nécessaire et sans cesse renouvelé, et vérité scientifique...
La folie est plus grande encore lorsqu’il s’agit non-plus seulement de réécrire notre propre Histoire, mais bien aussi celle des autres ! Le génocide arménien, que reconnaissent les historiens, ne relève en rien de la loi ou du droit français. Sa négation ne relève donc certainement pas des juges, moins encore statuant dans l’hexagone. Où s’arrêtera-t-on en pareille matière ? S’il s’agit de satisfaire telle ou telle catégorie d’électeurs, on ne peut que regretter ce qu’il faut bien qualifier d’abaissement de la fonction parlementaire. S’il s’agit d’apporter une consolation à des plaies que l’Histoire a pu laisser ouvertes, c’est par le débat, les publications scientifiques, le dialogue diplomatique, que ces sujets doivent être abordés et traités.
A quoi cela sert-il de raviver des querelles auxquelles l’adoption d’une énième loi mémorielle n’apportera d’autre réponse qu’une polémique supplémentaire accentuant encore la confusion ?
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Ou les débuts d'un grand homme de Paris en province…
Si l’on s’est souvent étonné de la formidable capacité de rebond de François Mitterrand et de son aptitude à étendre progressivement son influence en dépit des aléas de la vie politique au plan national, c’est qu’on n’a pas observé que le même processus avait en réalité été à l’oeuvre dès 1946 dans le département de la Nièvre. Ou comment un inconnu, élu de justesse en 1946, en butte à une sérieuse opposition, en particulier de la S.F.I.O. va étendre sa toile au point de n’avoir plus, en 1981, un seul opposant au conseil général de la Nièvre.
Il n’est pas nécessaire de revenir longuement sur les conditions de l’installation électorale de François Mitterrand dans la Nièvre. Les conseils du «petit père » Queuille, une première campagne aux élections de novembre 1946, qui ne le classe certes pas à l’extrême gauche, une éducation et une culture acquises auprès des bons pères, qui n’effarouchent pas les conservateurs, un brevet de résistance obtenu dans les mouvements d’anciens prisonniers, qui fait de lui un homme du temps, une évidente réticence d’une partie de l’électorat à abandonner tout l’espace politique au parti communiste ; tout cela contribue à faire de sa première tentative dans la Nièvre un succès.
A la tête d’une liste composée à la hâte, et dite "d’unité d’action républicaine", il est élu troisième sur quatre devant la liste M.R.P. conduite par André Bérenger, que la pression exercée par le leader de la future U.D.S.R. et l’arrivée de la liste du R.P.F. conduite par Marius Durbet, maire de Nevers, vont contribuer, dès 1951, à éliminer. François Mitterrand entame alors une carrière ministérielle qui lui permet d’asseoir son influence sur le département et plus particulièrement sur le Morvan ; le Val de Loire, socialiste avec Dagain, gaulliste avec Durbet, communiste enfin avec Germaine François et Marcel Barbot lui opposant plus de résistance. Certes, entre les deux versants du département, son coeur balance : conseiller général de Montsauche en 1949, il oscille entre le conseil municipal de Nevers dont il sera l’élu et la mairie de Château-Chinon qu’il enlèvera seulement sous la Vème République.
Nécessairement, une telle personnalité, sans assise locale encore bien définie, inquiète. C’est que François Mitterrand a le don de susciter les passions favorables ou contraires. Si son ascension ministérielle qui fait de lui, à la fin de la IVème République, le premier parmi les prétendants à la présidence du Conseil, lui vaut l’appui de ceux qui y voient une chance pour la Nièvre, elle provoque aussi, comme toujours, les jalousies de ceux qui lui reprochent moins sa réussite que leurs propres ambitions déçues.
Loin de la légende entretenue surtout depuis 1981, la vie politique de François Mitterrand dans la Nièvre n’a rien d’un long fleuve tranquille. D’autant que ses prises de position, en particulier sa lutte contre les milieux ultra-colonialistes au Maroc, lui valent désormais l’hostilité de plus en plus marquée des Conservateurs. Mais il suscite dans le même temps des adhésions inconditionnelles. Pas un biographe, pas un récit, pas un reportage qui n’évoquent l’attachement que lui portent les élus ruraux conquis par son verbe et son autorité. Et combien de fois l’auteur n’a-t-il pas entendu de ses proches les récits de ses campagnes électorales, dans les années cinquante, dont ceux-ci gardaient au fond la nostalgie en ces temps un peu plus policés. Les voilà par exemple en lutte avec les perturbateurs poujadistes venus en nombre, déclenchant des bagarres dont François Mitterrand sort droit, digne, par la grande porte, sous les chaises qui volent et devant lequel se précipitent ses partisans gardant, émus, la mémoire des horions échangés, même si ceux-ci devaient sur le moment leur laisser une trace plus cuisante...
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Allez voir au théâtre de l'Odéon l'Adagio d'Olivier Py : une « pièce » supplémentaire pour un impossible puzzle consacré à la vie de François Mitterrand. L'acteur est remarquable, même si l'on peut regretter, par le choix du metteur en scène sans doute, qu'il ait transformé une méditation en une longue plainte qui correspond assez peu à la réalité du personnage.
Olivier Py a choisi de faire œuvre documentaire plus qu'artistique. En s'appuyant exclusivement sur les propos tenus par François Mitterrand il fait à ceux qui ne l'ont pas connu une belle leçon d'histoire et peut réveiller en nous la nostalgie d'un temps où les hommes d'État avaient de l'esprit et des lettres et pas seulement « celles qui forment le mot sot ». Pour autant, on peut regretter ensuite qu'Olivier Py n'ait pas choisi, quitte à trahir un peu son personnage central, de transcender celui-ci en en faisant un personnage de fiction pour mieux atteindre son but.
En raison du parti pris qu'il a choisi, on en apprend finalement assez peu sur les secrets d'une vie et d'une mort...
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Merci à Alain Juppé d'avoir sauvé l'honneur. La résolution votée par le Conseil de Sécurité est un indiscutable succès diplomatique et il a su prendre les risques qu'il fallait pour cela. Il serait naïf de croire que tout désormais va se passer sans heurts, parce que le recours à la force signifie bien la guerre et que si l'on sait pourquoi on y entre, l'on sait moins souvent à l'avance comme l'on en sortira. C'était cependant une gageure que d'obtenir et le soutien de la Ligue arabe et celui d'une majorité du Conseil de Sécurité et mieux encore l'abstention de la Chine et de la Russie.
J'ai suffisamment critiqué ici la faiblesse de nos précédents ministres pour ne pas manquer aujourd'hui de saluer la réussite de l'actuel. Reste cependant bien des ambiguïtés comme par exemple, sur le rôle attendu de l'Union pour la Méditerranée. Et si l'on change de champ stratégique, il ne faudra pas longtemps pour qu'Alain Juppé soit à nouveau mis au défi de trouver une réelle cohérence comme par exemple sur le dossier de l'Afghanistan. Mais chaque chose à son heure...
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Parlons aussi des cantonales. Ce scrutin coupé en tranches qui risque de faire l'ordinaire d'un minimum de nos concitoyens ce dimanche. La colère est là, qui gronde. Faut-il rappeler qu'elle est mauvaise conseillère ? Et si l'on peut trouver des raisons de voter pour les extrêmes, il n'y a pourtant pas d'excuse à le faire. Le citoyen est en droit d'attendre de ses représentants qu'ils fassent preuve de responsabilité. Mais ce ne peut être que sous couvert de réciprocité. Il est regrettable que nous Socialistes tardions tant à présenter nos propositions, comme notre candidat et ce faisant, nous prenons le risque de laisser le champs libre à ceux qui ont la parole et l'anathème facile. Mais la droite porte une responsabilité bien plus grande encore qui n'hésite pas à reprendre jusqu'au vocabulaire d'un concurrent qu'elle s'obstine, par un calcul absurde, ou une non moins absurde maladresse, à valoriser.
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Comment enfin ne pas avoir mieux qu'une pensée pour ceux qui, à Fukushima se sacrifient pour tenter de sauver de leur centrale ce qui peut encore l'être, et mettre leur peuple à l'abri d'une catastrophe ? On ne sait ce qui doit l'emporter de la surprise ou de l'admiration confronté à une forme d'héroïsme qu'on ne croyait plus possible et que ces hommes et peut être ces femmes incarnent simplement en écoutant ce que leur dicte leur devoir. Financiers de tous bords, spéculateurs gorgés de cynisme, maîtres-queue de toutes les cuisines politiques ou commerciales, sceptiques professionnels, Chefs d'États corrompus, saurez vous mesurer la valeur de ces actes qui vient précisément de ce qu'ils sont gratuits ?
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Gaëtan Gorce
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le samedi 19 juin 2010
Monsieur le Maire,
Cher Lionel,
Mesdames et Messieurs,
Comment définir la Nation ? C’est la question qui nous est posée ce soir en dévoilant cette plaque !
On peut lui donner naturellement une définition exclusive ; on peut chercher à se l’approprier, solution bien pratique pour exclure « l’étranger », certes, mais aussi, à l’intérieur, celles et ceux qui ne partagent pas vos convictions.
On peut au contraire voir dans la Nation une histoire collective en train de se faire, une matière en fusion, faite de coalition de forces et d’idées qui souvent s’opposent mais trouvent leur point d’équilibre autour de valeurs fondamentales, à commencer par celle d’indépendance nationale ou d’amour de la patrie.
La France est ainsi faite ; la France s’est ainsi faite de la contribution de mille talents, d’engagements, de convictions ! Comment ne pas y penser aujourd’hui en rendant sa dénomination à la rue Léon Blum ? Comment ne pas y voir un symbole à la date anniversaire certes d’une des grandes lois du Front Populaire, mais aussi au lendemain du 18 juin et de la commémoration de l’Appel du Général de Gaulle ?
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Mesdames, Messieurs,
Les trois cérémonies successives qui nous réunissent aujourd’hui 18 juin, ont un caractère un peu particulier. Elles nous rappellent en effet la tragédie que connut notre pays en mai/juin 1940 et dont la violence, comme en témoigne ce qui s’est passé à La Charité, fut meurtrière. Mais, elles évoquent aussi une autre réalité : alors que la France était plongée dans le désastre et la débâcle, s’élevait une voix, celle du Général de Gaulle qui, alors que les combats avaient à peine pris fin, appelait à l’espoir et à la résistance.
La Charité ne fut pas épargnée. Nous avons, voici quelques minutes, dévoilé une plaque en mémoire des combattants morts sous un bombardement ennemi le 21 mai 1940. Les bombardiers nazis avaient pris pour cible très probablement le central téléphonique qui était alors sous la protection des territoriaux de l’Armée française. Les victimes, Michel Bidault, Roger Dores, Thomas-Georges Lioupe, Oscar-Paul Saint-Ange Cotard, Marcel Gourdalier et Etienne Mas, ont été pris par surprise. Moment sanglant dont le souvenir n’avait pas été perdu même s’il restait un peu flou dans nos mémoires. Aussi, n’était-il que justice que 70 ans plus tard, nous puissions le rappeler et rendre hommage à ceux qui sont tombés ! Je veux à cet égard remercier Madame Simone Guillaume qui m’a sollicité par un courrier récent, me rappelant la gravité de ces évènements et la nécessité de nous les remettre en mémoire.
De mai à juin 40, la France débordée par une force militaire supérieure allait s’effondrer plus rapidement que jamais dans notre histoire, à l’exception peut-être de la guerre de 1870. Partout, sur nos routes affluèrent des centaines, des milliers, des millions de réfugiés. Des lambeaux de l’Armée française continuent pourtant à combattre avec courage et il y aura des dizaines de milliers de morts dans ce que nous n’avons plus le droit d’appeler « La drôle de guerre ». Des combattants et des victimes, il y en eut aussi ici à La Charité et je veux leur rendre tout particulièrement hommage : ceux qui les 16 et 17 juin, tentèrent de résister à la poussée de l’Armée ennemie venant de Cosne et de Clamecy soit au niveau de la gare de La Charité où de nombreux échanges de tirs eurent lieu, soit au niveau de ce qui devait devenir l’Avenue du Maréchal Leclerc, soit même dans les rues de La Charité où un jeune civil sera tué pour avoir tenté de s’opposer à mains nues à l’avancée des troupes allemandes ; soit enfin, dans le faubourg, où les forces françaises tentèrent d’empêcher la traversée des troupes allemandes en particulier en faisant exploser la 3ème arche du pont. Nombreux ceux qui y seront fait prisonniers comme par exemple Léopold Sédar Shengor, dont le nom a été donné au quai. Si d’autres parviendront à s’échapper, nombreux seront ceux qui y laisseront la vie, victimes parfois inconnues impossibles à identifier. Je veux avoir une pensée particulière pour le Capitaine Raoul Patureau-Mirand abattu le 17 juin 1940 également dans son avion de reconnaissance et auquel une stèle a été dédiée aux bords de Loire et au pied de laquelle nous venons aussi de déposer une gerbe.
Fort heureusement survint le 18 juin et l’appel du Général que nous commémorons aujourd’hui. Il a, à ce moment et tout au long de la guerre, su incarner la France, c'est-à-dire l’esprit de résistance, le refus de la capitulation, la volonté de préserver notre indépendance nationale et nos Institutions républicaines. Plus que jamais, nous devons aujourd’hui mesurer ce que fut sa contribution puisque sans lui, la France n’aurait pas siégé à la table des vainqueurs,. Puisque sans lui, la France n’aurait pas siégé au Conseil de Sécurité des Nations Unies, puisque sans lui, au fond, la France n’aurait pas pu rester la France au lendemain de sa Libération.
Il faut évidemment associer à son action celle des Résistants connus ou méconnus qui apportèrent à l’intérieur du territoire leur énergie, leur intelligence, leur courage au grand effort de redressement national qui fut alors entamé. La France s’est-elle jamais pour autant ressaisie ? A-t-elle jamais retrouvé sa force, sa vigueur et son courage ? 1940 n’a-t-il pas marqué, malgré les succès suivants, un tournant dans l’Histoire d’un pays qui jusqu’alors avait été le premier parmi les grandes nations européennes et les grandes nations du monde ? Le moral de la nation a été ébranlé un peu comme la psychologie d’un homme ou d’une femme plus que de raison au point que nous n’ayons plus su trouver complètement la force et l’énergie qui permettent d’affronter l’avenir. Ce qui expliquerait bien des difficultés auxquelles nous sommes aujourd’hui confrontées. Dans cette hypothèse, le Général de Gaulle revenant au pouvoir en 1958 n’aurait incarné qu’une parenthèse, tentant de ressusciter une énergie et une volonté qui n’appartenaient au fond qu’à lui, le pays s’en étant peu à peu défait. J’ai peine à souscrire entièrement à cette thèse. Je veux croire au contraire, voyant combien nous sommes autour de ce monument, que la France reste portée, quelles que soient les transformations qu’elle a connues, par une volonté d’être, qui reste intacte. Détentrice de valeurs, de principes qu’elle tente de faire vivre notamment à l’intérieur de ses frontières comme à l’échelle du monde, elle ne peut perdre la mémoire de ces évènements, de cette histoire. En nous réunissant partout en France aujourd’hui pour ce 18 juin, nous ne glorifions pas le passé. Nous exprimons au contraire l’idée que l’appel à la résistance, à la volonté et à l’action qui figurent en toutes lettres dans la déclaration du Général de Gaulle du 18 juin est bien toujours d’actualité et que la France est toujours prête à se battre. Non plus, et fort heureusement, les armes à la main ! Mais pour continuer à exister dans un monde dans lequel la compétition, cette fois économique, financière, pour l’emploi, pour la défense des grands principes sociaux est devenue plus sévère que jamais. Oui nous devons défendre et promouvoir, via notamment le projet européen, une France qui se veut grande, une France qui pèse et à l’intérieur de laquelle les hommes et les femmes qui y vivent puissent se sentir dignes, respectés et libres.
Sur cette place du Général de Gaulle, que coupe par une malice municipale la rue François Mitterrand, la mémoire de deux grands Présidents de la République est donc associée. Ce qui signifie que nous pouvons, où que nous portent nos convictions, nous réunir pour exprimer l’affection que nous portons à notre Patrie. Ce faisant, nous pouvons dire à ceux qui auront entendu l’appel du 18 juin qu’ils ne se seront pas mobilisés pour rien. La Charité a partagé le malheur de cette grande épreuve nationale que furent la défaite, puis la trahison et la collaboration.
En rendant hommage à nos morts, notre ville et ses habitants partagent aussi la reconnaissance de la Nation tout entière au Général de Gaulle et, à travers son appel, le désir de la France de continuer son action pour la paix, la fraternité et la liberté.
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