Débattue au Parlement cet après-midi, l'intervention française en Irak soulève de nombreuses questions. Pas sur le principe d'un soutien au gouvernement irakien ni sur l'appui logistique et en armement apporté aux combattants mais sur les raisons de notre engagement aérien.
Les raisons ne sont pas militaires. Si en effet notre aviation a pu démontrer sa valeur en Libye ou au Mali, son apport n'est à l'évidence pas indispensable à la coalition qui devra d'ailleurs se poser d'ici peu la question d'une action au sol tant l'adversaire est " fluide". Elles sont donc politiques.
Ainsi avons-nous choisi, rompant avec la prudence qui avait prévalu jusqu'alors (on se souvient du discours de M. de Villepin à l'ONU), d'accompagner les États-unis dans cette aventure. Ce sont pourtant ceux-ci qui sont à l'origine de la déstabilisation de l'Irak dont le prétendu Etat islamique n'est que l'une des multiples et monstrueuses manifestations.
Pour quelle raison impérative avons-nous mis de côté nos réserves constantes? En attendons-nous un infléchissement de la position américaine sur l'Iran ou sur la Syrie que la menace extrémiste sunnite concerne au premier chef ? Mais dois-je rappeler que c'est justement la France qui a adopté sur ces dossiers la position la plus dure ?
S'agit-il à l'inverse, et à supposer que nous ayons assoupli notre approche du dossier nucléaire, d'amener l'Iran à contribuer à la résolution du dossier palestinien en exerçant une pression sur ses alliés locaux ? Mais aucune initiative occidentale notable n'a été prise dans l'affaire de Gaza qui poserait les prémices d'un tel projet ?
S'agit-il de contribuer à l'émergence d'un État kurde dont on voit au fil des combats se dessiner les contours ? Cela reviendrait à déstabiliser la Turquie et à contribuer au morcellement de l'Etat irakien qu'il s'agit au contraire de soutenir ! Ou bien, s'agit-il enfin de placer la France, après le Mali, en première ligne de la lutte contre le terrorisme d'inspiration islamiste ? Mais ne risque-t-on pas alors d'accréditer l'idée que celui-ci est le problème alors qu'il n'en est sans doute que la conséquence. N'est-ce pas par la politique que celui-ci trouvera d'abord sa solution, ce qui nous renvoie pour une part à la question palestinienne, pour une autre à l'évolution des États arabes ( qui peinent, pour ceux qui s'y essaient, à entrer dans la mondialisation sans sacrifier leur culture et leur histoire) ? Et si l'on voit bien que l'un des enjeux est de resserrer nos liens d'amitié avec les monarchies de la Péninsule, au service de qu'elle ambition commune la consolidation de ces relations sera-t-elle mise ?
La France, parce qu'elle est riveraine de la Méditerranée, qu'elle entretient des liens au moins séculaires avec les civilisations du Croissant fertile, qu'elle est présente en Afrique, doit retrouver une politique du Moyen Orient, sujet d'autant plus sensible qu'il exerce désormais des effets sur notre situation sociale et politique intérieure. Cette intervention en est peut-être l'annonce ?