C’est par ces mots, rappelés dans sa pièce par Olivier Py, que François Mitterrand concluait ses derniers vœux aux Français, le 31 décembre 1994. Quinze ans plus tard, notre pays semble pourtant avoir perdu toute foi dans l’avenir. Plus de la moitié de nos concitoyens se sont abstenus dimanche dernier ; et si la gauche a réalisé un excellent résultat, celui-ci ne suffit pas à masquer le désarroi d’une partie de l’opinion qui semble ne plus croire en la volonté politique. A ce désarroi, il n’est de pire réponse que le retour aux formules anciennes. L’UMP n’y a pas résisté, qui a transformé le désespoir de millions de Français en prétexte à de sordides disputes (par ailleurs inédites sous la Vème République puisqu’elles opposent, excusez du peu, un premier Ministre au Secrétaire général du parti majoritaire).
La gauche doit prendre garde à ne pas tomber dans ce piège. Si sa riposte politique devait se résumer à la multiplication d’appels en faveur de la candidature de tel ou tel, elle décevrait ses partisans et plus encore toutes celles et tous ceux qu’il lui reste à conquérir.
J’avais lancé voici deux ans, dans le Monde, un « appel » à la sagesse. Naïve préoccupation qu’il est peut-être plus naïf encore de vouloir répéter. Les socialistes ont leur destin entre leurs mains. S’ils font le choix de l’unité, aucune concurrence, ni des Verts, ni du Front de gauche ne pourra menacer leur candidat. S’ils laissent parler leurs mauvais démons, tout est à craindre. Nos électeurs, nos sympathisants ne nous ont rien dit d’autre durant toute la campagne qui vient de s’achever…
L’unité, c’est d’abord la cohérence : nous avons, par notre vote, fait le choix de Primaires. Celles-ci en « appellent » directement aux citoyens, rendant obsolètes et irrecevables toutes les vieilles recettes consistant à publier des listes de soutien, signés d'élus ou de cadres fédéraux. La logique des Primaires a été conçue justement pour briser les écuries, brider les clans, faire taire les oligarques.
Pour ma part, je ne signerai aucun appel. Ce serait faire injure à nos électeurs que de leur dire ce qu’ils doivent faire. Ce serait surtout prendre le risque de raviver ce que nous avons connu en 2006/ 2007, à savoir des groupes de supporters remontés les uns contre les autres au point de ne plus pouvoir se réunir face à l’adversaire le moment venu.
Aussi j’invite toutes celles et tous ceux qui seraient tentés à s’y laisser aller, à y renoncer. Face à une droite divisée et une opinion désemparée, le parti socialiste ne pourra opposer la clarté de son projet et la sincérité de sa démarche que si chacun veut bien comprendre qu’il s’agit d’un défi collectif. Après 1995, 2002, 2007, il est possible, demain, de mettre un terme à la spirale de la défaite. À condition, toutefois, que nous sachions mériter la victoire !
Gaëtan Gorce