Réviser notre engagement européen !
Voilà ce que devra proposer notre prochain candidat à la présidentielle.
Non pour revenir en arrière ou s'abandonner à je ne sais quel songe "nationaliste", mais pour tenir compte de la double impasse dans laquelle nous enferme la politique actuelle de l'Union.
Impasse économique tout d'abord puisqu'à travers des règles absurdes, l'Europe nous oblige à accepter un taux de chômage massif (qui corrode notre société) et à détruire nos emplois industriels. Il est un moment où ne pouvons plus accepter de mener des politiques qui ne sont pas celles de notre démographie : presque seule en Europe à avoir une démographie dynamique, la France doit cesser de sacrifier sa jeunesse et obtenir que l'Union soit synonyme de dynamisme et de plein emploi.
Impasse politique, ensuite, dans la mesure où ces politiques sont à ce point contraires aux attentes des peuples, et d'abord des Français, que les gouvernements en sont venus à ne plus pouvoir les consulter, alimentant du même coup le rejet dont ils font l'objet. Ce cercle vicieux doit être brisé sauf à laisser faire, demain, les forces les plus rétrogrades.
Dans ce contexte, le candidat de la gauche, quel qu'il soit, devra annoncer son intention d'obtenir une "pause pour inventaire" afin de déterminer avec ses partenaires en quoi l'Europe, dans sa configuration actuelle, est fidèle à ses objectifs initiaux et préserve les intérêts fondamentaux de ses membres fondateurs, à commencer, pour la France, par ses emplois et son industrie.
L'enjeu est, en effet, de ne pas renouveler l'erreur commise par F. Hollande au lendemain de son élection, qui n'eut rien de plus pressé que d'abandonner l'engagement qu'il avait pris d'obtenir un rééquilibrage de la politique européenne au bénéfice de la croissance.
On l'aura compris, il ne s'agit en aucun cas de suggérer un repli mais de préconiser une remise à l'heure de l'horloge européenne, à l'heure des peuples et de leurs préoccupations.
A un an de l'échéance présidentielle, le moment est venu d'encourager une prise de conscience qui nécessitera forcément du temps auprès d'une gauche qui a fait de l'Europe un horizon indépassable en dépit de ses défaillances et de son orientation de plus en plus ouvertement défavorable aux valeurs sociales qu'elle porte.
C'est le sens de la résolution que je vais déposer au Sénat (dont j'espère obtenir la discussion) et qui esquisse une piste nouvelle de coopération, à savoir la reformation du groupe des six pays fondateurs auquel il pourrait être opportun d'associer la Pologne. Ce groupe, qui pourrait être doté d'un secrétariat permanent, serait de nature à redonner à l'Union une orientation politique que le Conseil à 28, comme la Commission, ne peuvent plus assurer.
PROPOSITION DE RÉSOLUTION
relative à la redéfinition de notre engagement européen
présentée
par Gaëtan GORCE
Engagée depuis sa fondation dans le projet de construction européenne, la France a aujourd'hui le devoir et la responsabilité de réviser la forme de son engagement. Non pour le remettre en question mais pour lui redonner du sens !
Fondée sur la défense de valeurs communes, l'Union ne parvient plus à s'entendre sur un minimum de soutien aux femmes et hommes qui fuient leur pays en guerre pour y chercher asile tandis que des États membres tiennent des discours ouvertement hostiles.
Fondée sur un principe de solidarité, l'Union se révèle incapable de favoriser une convergence des économies autour d'objectifs partagés de croissance et d'emploi, laissant prospérer un halo de chômage qui obscurcit l'avenir du continent tout entier.
Fondée sur les progrès de la démocratie, l'Union se heurte aujourd'hui à la défiance des citoyens qu'elle ne peut plus consulter sans s'exposer à un vote de défiance, comme récemment encore aux Pays-Bas.
Les causes de cette situation sont multiples. Mais elles tiennent d'abord en la mutation de la construction européenne de projet politique en fuite en avant bureaucratique.
Ce n'est pas cette Europe là que la France a contribué à inventer et à laquelle elle a choisi de lier son destin. Comment ne pas voir, par exemple, que la politique menée aujourd'hui par l'Union est la responsable du déclin de notre industrie et des emplois qui y sont attachés ?
Depuis la fondation de la zone euro, par un effet d'agrégation annoncé par les économistes, les emplois industriels ont été supprimés en masse dans notre pays comme au sud de l'Union tandis qu'ils se regroupaient autour des centres économiques de l'Allemagne et des pays voisins. À cela s'ajoutent les effets de contraintes budgétaires qui condamnent notre pays, doté d'une démographie dynamique, au chômage de ses jeunes et des moins qualifiés dans des proportions insupportables pour notre cohésion nationale.
Nous portons certes dans cette situation une part de la responsabilité et il serait trop facile pour la France de reporter celle-ci sur ses voisins.
Force est de constater, en effet, que l'équilibre franco-allemand s'est rompu et que nous y avons acquiescé ! La dynamique de la construction européenne reposait sur une forme de partage des rôles, l'impulsion appartenant au couple franco-allemand mais l'initiative politique à Paris comme corollaire de l'avantage économique pris par Berlin.
La frilosité française, évidente depuis plus de dix ans, a privé ce partenariat de sa dynamique, et offert à l'Allemagne un leadership qu'elle ne souhaite pas assurer sauf lorsque ses intérêts majeurs lui semblent en jeu.
Nous en sommes par conséquent arrivés à ce moment curieux où les pays fondateurs, à commencer par la France, se révèlent incapables d'assumer une intégration plus poussée, en raison des réticences croissantes de leurs opinions, mais se refusent à envisager une autre voie.
Pour sortir de cette impasse, qui menace l'avenir même de l'Europe, la France doit inviter à une remise à plat du processus et inviter les six fondateurs à se retrouver autour d'un bilan partagé. L'enjeu est de s'assurer d'un nouvel accord sur les objectifs fondamentaux de l'Union et les moyens de les atteindre : une pause pour inventaire, en quelque sorte !
Le premier d'entre eux, celui à partir duquel l'Europe retrouvera la confiance des peuples, ne peut être que le plein emploi qui est à portée des économies parmi les plus riches du monde pour autant que la priorité soit rendue à l'investissement en particulier dans la transition énergétique. La France doit ainsi faire savoir qu'elle ne pourra consentir plus longtemps à des politiques restrictives qui vont à l'opposé de cet objectif.
Le deuxième doit rester la solidarité qui implique de favoriser la convergence entre nos économies victimes aujourd'hui d'écarts structurels insupportables. Pour cela, la France doit proposer à l'Union de promouvoir une politique industrielle active visant à corriger les écarts de croissance et les inégalités de développement observables entre les différentes régions de l'Europe.
Le troisième, enfin, repose sur la coopération entre les Nations constitutives de notre vieux continent. L'ambition fédérale, aujourd'hui inatteignable, doit laisser la place à des mécanismes de travail associant plus étroitement les États et, à travers ceux-ci, les citoyens.
La France serait dans son rôle en portant ce débat, seul moyen de ne pas laisser s'approfondir le fossé qui se creuse entre l'Europe et les peuples qui la composent.
Il ne fait plus de doute aujourd'hui que poursuivre dans la même voie que celle qui prédomine ne sert pas le projet européen et confine à l'aveuglement face aux réactions de plus en plus hostiles que suscite cet entêtement.
Sauf à laisser l'initiative aux anti-européens de toute sorte, l'Union, et au premier rang de celle-ci, le pays de Robert Schuman et de Jean Monnet, doivent s'engager sur la voie de la révision pour préserver l'essentiel !