Réaction à la réponse de M. Juppé.
On ne peut que regretter que le nouveau ministre des Affaires étrangères, interrogé à l'Assemblée cet après-midi ait cru bon de reprendre dans sa totalité l'argumentaire déroulé jusqu'alors par ses prédécesseurs. Comment peut-on renvoyer le dossier à la justice, prétendument indépendante, d'un « état souverain » qui dépend presque totalement de notre coopération diplomatique et militaire? Voilà trois ans en effet que l'on se défausse sur une procédure qui ne progresse que par à-coup et uniquement à l'initiative du Parlement ou de la famille d'Ibni Oumar Mahamat Saleh, le gouvernement ayant - notamment à l'époque de M. Kouchner - eu de cesse de freiner toute possibilité d'avancée significative.
Je veux encore croire que M. Juppé, à l'avenir mieux informé de cette affaire saura réagir afin de permettre que notre diplomatie ne commette pas au Tchad les mêmes erreurs que celles qui ont été faites avec les dictateurs de Tunis ou du Caire.
Le rapport de la commission d'enquête que j'ai cité en séance fait état d'atrocités commises par les troupes tchadiennes sous les ordres du président Déby contre leur propre peuple. Le rapport que vient de rendre Amnesty International, met également en cause les mêmes autorités dans des pratiques, pourtant unanimement condamnées, d'enrôlement d'enfants soldats.
Telle est la réalité du régime que nous nous efforçons, encore, de protéger. Et ce ne sont pas les élections législatives qui viennent de se tenir, ni les présidentielles prévues pour le Printemps qui y changeront quelque chose. D'autant que c'est probablement dans la perspective de celles-ci qu'ont été planifiées l'arrestation, la disparition, puis l'élimination d'Ibni Oumar Mahamat Saleh qui était la seule figure capable de fédérer les forces susceptibles de proposer une véritable alternative politique.
Ce qu'avec la famille et les organisations non gouvernementales, nous nous bornons à exiger, c'est la vérité, indépendamment de toute autre considération. Nous ne poursuivons d'autre but que la défense des droits d'un homme, qui, à défaut d'avoir pu être protégé et secouru, doit voir au moins sa mémoire honorée et les conditions de sa mort, reconnues.
C'est la raison pour laquelle nous continuerons de demander que tout soit mis en œuvre pour que la procédure qui s'éternise depuis trois ans aboutisse enfin et que, parallèlement, la France contribue, dans la limite de ses possibilités, à l'émergence de la vérité, en rendant publics, c'est-à-dire en déclassifiant tous les documents qui ont pu être transmis à Paris sur les événements des 2 et 3 février 2008, aussi bien par l'ambassade de France à N'Djamena, que par les conseillers militaires français (malheureusement) placés auprès du Président tchadien.