De quoi Sarkozy est-il le nom ? Telle est la question que posait voici quelques années le philosophe Alain Badiou affectant de voir dans le nouveau Président moins l'emblème que l'expression des maux dont souffrirait notre société. Telle est la question que ressuscite aussi une triste actualité !
L'on aurait pu cependant la poser d'une autre façon en se demandant s'il existe, à l'instar de celle produite par le gaullisme, une "synthèse sarkozyste", nouvel alliage de droites différentes, allant des électeurs de François Bayrou, ceux du premier tour de la présidentielle de 2007, à ceux de JM Le Pen au premier tour cette fois de 2002.
Mais peut-être un détour par l'état de notre société, ses attentes et ses craintes, ses espoirs et ses envies, nous renseignera-t-il mieux sur ce que la droite est en passe de devenir ?
Nombreux sont en effet les observateurs (Dupin ou Simonne par exemple) qui ont voulu voir dans la droite d'aujourd'hui le projet politique le plus adapté, le mieux ajusté à l'évolution de l'économie et des mœurs. Son hégémonie serait inéluctable, même si parfois ponctuellement interrompue par des incidents de parcours comme la France viendrait d'en connaître en 2012. Mais la majorité politique, prédisent-ils en paraphrasant le F. Mitterrand de 1981, ne devrait pas tarder à rejoindre la majorité sociologique.
Deux facteurs commanderaient, selon eux, la recomposition de la droite en cours à l'échelle de l'Europe entière.
Populiste et populaire...
Le premier réside dans la montée de ce que l'on a voulu appeler les "populismes", ce qui ne veut rien dire d'autre que le décrochage d'une partie de l'électorat populaire et des classes moyennes du bloc social-démocrate.
Ce processus peut avoir, selon les pays, des caractéristiques particulières. Ainsi, s'accompagne-t-il souvent en Europe de l'Est d'une résurgence d'un sentiment national trop longtemps étouffé derrière le rideau de fer (ainsi en Hongrie). Mais partout il est la conséquence du reflux de la social-démocratie ou de la fissuration du consensus social construit depuis la guerre et qui avait consisté à associer à l'intervention de l'Etat, croissance, plein emploi et redistribution. Comme on l'a vu en France avec le gaullisme (mais le même constat pourrait être fait avec la démocratie chrétienne en Italie et en Allemagne), la droite avait bien été partie prenante de ce pacte implicite qu'elle avait géré à sa façon mais sans en trahir le principe. À l'instar de la gauche européenne, elle s'était même efforcée jusqu'à récemment de le faire perdurer ou simplement de l'amender mais sans jamais le remettre ouvertement en question, y compris à l'échelle de l'Union.
C'est cette relative modération, témoin de la spécificité du modèle social européen, qui est désormais ouvertement contestée par l'émergence souvent de partis nouveaux dans le paysage politique, dirigés par des personnalités charismatiques et construisant leur succès sur la dénonciation directe de ce qui était jusqu'alors implicitement admis par tous. Ce processus s'est naturellement nourri de la crise et de l'immobilisme, face à celle-ci, des partis traditionnels, incapables, à gauche comme à droite, d'engager la réforme des institutions politiques et sociales. Il s'appuie aussi sur la contradiction dans laquelle la droite européenne s'est enfermée en encourageant le libre-échange et la fin des monopoles publics au moment même où le vent de la mondialisation vient sur tout le continent araser les structures et les emplois industriels. Tirant dès lors parti du désarroi de l'électorat, les partis populistes mènent tous une même stratégie qui consiste à opposer le peuple, pétri de bon sens et fort de son bon droit, à des élites au mieux indifférentes ou inconscientes, au pire corrompues. Et de dresser le procès du "système" comme de "l'établissement" qui en assure le fonctionnement, en leur opposant la figure d'un leader fort, substituant aux vieilles formules de la représentation qui prive le citoyen de tout contrôle sur ses élus, celles de la démocratie directe avec une prédilection, comme en Suisse avec l'UDC, pour le référendum.
Mais les populistes vont plus loin faisant prévaloir une vision identitaire, homogène, du peuple, menacé culturellement par l'immigration et son corollaire : l'islam, et portant, au travers d'un discours xénophobe, des revendications hostiles à la présence étrangère. Sans pour autant, et c'est là notamment une différence entre populistes de l'Est et de l'Ouest de l'Europe, céder au racisme ni à l'antisémitisme. C'est au contraire en s'appuyant fort habilement sur certains traits distinctifs de la culture politique nationale qu'ils nourrissent leur argumentaire d'exclusion : ici, dans les pays scandinaves, le féminisme, là, en France par exemple, la laïcité, servant d'arguments, légalistes et forts, pour stigmatiser un Islam déniant le droit des femmes ou remettant en question les règles de coexistence entre l'Etat et les religions.
À la différence des extrême-droites traditionnelles, et de la droite révolutionnaire, les partis populistes s'inscrivent donc dans l'espace démocratique qu'ils prétendent même ouvrir plus largement aux citoyens trahis par les "partis traditionnels" qui, à droite comme à gauche, refuseraient d'aborder les "vrais problèmes". D'où une prédilection pour une forme de "franc-parler" montrant que les dirigeants populistes n'ont pas peur des tabous, défient ouvertement le politiquement correct et utilisent les mots de tout le monde, gages de leur sincérité.
Ainsi défini, le populisme semble une idée neuve en Europe et ne cesse de gagner du terrain, accédant à une représentation parlementaire dans les pays scandinaves (les partis du progrès), en Belgique, aux Pays-Bas, en Autriche, en Suisse et en Italie, jouant un rôle national non négligeable, comme en France, ou limitant encore son influence aux échelons régionaux ou locaux comme en Allemagne. Mais à la notable exception de la Grande-Bretagne, de l'Irlande et du Portugal, "s'ils n'en mouraient pas tous, tous étaient frappés" même si aucun de ces mouvements, bien que parfois associés au gouvernement, n'ait jusqu'à présent réussi à gagner par lui-même le pouvoir.
La France ne fait naturellement pas exception, le processus y conservant seulement quelques traits particuliers en passe, néanmoins, de s'édulcorer.
Ainsi du Front National qu'il sera bientôt possible de ranger parmi les partis populistes, composant avec le système qu'ils dénoncent, plutôt qu'avec les partis extrémistes, c'est à dire déterminés à rester sur les marges et à constituer par eux-mêmes une alternative.
Si sa réussite a reposé d'abord sur sa capacité à rassembler les morceaux épars de la droite contre-révolutionnaire, intégriste, nostalgique de la colonisation, nul doute que sous la houlette de sa nouvelle présidente, il ait entrepris de s'en distinguer désormais. Ce que confirme le départ, discret, des principaux représentants des courants originels, parmi les plus durs, à l'instar en 2011 de Bernard Antony, chef de file des catholiques traditionalistes.
Dans le même temps, et cela a été bien observé lors de la présidentielle, le FN s'est bien gardé de reprendre à son compte une rhétorique flirtant avec l'antisémitisme, pour donner à son agressivité des fondements tirés de la culture politique républicaine, à savoir en particulier une laïcité retournée comme un gant au service de l'islamophobie.
Enfin, le programme économique et social, jusqu'alors ultralibéral du FN, s'est mué en politique de protection des salariés et des usines via un État fort et hostile, naturellement, à l'euro....Reste à savoir quel pari fera désormais sa Présidente : aller jusqu'au bout de cette évolution et tendre la main à l'UMP, ou chercher de se substituer à celle-ci en faisant fond sur son possible éclatement...?
On peut certes s'interroger sur la sincérité de cette reconversion, mais on ne peut l'ignorer. Pas plus qu'on ne peut manquer de relever les pas faits dans la même direction par la droite sarkozyste.
Celle-ci ne s'était déjà pas privée d'exploiter le filon, pour l'assécher, lors de la campagne de 2007. Il n'est pas nécessaire d'en rappeler tous les ingrédients sauf peut-être les plus emblématiques comme la promesse de création d'un ministère de l'immigration et de l'identité ou la stigmatisation des abattages rituels. Cinq ans plus tard, les mêmes recettes ont produit moins d'effets, pour la raison sans doute que six mois de campagne ne pouvaient suffire à compenser cinq années passées à nourrir l'exaspération des Français. Mais le processus est à nouveau à l'œuvre au sein de l'UMP, ce dont a témoigné la campagne de Copé pour la présidence du parti "gaulliste" (sic). Son projet, celui d'une droite décomplexée, reprenait tous les thèmes du parfait populiste. Ainsi l'impétrant voulait-il, comme il se doit, libérer la droite du "politiquement correct" qui empêche de parler des problèmes des Français : à commencer par la violation de nos principes que constituent en vrac le port de la burqa, les menaces proférés contre des restaurateurs lors du ramadan, les mariages forcés, ou les policiers régulièrement attaqués par des intégristes dans certains quartiers. Et "tant pis, ajoutait l'homme qui avait promis d'en finir avec la langue de bois, si cela ne fait pas plaisir à Saint Germain des Près" supposé symbole d'un élitisme honni. Tout cela accompagné d'une dénonciation de l' "Europe passoire", des 35h et de l'assistanat. Rien à voir, apparemment, avec le programme de son concurrent d'alors, F. Fillon, classiquement soucieux du "redressement du pays" même si l'on ne pouvait manquer d'y retrouver certains points communs, sinon dans la tonalité, du moins sur le fond !
Le problème, comme l'ont relevé des observateurs attentifs, c'est que M. Copé n'est pas un cas isolé. Que l'on pense à la "Droite populaire", certes ridicule par ses excès, ses gros sabots et ses motivations électoralistes, mais approuvée par une partie significative de l'électorat. Ou à la "Droite forte", qui, lors de la dernière consultation militante, a recueilli une majorité relative des suffrages.
La question n'est donc pas tant de savoir si une mutation de l'UMP s'est amorcée mais où elle peut la conduire !
Le mouvement opéré par une partie de celle-ci, qui fait "l'école Buissonnière", et celui amorcé par le FN convergent en effet vers un populisme autour duquel les deux peuvent aussi bien se réunir que se déchirer. Les fondements idéologiques d'une telle alliance sont, en tout cas, posés. D'autant que les deux électorats se révèlent de plus en plus perméables.
Reste une difficulté : l'Europe et le libre-échangisme qui la sous-tend, que revendique l'UMP mais que le FN n'a pas de mots assez durs pour dénoncer. C'est la raison pour laquelle Sarkozy puis Copé ont fait de Bruxelles une de leurs cibles favorites, mais de préférence sur les questions de sécurité et d'immigration (ainsi des accords Schengen que le Président en campagne faisait mine de vouloir dénoncer) plutôt que sur les dossiers économiques. Pour certains, volontiers souverainistes (comme la droite populaire ou Dupont-Aignan), l'obstacle n'est pas insurmontable. Mais pour une majorité, s'y rallier serait une entrave pour gouverner, d'autant que cela placerait les leaders de la droite en porte-à-faux avec ces patrons des entreprises du CAC 40 dont ils se sentent en réalité si proches.
Dès lors, ne s'agirait-il au fond que d'allumer des contre-feux pour venir disputer à l'extrême-droite, sur son terrain, le potentiel électoral qu'elle a su accumuler au fil des années ? Peut-être ! Mais cela ne serait pas non plus sans conséquences. S'il s'agit en effet, sous la houlette de F. Fillon de ramener l'UMP vers le centre-droit, se posera la question de l'UDI qui entend bien camper sur cette position. Et s'il s'agit, au contraire d'adopter une stratégie autonome digne du grand parti de la droite que l'UMP entend redevenir, alors il lui faudra faire une place aux thématiques populistes sauf à se priver à jamais d'une partie du vote frontiste. Ce que la formule des courants ne peut, à elle seule, lui permettre de réussir à faire.
Dans un tel contexte, on ne peut manquer d'avoir le sentiment (conforté par la crise de l'UMP) qu'il y aurait au fond à droite un parti de trop : partager entre trois partis les deux seules lignes politiques possibles : celle du libéralisme social et européen et celle de la contestation populiste, ne relève-t-il pas de la gageure ?
Droitisation de nos sociétés ?
À moins, et c'est le second argument à l'appui d'une recomposition du paysage, que la sociologie de nos sociétés n'étende l'espace politique des droites au point de permettre leur cohabitation, voire leur affrontement, sans risques véritables pour leur perspective de pouvoir.
Ainsi l'Occident, tel un lourd paquebot, virerait, selon certains observateurs, irrésistiblement à droite. Non seulement parce que les idéaux socio-démocrates qui triomphaient à la Libération seraient partout enfoncés ; non seulement parce que la gauche aurait depuis 1989 multiplié les erreurs stratégiques en renonçant à se redéfinir. Mais aussi et surtout parce que les droites seraient plus en phase avec les courants de la modernité qui emportent nos sociétés vers un autre continent culturel que celui sur lequel s'étaient structurés jusqu'alors nos comportements politiques.
Observons tout d'abord que le fond de scène idéologique leur reste en effet extraordinairement favorable. Le nuage radioactif né de l'explosion du vieux réacteur communiste continue de survoler l'Europe et de disqualifier tout ce qui, de près ou de loin, est entré en contact avec la source de la contamination. Ainsi, par exemple, l'union européenne ne peut-elle envisager d'avoir d'autre majorité que de droite, et pour longtemps, en raison de l'opposition instinctive des peuples est-européens à tout ce qui peut ressembler à une forme d'intervention publique. Cette réalité politique semble pourtant laisser de marbre la gauche du Vieux Continent alors qu'elle la prive de tout débouché à l'échelle du Parlement de l'Union...
Mais le mouvement engagé va plus loin. Une droite nouvelle, un "monstre doux" pour reprendre la formule de l'observateur italien Raffaele Simone, serait en train de naître. Et cette droite, à la différence de la gauche, serait de son temps.
De quoi celui-ci serait-il fait ? D'une culture de masse qui masquerait les clivages sociaux pour leur substituer une segmentation des clientèles (selon les générations par exemple) et faire de l'accès à la consommation (et des inégalités qui l'accompagnent) la clef des satisfactions (ou des insatisfactions) populaires. Cette culture que la révolution technologique qu'ont connue les médias ces vingt dernières années a consolidé, ignore le passé et ne se conçoit pas d'avenir. Elle fonctionne au présent, et même dans l'instant pour privilégier l'image, le jeu, le loisir. Elle s'adresse au client auquel elle propose une identité élective (la marque, la série TV, le groupe musical préférés), transforme la nature ou le patrimoine en auxiliaires des réjouissances qu'elle propose et remplace la réalité par sa mise en scène, la réflexion par le talk-show. Son impact serait encore renforcé par la décomposition des imaginaires de classe et la perte de confiance dans les modèles de solidarité collective, conduisant à remplacer l'idéal du service public par la recherche de la réussite personnelle. D'où, symétriquement, le retour en force des valeurs d'effort, de mérite, le tout encadré par la référence à l'égalité des chances plutôt qu'à celle des conditions. D'où, également, le rejet de plus en plus net de l'impôt et de manière générale des contraintes collectives ! Et l'hégémonie d'une droite bien plus habile à exploiter ces mouvements profonds qu'une gauche engoncée dans ses souvenirs....
Qu'en penser, au final ?
Il ne fait, certes, aucun doute que la droite sache, dans ce monde liquide, se glisser comme un poisson dans l'eau. À l'exemple de ses deux figures emblématiques de sa mutation que sont Nicolas Sarkozy et Silvio Berlusconi, hérauts d'une politique sans histoire, c'est à dire sans racine, cultivant le culte de l'efficacité, s'adressant aux gens dans leur "propre langue", créant avec eux une empathie faite d'une fausse familiarité, permise par des médias se faisant l'écho des humeurs, voire des déboires conjugaux de chefs non pas combattant ou critiquant mais ringardisant leurs adversaires. Le tout facilité par une porosité extrême à tous les arguments, utilisés ou rejetés selon les besoins du moment ; par le peu d'attention prêté aux codes institutionnels, et par une préférence pour des partis flexibles, rassemblement autour d'un leader plus que structure porteuse de projets. L'envers, en somme, des traditions politiques d'une gauche qui, lorsqu'elle a cherché à s'adapter à cette nouvelle donne, y a laissé son âme. Ainsi de Tony Blair qui sut, certes, rivaliser avec ses pairs en communication mais au point de leur ressembler à s'y méprendre ! Ou d'un Schroeder, reconverti dans les affaires, après avoir mené à son terme une libéralisation sans précédent du système social allemand.
Cette droite là, on le voit, recoupe assez bien le paysage d'une société mondialisée et hyper-médiatisée. Elle joue sur l'émotion plus que sur la raison. Sur la peur plutôt que sur la confiance, sur l'autorité de préférence à la pédagogie. Elle se plie d'autant mieux à l'exigence de la consommation que celle-ci, en invitant chacun à y trouver un plaisir personnel, permet de faire l'économie d'un débat sur la permanence et la pertinence des hiérarchies sociales qu'elle protège. La mise en scène de l'actualité est aussi favorable aux thèmes qu'elle privilégie, à commencer par la lutte contre l'insécurité, et constitue un formidable support pour un discours hétérodoxe, plébéien, échappant aux codes traditionnels. Enfin, elle l'autorise à se ressaisir des thèmes religieux, comme un moyen de s'adresser à ceux qui sont en mal de repères que ni la politique ni l'Etat, assume-t-elle, ne fournissent plus. Et qui aident aussi à rendre une identité à des nations menacées par l'agression culturelle que représenteraient l'immigration et l'Islam. De ce melting-pot peuvent sortir toutes les combinaisons, à l'instar du curieux attelage conduit par Berlusconi qui sut, par un discours tourné d'abord contre son adversaire "communiste", fédérer les droites, nationales et régionalistes, libérales et conservatrices, chrétiennes et laïques autour d'un vaste réseau de clientèles payées de leurs efforts par les avantages qu'offrent le pouvoir...et l'absence de scrupules !
Cette description, aussi convaincante soit-elle, n'est pas cependant sans susciter des réserves. L'alliage des contraires qui s'opère autour de cette "droite nouvelle " peut survivre à ses contradictions le temps d'un mandat. Mais, à l'instar de l'Italie, celles-ci ne manquent jamais de ressurgir. Loin de fusionner les droites dans un projet nouveau, elle les "sublime" par la multiplication des effets et des coups médiatiques. Ce qui explique sans doute que ses succès électoraux soient à éclipses, à Rome, et peut-être aussi à Paris !
D'autant que ce mouvement heurte de plein fouet ce qui reste de conservatisme dans l'électorat de droite qui ne peut alors que s'émouvoir des frasques de ses chefs ou de ses écarts de langage. Là se trouve sans doute son plus délicat paradoxe : son acceptation sans condition de la mondialisation vient contredire son attachement aux valeurs traditionnelles que l'ouverture économique érode inéluctablement. Et celui-ci l'oppose du coup de plus en plus durement à des catégories sociales en phase, elles, avec l'évolution des mœurs, et invitées des lors à lui préférer la Gauche.
Enfin, il ne va, selon nous, nullement de soi que la montée de l'individualisme contribue à une hégémonie intellectuelle des droites. Celles-ci éprouvent en effet bien des difficultés à contenter par le développement de la consommation, sous toutes ses formes et dans tous les domaines, le besoin d'accomplissement que l'individualisation du travail comme des pratiques culturelles encourage. Ce qui ne peut que l'amener à réactiver, on l'a vu, des références religieuses difficilement conciliables avec le regain du laïcisme républicain qu'elle n'hésite plus à brandir contre la " menace islamiste ".
Dans un tel contexte, la droite, si elle tient à rester décomplexée, ne peut espérer prendre l'avantage qu'à la condition de déstabiliser durablement les cadres et les conditions du débat politique. Le mouvement est amorcé : "pipolisation" et personnalisation à outrance, radicalisation de l'adversaire, déstructuration du discours surmontant le caractère contradictoire des propositions entre elles par le rythme endiablé sur lequel elles sont avancées, priorité aux questions de sécurité et d'identité etc.
C'est à cette aulne qu'il faut comprendre ce dont "Sarkozy est le nom": celui d'une droite qui cherche par l'hystérisation du débat politique à surmonter ses contradictions, au risque cyniquement assumé de déstabiliser tout le système. Et le rebondissement des "affaires", dont nous avons eu ces jours-ci l'illustration, n'est que la manifestation la plus spectaculaire d'une manière d'agir qui a ses revers mais dont il ne pourra manifestement pas se départir puisqu'elle est constitutive de sa "stratégie"!
Pour en savoir plus, je vous invite à lire mon livre "L'histoire de la Droite pour ceux qui n'aiment pas ça".