Le nouveau programme d'austérité que la troïka veut imposer à la Grèce est une véritable punition et, à ce titre, il est inacceptable.
L'application de la première série de mesures a produit l'effet contraire à celui recherché : parce que son PIB s'effondre, la Grèce a vu sa dette...augmenter. Et les nouvelles coupes budgétaires exigées ne pourront qu'accentuer ce processus. Aussi est-il temps de dénoncer cette absurdité pour y mettre un terme. Non seulement, à s'entêter, l'Euro ne résistera pas, la défiance étant contagieuse. Mais l'Union européenne tout entière risque d'être emportée, tant cette dictature des experts est contraire à son inspiration démocratique et ne peut que susciter révolte populaire ou repli nationaliste.
Il est à cet égard frappant d'observer la prudence des candidats qui affectent peut-être de ne pas s'émouvoir du possible effondrement d'une construction qui a mobilisé tous leurs prédécesseurs. Madame Merkel rêve d'une Europe aussi vertueuse que l'Allemagne, oubliant que ses excédents sont pour les deux tiers les déficits de ses voisins. Nicolas Sarkozy s'accroche à l'accord du 9 décembre (et surtout à la Chancelière) pour tenter de se garder une crédibilité que le contenu du futur traité suffirait pourtant à lui dénier : celui-ci ne comporte en effet aucun engagement favorable à la croissance. Pire, il fait figurer les investissements publics dans le plafond de 0,5% limitant les déficits et constituant la fameuse règle d'or. François Hollande a, certes, annoncé une renégociation. Mais outre que celle-ci s'annonce d'autant plus délicate que l'adoption du mécanisme de soutien financier l'aura privé d'une véritable monnaie d'échange, comment ne pas envisager d'ores et déjà d'aller plus loin ? À faire preuve de trop de révérences, les vrais européens, ceux qui ne font pas de la crise un prétexte pour tuer l'euro, risquent de se trouver rapidement dépassés.
Aussi l'audace est-elle plus que jamais nécessaire : il s'agira moins d'amender que de proposer une nouvelle voie ! Que de plaider, dès la campagne, pour un nouvel élan européen qui bouscule quelques tabous : conditionner les mesures de maîtrise budgétaire à une politique structurelle dont l'objet soit, après l'échec de la stratégie de Lisbonne, de soutenir l'industrie européenne, sa compétitivité, sa capacité de recherche et d'exportation ; d'extraire du calcul des déficits l'éducation et les politiques d'infrastructure ; de mettre en œuvre une politique monétaire extérieure... Bref, proposer aux citoyens européens de s'unir pour mener bataille, et ceci mieux que par le protectionnisme : par la solidarité. L'Europe ne pourra échapper au triste destin qu'elle se prépare que si l'élection de mai est l'occasion de faire passer à ses membres ce message simple : la France reprend sa place au cœur d'un projet d'envergure.
Il y aura certes un prix à payer. Nous devrons engager les réformes de structures permettant au pays de réduire sa dette, c'est-à-dire ses déficits, c'est-à-dire sa dépendance. Il ne s'agira pas d’aligner les recettes nouvelles ou les économies possibles. Augmenter les impôts, réduire les dépenses, exige seulement de maîtriser une règle à calculer. Or, un point de CSG pour financer une assurance maladie inchangée reviendrait à remplir un tonneau sans fond. C'est à une réforme de l'assurance maladie qu'il faut s’attaquer, en réduisant aussi bien les gaspillages que les inégalités ; c'est à une réforme de l’État qu'il faut travailler, non via une RGPP arbitraire mais en redéfinissant ses missions et ses méthodes !
En humiliant un peuple, comme elle le fait avec les grecs, l'Europe se condamne économiquement et moralement. En cédant aux démagogies ambiantes, elle finirait par céder sous le poids des égoïsmes. C'est donc un projet d’ensemble qu'elle doit se redonner. Et c'est de celui-ci qu'il faut d’abord entretenir les Français durant ces 70 jours, avant de s’adresser ensuite aux citoyens de toute l’Europe !
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En présence de nombreux membres de la famille et d’amis du disparu, ainsi que du secrétaire général adjoint du Parti pour les Libertés et la Démocratie, Jean-Pierre Sueur, Président la Commission des Lois du Sénat, et moi-même avons tenu une nouvelle conférence de presse à l’occasion du 4ème anniversaire de la disparition de l’opposant tchadien Ibni Oumar Mahamat Saleh, dont on est sans nouvelles depuis le 3 février 2008. L’avocat de la famille, William Bourdon, ainsi que les associations ACAT (Association des Chrétiens pour l'Abolition de la Torture) et Amnesty International étaient présents à nos côtés.
Au-delà du rappel de notre solidarité avec la famille Saleh, ce fut également l’occasion de renouveler notre engagement au service de la vérité dans une affaire que la justice et le pouvoir tchadiens s’efforcent de faire oublier. Cette attitude nous oblige à de nouvelles initiatives afin de donner un nouvel élan à l’enquête :
→ Le Procureur de la République, M. François Molins, a été saisi du dossier par nos soins afin d’examiner la possibilité de demander à la Cour Pénale Internationale d’enquêter pour crimes contre l’humanité et crimes de guerre, selon les articles 5, 7 et 8 du Statut de Rome ;
→ Un courrier va être adressé à M. Alain Juppé, Ministre des Affaires Étrangères, lui demandant de saisir, au nom de l’État français, le Comité contre la Torture défini par la Convention contre la torture de New-York en 1984, ratifiée par le Tchad ;
→ Une plainte va être déposée auprès du Conseil des Droits de l’Homme, organe intergouvernemental du système des Nations Unies, au nom des crimes de guerre commis par le gouvernement tchadien lors des événements de février 2008.
Ces différentes démarches ont pour but d’amener le gouvernement tchadien à respecter les engagements qu’il a lui-même pris de faire toute la vérité sur cette affaire, au moment où la Commission d’enquête indépendante rendait ses conclusions, en juillet 2008.
Ces différentes démarches viennent en appui à l’action menée par la famille et notamment les fils de Ibni Oumar Mahamat Saleh, qui viennent de déposer plainte devant la justice française.
Espérant tous ne pas avoir à nous retrouver à nouveau à cette date l’an prochain, nous avons tenu néanmoins à réaffirmer que s’il le fallait, nous serions encore là !
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À lire ce matin, un article de l'association ACAT (Action des Chrétiens pour l'Abolition de la Torture) qui travaille depuis 4 ans à faire apparaître la vérité dans cette affaire :
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Diffusé ce matin à l'occasion du 4ème anniversaire de la disparition de l'opposant tchadien :
http://www.rfi.fr/emission/20120203-gaetan-gorce-senateur-francais
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Alors que nous fêtions tous les fêtes de Noël et de Nouvel An, deux de nos soldats ont été tués en Afghanistan. Ce matin, ce sont quatre de nos compatriotes qui y ont perdu la vie. S’il faut saluer leur courage, leur sens du devoir, on peut s’interroger sur la nature de l’engagement et du sacrifice qui leur est aujourd’hui demandé.
Il pourrait être de mauvais ton d’évoquer ces questions s'il n’y avait pas pour cela des raisons, non pas politiques liées à la campagne électorale, mais stratégiques directement induites par les choix qui ont été faits, par le Président de la République en 2007 et surtout 2008. Les données statistiques parlent d’elles-mêmes. Le nombre des soldats français tués en Afghanistan était de 13 en 2007. Il est de 82 aujourd’hui. Il ne s’agit pas d’une sorte de malchance mais bien de la conséquence des décisions qui ont été prises alors. C’est le Président de la République qui a, en 2008, décidé unilatéralement, sans consultation du Parlement, d’envoyer 1000 soldats supplémentaires en Afghanistan. Et de les engager dans une province plus exposée, celle de la Kapisa où ils sont devenus pour les Talibans une cible prioritaire (cf. nombreux communiqués de ceux-ci en ce sens). Qu’est-ce qui motivait cette décision ?
Jusqu’alors les Gouvernements précédents, en particulier ceux de Jacques Chirac et de Lionel Jospin, avaient limité l’intervention française à celle de nos forces spéciales et à une présence militaire dans des zones non exposées pour assurer des actions de maintien de l’ordre. Pourquoi avoir choisi une stratégie délibérément plus dangereuse et au nom de quels objectifs politiques et militaires ? On est en droit aujourd’hui encore de s’interroger. Il s’agissait, disait alors le Président en 2008, de faire valoir de nouvelles solutions quant à l’issue à apporter au problème afghan. En réalité, les Etats-Unis n’ont cessé d’imposer depuis le début, sans grande considération pour leurs alliées, leur propre stratégie. Et celle-ci n’a connu aucune inflexion. Avons-nous en effet gagné en influence auprès du Gouvernement américain depuis que nous avons renforcé notre présence et pris ces risques, de mon point de vue démesurés ? Il suffit de voir comment le Président Obama a annoncé unilatéralement la date du retrait définitif des troupes américaines et comment nous avons piteusement suivi cette annonce, pour comprendre que nous n’avons rien obtenu.
Le Président de la République doit donc rendre des comptes sur les choix qu’il a effectués. Non seulement parce que ces choix se sont révélés erronés, mais parce qu’ils ont coûté la vie à nos soldats et que ces pertes auraient pu être évitées.
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La Birmanie est revenue au cœur de l’actualité internationale. Quiconque aime ce pays ne peut naturellement que s’en réjouir.
En bordure d’une Thaïlande, en plein développement (bien que traversée de fortes tensions), la Birmanie reste au contraire frappée par la misère. Celle-ci n’est compensée que par une formidable solidarité pour laquelle les Moines bouddhistes, aussi bien en matière sociale qu’en matière d’éducation, jouent un rôle considérable. Mais on ne peut avoir que le cœur serré en observant les conditions de vie de la paysannerie, de la petite industrie artisanale et l’absence totale d’intervention publique.
Il ne peut être question là-bas d’Etat providence puisqu’il n’existe pas d’Etat du tout, l’armée ayant jusqu’alors assumé l’ensemble des missions et absorbé l’ensemble des moyens. La situation semblait jusqu’à ces dernières semaines sans issue. L’héritage laissé par le dernier Chef de la junte se résumait tout entier dans la construction d’une capitale mégalomaniaque placée au cœur du pays, répondant à je ne sais quelle obsession sécuritaire.
Pourtant, les choses se sont mises à bouger. Le processus amorcé voici plusieurs années d’un plan par étape vers une « démocratie disciplinée » est en passe d’accoucher de véritables changements. Il aura fallu pour cela sans doute la pression constante de la communauté internationale, même si celle-ci s’est exprimée souvent dans le plus grand désordre. Il aura fallu, pour cela, le début d’ouverture d’une classe dirigeante qui a sans doute compris que rien ne serait possible sans une évolution tangible. Il aura fallu pour cela tout particulièrement la détermination et la ténacité d’Aung San Suu Kyi. Celle-ci reste aujourd’hui au centre de toute solution politique. Elle a fait preuve ces dernières semaines d’un courage éblouissant qui ne fait que confirmer celui dont elle avait témoigné au cours de ces dernières décennies. Recluse, interdite de visite, menacée souvent dans sa vie même, elle n’a jamais cédé tout en faisant preuve de la même sérénité. Aujourd’hui qu’une main lui est tendue, elle a choisi de la saisir pour faire progresser la cause de la paix et de la démocratie. Y parviendra-t-elle ? Elle a face à elle un pouvoir qui ne peut être au fond véritablement menacé que par une mobilisation populaire, et qui attend sans doute d’Aung San Suu Kyi qu’elle sache canaliser cette poussée pour éviter qu’elle ne s’exprime de manière trop brutale. Elle ne pourra y parvenir que si des avancées concrètes s’opèrent au fil du temps.
Cela a été le cas sur le terrain politique et judiciaire, à travers la libération de très nombreux prisonniers politiques et l’organisation d’élections plus libres. Mais celles-ci ne seront que partielles. Puisqu’elles ne permettront que de renouveler quelques sièges dans une assemblée largement dominée par les militaires ou leurs partisans. Sera-t-il possible d’aller plus loin ?
La présence ce week-end, en Birmanie, du Ministre des Affaires Etrangères Français, Alain Juppé, va dans la bonne direction. Elle traduit à la fois l’attention que des pays européens comme les Etats-Unis, après la visite d’Hilary Clinton, prêtent au mouvement en cours et en même temps la vigilance dont les uns et les autres continent de faire preuve en ne relâchant en rien leur soutien au prix Nobel de la Paix.
Mais le plus important tient sans doute dans la stratégie développée par le pouvoir en direction des minorités ethniques et qui vient de se traduire spécialement par le cessez le feu conclu avec les Karens. Dans le rapport que j’ai rendu avec mon collègue Blum au printemps, je soulignais le caractère crucial de cette question qui a si longuement servi de prétexte à l’armée pour se porter ou se maintenir au pouvoir. En choisissant d’entamer un règlement des conflits qui déstabilisent le pays sur ses différentes frontières, le régime se prive par conséquent d’un argument pour perdurer dans son être. On peut supposer qu’il ne s’agit pas là d’un accident mais d’une méthode planifiée.
Je forme le vœu, en ce début d’année, qu’Aung San Suu Kyi puisse réussir dans son pari et qu’elle sache mobiliser autour d’elle toutes ces forces vives extraordinaires que j’ai pu rencontrer lors de mon voyage sur les rives de l’Irrawaddy, nées de la révolte de 88 et qui ont continué depuis lors à s’exprimer dans le champ de la société civile…
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Cosne-sur-Loire, le 13 décembre 2011
Monsieur le ministre,
Complexe, la situation politique en Birmanie connaît néanmoins une évolution significative. Les Etats-Unis l’ont bien compris, qui ont dépêché récemment leur secrétaire d’Etat, Madame Hillary Clinton, qui a su établir des relations au plus haut niveau pour tenter d’évaluer ce que les données politiques nouvelles pouvaient contenir de perspectives et de promesses. Dans le même temps, la France, et plus encore l’Europe, ont observé un silence préoccupant.
Alors à l’Assemblée nationale, avec mon collègue Roland Blum, j’avais publié au début de l’été un rapport suite à une visite sur place qui soulignait les chances, limitées certes mais réelles, d’une démocratisation progressive du régime au regard des premiers changements institutionnels intervenus à l’initiative de la junte. Depuis lors, de nouveaux signes sont apparus, en particulier la libération trop limitée mais concrète de certains prisonniers politiques, mais aussi, comme nous le suggérions dans le rapport, la modification de la législation électorale afin de permettre à la formation politique de Madame Aung San Suu Kyi de pouvoir présenter des candidats aux élections partielles qui devraient se tenir dans les prochains mois.
Dans ce contexte, il faut souligner combien Madame Aung San Suu Kyi fait preuve d’une remarquable lucidité mais aussi d’un grand courage, puisqu’elle a pris le risque d’accepter la main qui lui était tendue afin d’offrir sa chance à la paix et à la réconciliation nationale.
Dès lors, il me semble indispensable que l’Union européenne qui a été à la pointe de la politique des sanctions à l’encontre du régime, puisse se doter des outils d’analyse, d’évaluation et d’intervention adaptés à cette nouvelle donne.
C’est la raison pour laquelle je me permets de vous demander de bien vouloir prendre l’initiative de saisir vos collègues européens, afin que l’Union européenne puisse arrêter une véritable stratégie pour répondre aux évolutions du régime birman.
A cet égard, ne serait-il pas possible d’envisager la désignation dans les plus brefs délais d’un nouvel Ambassadeur de l’Union européenne auprès du régime birman, la position de Monsieur Fassimo étant aujourd’hui intenable. Ce pourrait être le signe politique indispensable au retour sur place de l’Union européenne, dont la nomination d’une délégation à Rangoun, qui coordonnerait l’action de ses différents services très présents dans le domaine humanitaire, pourrait être le second élément.
De telles décisions, modestes dans leur contenu mais importantes au regard des rapports extrêmement tendus qui pouvaient prévaloir jusqu’à présent avec le régime de Rangoun, seraient sans doute de nature à permettre à l’Union européenne de jouer tout le rôle qu’on est en droit d’attendre d’une association d’Etats qui prône le progrès de la démocratie et des Droits de l’Homme dans le monde.
Je vous remercie de l’attention que vous aurez bien voulu porter à ce courrier et des réponses que vous pourrez lui apporter.
Je vous prie de croire, Monsieur le ministre, en l’assurance de mes sentiments cordiaux.
Gaëtan GORCE
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