Mesdames, Messieurs,
Les trois cérémonies successives qui
nous réunissent aujourd’hui 18 juin, ont un caractère un peu
particulier. Elles nous rappellent en effet la tragédie que connut
notre pays en mai/juin 1940 et dont la violence, comme en témoigne
ce qui s’est passé à La Charité, fut meurtrière. Mais, elles
évoquent aussi une autre réalité : alors que la France était
plongée dans le désastre et la débâcle, s’élevait une voix,
celle du Général de Gaulle qui, alors que les combats avaient à
peine pris fin, appelait à l’espoir et à la résistance.
La Charité ne fut pas épargnée.
Nous avons, voici quelques minutes, dévoilé une plaque en mémoire
des combattants morts sous un bombardement ennemi le 21 mai 1940. Les
bombardiers nazis avaient pris pour cible très probablement le
central téléphonique qui était alors sous la protection des
territoriaux de l’Armée française. Les victimes, Michel Bidault,
Roger Dores, Thomas-Georges Lioupe, Oscar-Paul Saint-Ange Cotard,
Marcel Gourdalier et Etienne Mas, ont été pris par surprise. Moment
sanglant dont le souvenir n’avait pas été perdu même s’il
restait un peu flou dans nos mémoires. Aussi, n’était-il que
justice que 70 ans plus tard, nous puissions le rappeler et rendre
hommage à ceux qui sont tombés ! Je veux à cet égard
remercier Madame Simone Guillaume qui m’a sollicité par un
courrier récent, me rappelant la gravité de ces évènements et la
nécessité de nous les remettre en mémoire.
De mai à juin 40, la France débordée
par une force militaire supérieure allait s’effondrer plus
rapidement que jamais dans notre histoire, à l’exception peut-être
de la guerre de 1870. Partout, sur nos routes affluèrent des
centaines, des milliers, des millions de réfugiés. Des lambeaux de
l’Armée française continuent pourtant à combattre avec courage
et il y aura des dizaines de milliers de morts dans ce que nous
n’avons plus le droit d’appeler « La drôle de guerre ».
Des combattants et des victimes, il y en eut aussi ici à La Charité
et je veux leur rendre tout particulièrement hommage : ceux
qui les 16 et 17 juin, tentèrent de résister à la poussée de
l’Armée ennemie venant de Cosne et de Clamecy soit au niveau de la
gare de La Charité où de nombreux échanges de tirs eurent lieu,
soit au niveau de ce qui devait devenir l’Avenue du Maréchal
Leclerc, soit même dans les rues de La Charité où un jeune civil
sera tué pour avoir tenté de s’opposer à mains nues à l’avancée
des troupes allemandes ; soit enfin, dans le faubourg, où les
forces françaises tentèrent d’empêcher la traversée des troupes
allemandes en particulier en faisant exploser la 3ème
arche du pont. Nombreux ceux qui y seront fait prisonniers comme par
exemple Léopold Sédar Shengor, dont le nom a été donné au quai.
Si d’autres parviendront à s’échapper, nombreux seront ceux qui
y laisseront la vie, victimes parfois inconnues impossibles à
identifier. Je veux avoir une pensée particulière pour le Capitaine
Raoul Patureau-Mirand abattu le 17 juin 1940 également dans son
avion de reconnaissance et auquel une stèle a été dédiée aux
bords de Loire et au pied de laquelle nous venons aussi de déposer
une gerbe.
Fort heureusement survint le 18 juin
et l’appel du Général que nous commémorons aujourd’hui. Il a,
à ce moment et tout au long de la guerre, su incarner la France,
c'est-à-dire l’esprit de résistance, le refus de la capitulation,
la volonté de préserver notre indépendance nationale et nos
Institutions républicaines. Plus que jamais, nous devons aujourd’hui
mesurer ce que fut sa contribution puisque sans lui, la France
n’aurait pas siégé à la table des vainqueurs,. Puisque sans lui, la France n’aurait pas siégé au
Conseil de Sécurité des Nations Unies, puisque sans lui, au fond,
la France n’aurait pas pu rester la France au lendemain de sa
Libération.
Il faut évidemment associer à son
action celle des Résistants connus ou méconnus qui apportèrent à
l’intérieur du territoire leur énergie, leur intelligence, leur
courage au grand effort de redressement national qui fut alors
entamé. La France s’est-elle jamais pour autant ressaisie ?
A-t-elle jamais retrouvé sa force, sa vigueur et son courage ?
1940 n’a-t-il pas marqué, malgré les succès suivants, un
tournant dans l’Histoire d’un pays qui jusqu’alors avait été
le premier parmi les grandes nations européennes et les grandes
nations du monde ? Le moral de la nation a été ébranlé un
peu comme la psychologie d’un homme ou d’une femme plus que de
raison au point que nous n’ayons plus su trouver complètement la
force et l’énergie qui permettent d’affronter l’avenir. Ce qui
expliquerait bien des difficultés auxquelles nous sommes
aujourd’hui confrontées. Dans cette hypothèse, le Général de
Gaulle revenant au pouvoir en 1958 n’aurait incarné qu’une
parenthèse, tentant de ressusciter une énergie et une volonté qui
n’appartenaient au fond qu’à lui, le pays s’en étant peu à
peu défait. J’ai peine à souscrire entièrement à cette thèse.
Je veux croire au contraire, voyant combien nous sommes autour de ce
monument, que la France reste portée, quelles que soient les
transformations qu’elle a connues, par une volonté d’être, qui
reste intacte. Détentrice de valeurs, de principes qu’elle tente
de faire vivre notamment à l’intérieur de ses frontières comme à
l’échelle du monde, elle ne peut perdre la mémoire de ces
évènements, de cette histoire. En nous réunissant partout en
France aujourd’hui pour ce 18 juin, nous ne glorifions pas le
passé. Nous exprimons au contraire l’idée que l’appel à la
résistance, à la volonté et à l’action qui figurent en toutes
lettres dans la déclaration du Général de Gaulle du 18 juin est
bien toujours d’actualité et que la France est toujours prête à
se battre. Non plus, et fort heureusement, les armes à la main !
Mais pour continuer à exister dans un monde dans lequel la
compétition, cette fois économique, financière, pour l’emploi,
pour la défense des grands principes sociaux est devenue plus sévère
que jamais. Oui nous devons défendre et promouvoir, via notamment le
projet européen, une France qui se veut grande, une France qui pèse
et à l’intérieur de laquelle les hommes et les femmes qui y
vivent puissent se sentir dignes, respectés et libres.
Sur cette place du Général de
Gaulle, que coupe par une malice municipale la rue François
Mitterrand, la mémoire de deux grands Présidents de la République
est donc associée. Ce qui signifie que nous pouvons, où que nous
portent nos convictions, nous réunir pour exprimer l’affection que
nous portons à notre Patrie. Ce faisant, nous pouvons dire à ceux
qui auront entendu l’appel du 18 juin qu’ils ne se seront pas
mobilisés pour rien. La Charité a partagé le malheur de cette
grande épreuve nationale que furent la défaite, puis la trahison et
la collaboration.
En rendant hommage à nos morts, notre
ville et ses habitants partagent aussi la reconnaissance de la Nation
tout entière au Général de Gaulle et, à travers son appel, le
désir de la France de continuer son action pour la paix, la
fraternité et la liberté.