Quelle est la question qui se pose aujourd'hui dans le dossier ivoirien ?
Ce n'est pas celle de savoir si la France a respecté la résolution 1975 de l'ONU : il est clair qu'elle ne l'a pas fait. Mais si elle a eu raison d'outrepasser son mandat. Le gouvernement lui-même a des doutes, puisqu'il cherche à faire croire qu'il n'aurait pas fait procéder à l'arrestation de M. Gbagbo, alors que chacun sait que celle-ci aurait été impossible sans son concours.
S'il s'agissait de mettre un terme à des combats sanglants, nul ne saurait au total, au nom du principe de réalité, lui en faire reproche. Mais si ceux-ci devaient reprendre et s'il s'avérait que M. Ouattara et ses encombrants alliés se sont eux-mêmes livrés, comme il est probable, à des exactions relevant du Tribunal pénal international, on aurait eu raison alors de mettre le gouvernement en garde contre une collaboration qui tournerait dès ce moment à la complicité.
Cet après-midi, à l'Assemblée nationale, le Premier ministre a d'ailleurs franchi un pas de plus dans la grossière manipulation à laquelle se livrent ses ministres de la Défense et des Affaires étrangères depuis plusieurs jours, en prétendant que l'action de la France en Côte d'Ivoire était un avertissement adressé à tous les dictateurs africains. Comme le dit l'adage, « à trop vouloir prouver... » Ses propos interviennent en effet à peine cinq jours après que l'Assemblée ait autorisé la ratification d'accords de coopération militaire avec quatre pays dirigés par des hommes qui ne se sont guère embarrassés de légalité : à savoir le Cameroun, le Gabon, le Togo et la République centrafricaine. Quant au Président tchadien, il continue à se livrer en toute impunité à son sport favori quand il ne liquide pas ses opposants, à savoir, la fraude électorale, et ceci malgré la présence d'un important dispositif militaire français.
Tous ces « Chefs d'États » seront sans doute étonnés d'apprendre que les troupes françaises présentes dans leur pays seront bientôt appelées à intervenir pour les inciter à se plonger dans une lecture plus attentive de la Déclaration universelle des Droits de l'Homme !
Aussi me pardonnera-t-on d'être l'un des rares à refuser de consentir à la mise en scène médiatique à laquelle on vient d'assister. Si la fin de M. Gbagbo signifiait celle de la Françafrique, cela n'aurait pas de prix. Mais j'ai toutes les raisons de croire qu'il s'agit d'une fausse monnaie à laquelle nous ne sommes pas obligés de donner cours.