Si la cause de la
pâtisserie doit sans doute beaucoup à Jean François Copé, ne vient-elle pas de
trouver ce week-end au PS un nouvel avocat ?
N'est-ce pas le message
que le député de Paris et numéro (?) du PS, Jean-Christophe Cambadélis, vient
de nous adresser ! Selon lui en effet les heurts et malheurs de l'actuelle
direction du parti n'aurait qu'une seule cause : le changement d'adresse du
petit-déjeuner de la majorité !
Ravalé au rang de
simple commensal du Premier ministre (son rond de serviette étant passé de la
rue St honoré à la rue de Varenne), le Premier secrétaire du PS aurait été
ainsi symboliquement (mais
outrageusement) exclu du premier cercle du pouvoir. Et il n'en aurait pas fallu
plus pour plonger un être aussi sensible que l'actuel titulaire de la charge
dans la neurasthénie. Et tout l'appareil du parti, pour une fois solidaire,
avec lui !
Bref, si le PS a
disparu des écrans radars, ce serait tout bonnement parce que le Président de
la République aurait renoncé à faire de son "chef" son interlocuteur
hebdomadaire. De la pâtisserie à la tapisserie qu'un pas... Mon honorable
collègue en conclut qu'il s'agirait rien moins que d'un choix délibéré visant à
démontrer le rôle désormais secondaire concédé au PS !
Pour anecdotique
qu'elle soit cette déclaration se révèle en réalité riche d'informations.
Ainsi, notre
malheureux parti n'aurait d'autre destin que d'accompagner celui du Chef de
l'Etat. Étonnant, tout de même cette façon de vouloir à toute force répéter les
pratiques du passé, celles qui de 81 à 95 laissèrent le parti exsangue, exténué
par l'exercice du pouvoir comme s'il n'y avait pas de ministres pour s'y coller
! Mais cette absence d'imagination nous dit bien des choses (et pas seulement
que se poursuit souterrainement la petite guéguerre entre anciens partisans de
Martine Aubry et Hollandistes accrédités).
D'abord que les
dirigeants du PS sont encore à ce point soumis à la logique de la 5ème
République qu'ils réclament les fers même lorsque le Président renonce à leur
en donner. L'idée que la politique puisse se concevoir ailleurs qu'à l'Elysée
et que les séances du Bureau national puissent être autre chose que la triste
empoignade d'affidés en attente d'instruction liquéfient manifestement ces
leaders à la grande gueule mais aux petits pieds.
Ensuite, que les
rares, (dont j'étais, je m'en excuse…) qui considéraient que le rôle du PS dans
un contexte majoritaire aurait dû être l'enjeu du congrès, avaient peut-être
raison. Au lieu de cela, Toulouse nous a servi un duel au tournevis entre deux
apparatchiks en mal de reconnaissance. Dont on voit aujourd'hui le résultat :
un parti désorienté et inaudible, décrédibilisé au point que même les plus
paresseux parmi les humoristes dédaignent de s'en moquer....
L'on pourrait certes
en sourire et se dire qu'il ne s'agit au fond que d'un déplaisant moment à
passer....si la situation politique ne devenait aussi délicate ! Avec une majorité qui s'étiole vote après
vote, le gouvernement aurait en effet bien besoin d'un parti fort, capable dans
l'opinion de prendre le relais, faire entendre sa voix, mobiliser et rassurer
les électeurs de gauche. Plutôt que de ces erreurs à répétition et initiatives
sans cesse à contre- temps. Comme cette pétition sur le mariage pour tous
destinée à une opinion pourtant déjà majoritairement convaincue et pressée de
passer à autre chose. Ou encore ces bien mal-nommés ateliers du changement
convoqués au moment même où tout le monde a bien compris que, de changement,
justement, il n'y aurait pas, du moins tant que n'aura pas été réglée cette
minuscule et subalterne question du redressement économique et financier.
Nécessité faisant
loi, nous pourrions pourtant imaginer sans peine ce qu'un véritable parti,
pourrait entreprendre !
D'abord renvoyer sans
ménagement la droite à son bilan. Que pour cause de Congrès, l'état des lieux
n'ait jamais été fait continue à nous poursuivre comme une implacable fatalité.
Or, Il serait, encore temps, en ce début d'année de renvoyer chacun à ses
responsabilités. Pourquoi, à cet égard, avoir reproché à Sapin d'avoir déclaré
l'Etat en faillite, ce qui n'est que la vérité, vérité qui plus est bien utile
pour contrer les demandes légitimes mais inopportunes de dépenses sociales ou
salariales nouvelles !
À la condition, et
c'est le deuxième chemin qu'on pourrait suggérer de prendre, d'afficher une
volonté et d'assumer une politique. Alors que le gouvernement a tout misé sur les
20 milliards de crédit d'impôt pour les entreprises, qui le rappelle ou le martèle
en ce début d'année ? Comme si l'on avait peur qu'on nous le reprochât ! Mais
si tel devait être le cas, il fallait faire un autre choix. Mais une fois
celui-ci arrêté, la sagesse, et même le simple bon sens politique, est de s'y
tenir envers et contre tout sauf à donner une insupportable image d'hésitation
et d'incohérence.
Et là se trouve le
troisième chantier : c'est au parti qu'il appartient d'animer le débat sur le
rapport entre le présent et "l'à -venir", et d'abord à propos de
l'Europe. N'y-a-t-il pas bientôt des élections au Parlement de l'Union et
celles-ci ne seront-elles pas déterminantes dans notre capacité à faire avancer
un projet qui lie coopération et croissance ? Un grand rendez-vous sur l'Europe
nous permettrait de montrer (si c'est toujours vrai) que nous n'avons pas
renoncé à combattre la politique d'austérité exclusive qu'imposent, à Bruxelles et à Berlin, nos concurrents conservateurs.
Ce qui amène tout
naturellement à cette ultime urgence : si en démocratie, nous n'avons pas
d'ennemi, notre politique (sauf à se renier) se confronte à des adversaires
qu'il n'appartient pas au gouvernement (désolé Arnaud !) de nommer mais au
parti et à ses porte-paroles attitrés. Mais cela supposerait que nous décidions
de donner au changement sa direction et amorcions les débats qu'appellent les
réformes qui nous attendent : la fiscalité ou la santé pour commencer, dont il
serait utile d'admettre qu'elles ne pourront satisfaire tout le monde...
Enfin, j'ose à peine
ajouter que nous pourrions aussi seconder les méritoires mais parfois un peu
pathétiques efforts du Premier ministre sur son "nouveau modèle français"
pour rappeler aux Français le sens de notre projet !
Non, le Parti
Socialiste n'est pas condamné, cher Harlem, à jouer les doublures, en recopiant,
comme il le fait aujourd'hui, les communiqués ministériels. Ou en montant
chaque soir sa tente au cœur d'une ville différente, comme une troupe en
tournée.
Non, le Parti
Socialiste ne doit pas, cher Jean Christophe, regretter son strapontin à l'Elysée.
Il devrait au contraire saisir l'opportunité qui lui est offerte pour jouer
mieux que les utilités et s'affirmer comme un parti mature, sûr de ses idées,
expérimenté via ses nombreuses années passées aux responsabilités, et déterminé
à faire changer la société. Pas en mots ou en slogans, mais dans sa réalité
faite de suffisamment d'inégalités, pour nous garantir du travail (et des petits
déjeuners) pour les décennies à venir !