Un nouveau débat s'est, parait-il, engagé au plus haut niveau sur l'opportunité de poursuivre ou non l'effort de rigueur !
Pour les uns, il s'agirait seulement d'ouvrir un nouveau front qui détourne les médias de leur obsession "moralisatrice". Pour les autres, de revenir sur ce qui aurait été la faute originelle du quinquennat. Mais comment ne pas y voir pour tous l'occasion de céder à cette vieille tentation d'aller toujours trop vite et qui conduirait, au lieu de corriger efficacement une trajectoire, d'ajouter l'erreur à l'erreur.
Le choix du redressement financier s'impose à nous, qu'on le veuille ou non !
Pas seulement parce que l'Allemagne l'exige ou parce que les marchés financiers s'en sont fait les contrôleurs vigilants. Mais pour la simple raison qu'aucun pays ne peut accepter que sa dette s'allonge et ses déficits se creusent en perdant par ailleurs emplois et savoir-faire industriel ! L'équation est imparable : Baisse de productivité+baisse de crédibilité=catastrophe assurée !
La seule vraie question est par conséquent celle du dosage : l'effort de rigueur n'est soutenable que s'il ne sacrifie pas l'investissement. C'est en cela qu'il est aujourd'hui critiquable et qu'il le serait demain s'il devait être poursuivi en l'état.
Aussi, plutôt que de céder à la surenchère, convient-il de réfléchir à la meilleure manière d'amorcer une correction de notre politique qui redonne toutes ses chances à l'avenir !
La première recommandation devrait être d'imposer une totale discrétion sur ce sujet aux membres du gouvernement (comme aux Présidents de nos Assemblées). Leur déclaration a seulement pour effet de décrédibiliser la politique qui est conduite tout en obligeant le Premier ministre à dénoncer celle qui pourrait progressivement lui succéder.
L'on serait, en revanche, en droit d'attendre de la gauche européenne qu'elle mène ce combat, et ceci d'autant plus qu'elle a devant elle, pour se faire entendre, la perspective d'une importante échéance électorale. A elle de construire, formuler, exprimer le projet qui rendrait l'espoir aux peuples d'Europe... à la condition qu'elle ne cède pas à la facilité.
La croissance que nous voulons retrouver doit être fondée sur un nouveau modèle qui prendrait le développement durable pour levier : mise en place d'une politique énergétique à l'échelle du continent, soutien massif aux technologies propres dans tous les secteurs industriels (en particulier automobile) plan global et coordonné d'économies d'énergie dans l'habitat et le transport. Bref, comme le préconise par exemple Michel Aglietta, un "Lisbonne vert" justifié par la situation économique et écologique !
La seconde recommandation serait d'inviter les gouvernements, et d'abord le nôtre, à préparer dès maintenant cette réorientation.
La sagesse est en effet d'aller jusqu'au bout de l'effort budgétaire engagé. Y renoncer maintenant reviendrait à en perdre le bénéfice et à nous entraîner dans un conflit déstabilisant avec une partie de nos partenaires européens.
Tenir jusqu'à la fin de l'année nous permettrait au contraire de nous appuyer sur les résultats obtenus pour justifier non un infléchissement mais l'ouverture d'une nouvelle phase.
L'effort budgétaire annoncé est sans précédent sous la Vème République, Il nous placera, s'il est assumé, sur un "trend" de rétablissement progressif de l'équilibre de nos comptes tout à fait acceptable d'ici 2020.
Aussi devra-t-il être poursuivi en l'état… mais certainement pas aggravé : ce serait la pincée de trop. Bien au contraire, sans rien lâcher sur le fonctionnement, devrons-nous mobiliser les outils d'une relance par les investissements d'avenir qu'il conviendrait d'enclencher dès le premier semestre 2014, ce qui ne sera possible que si le champ de ces dépenses productives nouvelles est d'ores et déjà balisé.
Aussi est-on en droit d'attendre d'abord du ministre du Redressement productif (comme de ses collègues) un travail urgent, discret et patient pour finaliser les secteurs à aider et les vecteurs par lesquels les financer, afin d'éviter l'improvisation comme les effets d'aubaine.
L'enjeu n'est donc pas de changer de politique mais d'attendre suffisamment pour en engranger les bénéfices concrets et symboliques et dégager les marges de manœuvre nécessaires pour passer à une autre étape du redressement : la reconquête de notre capacité à préparer l'avenir (cf. le Lisbonne vert ci dessus).
PS: En revanche, on ne peut que s'étonner du silence qui entoure la politique de l'emploi qui est manifestement sous-dimensionnée au regard de la vague qui submerge Pôle-emploi.
L'urgence serait sans doute de demander aux partenaires sociaux d'anticiper leur rendez-vous sur l'assurance-chômage pour arrêter un plan, limité certes dans le temps, mais visant à élargir ponctuellement le champ de l'indemnisation et garantir à chacun une prise en charge au titre de la formation pour absorber les conséquences sociales dramatiques de la montée du chômage que le "retour de la croissance" mettra des années à faire disparaître. Le tout complété de mesures spécifiques pour les chômeurs de longue durée, qui font cruellement défaut !
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Dans le Figaro de jeudi Éric Zemmour me fait
l'amitié d'ouvrir le débat en commentant et discutant mon livre (Une histoire
de la droite - Fayard 2013). Mais c'est aussitôt pour me dénier (c'est à dire
de manière plus générale : à la gauche) le droit de faire l'histoire de son
ancestral adversaire !
Il a certes pour cela un argument que j'évoque d'ailleurs dès mon entrée en matière : en deux siècles, la gauche ne s'est en effet pas privée d'écrire le récit d'une droite peu portée à l'inventaire et qui préfère en matière d'héritage le patrimoine à la doctrine.
Faut-il, pour autant, l'encourager dans cette tendance à l'amnésie ? Évidemment non sauf à consentir aux avantages qu'un tel trou de mémoire lui procure aujourd'hui : en passant par profits et pertes les événements du siècle écoulé auxquels elle fut mêlée, ne fait-elle l'économie de bien des moments difficiles, d'un antidreyfusisme militant à la dérive nationaliste sans parler de " la divine surprise" ou de l'ambiguïté de bien de ses responsables face à la guerre d'Algérie ?
Est-ce offenser la droite d'aujourd'hui que de lui rappeler qu'il lui fallut attendre le Général pour se réconcilier avec son temps ? Et que faire désormais de celui-ci l'inspirateur d'une "droite identitaire, nationale et sociale" relève plus de l'auto persuasion d'une droite plus désorientée que décomplexée que de la vérité doctrinale ? Imagine-t-on De Gaulle prêter en quoi que ce soit la main à cette façon qu'ont certains chaque matin de réveiller les vieilles querelles entre une France qui se réclame d'un universalisme humaniste et une autre qui revendique d'abord ses racines chrétiennes ? Ses convictions privées (et pieuses) n'influençaient en rien sa politique et les propos que lui prête Zemmour sur "Colombey les deux mosquées" sont rapportés, c'est-à-dire qu'ils n'ont jamais été tenus en public. Et c'est ce qui fait, cher Eric, toute la différence : comme d'autres De Gaulle savait faire la part de ce qui relève de l'intime et du public, distinction que Nicolas Sarkozy a, quant à lui, méthodiquement rendu évanescente.
Faire de De Gaulle enfin le "protecteur" d'une vision identitaire de la Nation, c'est oublier que son nationalisme devait plus à Barres qu'à Maurras : le premier fusionnait dans une même passion amour de la Patrie et attachement à la République alors que l'autre ne voyait dans la Nation, et le rappel de ses racines catholiques, qu'un moyen d'exclure et d'excommunier. Le Général sut ainsi "moderniser " la droite, retournant comme un gant ses vieilles passions pour les mettre au service de l'avenir, préférant l'indépendance à l'identité nationales, la réforme des Institutions à la nostalgie de l'homme fort, la participation et la sécurité sociale à la défense acharnée de la propriété, l'intervention de l'Etat au "tout marché" et, c'est vrai, l'équilibre des comptes au laisser-aller budgétaire ! Mais même sur ce dernier point, que je rends d'autant plus volontiers à Zemmour que je l'évoque explicitement dans le livre, De Gaulle a été trahi par ses héritiers. Qui donc, sinon Chirac et Sarkozy, ont mis en 10 ans nos finances publiques cul par dessus tête, multipliant déficits et endettement au point de mettre le pays dans la main des marchés financiers (le "Grand Charles" dirait : "de l'étranger" !) ?
Là se trouve la triste vérité que Zemmour ne veut pas voir : la droite ne peut se libérer de ce que le gaullisme avait de social et d'interventionniste que pour retrouver ses vieux démons, ceux de l'identité et de l'avidité, c'est à dire pour le pays, de la division et du déchirement.
Et si je l'invite à retrouver le fil de son histoire récente, ce n'est pas pour la renvoyer à la nostalgie du grand homme disparu (et dont il n'existe pas de réincarnation crédible) ni à l'alternative consistant au moins à se trouver un comptable (encore que faute d'étoiles, je préfère dans l'intérêt du Pays Poincaré à Déroulède, c'est à dire Barre à Marine ou à Copé) mais c'est pour la prémunir contre ce vice fondamental qui l'affecta plus d'un siècle durant et qu'André Sigfried dénonçait déjà en 1946 dans un article... du Figaro (eh oui, cher Éric) : Qui voudrait-être de droite, relevait-il alors se penchant sur un siècle et demi d'histoire "quand celle-ci a fait preuve d'une incompréhension constante de l'évolution moderne" ?
Alors qu'elle option lui reste-t-il aujourd'hui ? Faute d'un grand et vrai fédérateur, sa division entre ses 2 tendances historiques me semble inéluctable : d'un côté une droite libérale, financièrement rigoureuse et européenne ; de l'autre effectivement une droite nationale et identitaire. En partageant ces deux courants en trois partis (voire quatre avec le Modem) elle se prépare des moments d'autant plus difficiles qu'aucun de ses dirigeants, qu'on me pardonne, ne me semble en mesure d'exprimer la vérité de chaque branche. Tant mieux, peut-être, pour une gauche elle aussi bien mal en point. Mais tant pis surtout pour le pays qui aurait tout à gagner à retrouver les conditions d'un vrai débat droite-gauche. Qui ne sera possible, je confirme et signe, que si chacun veut bien retrouver les cadres d'analyse que l'histoire lui a crées et dont l'une comme l'autre ne peuvent s'affranchir qu'au prix de dangereuses dérives...
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S'il n'existe plus de déterminisme (et plus personne ne croit encore au sens de l'histoire), chaque parti a une hérédité. Héritier d'une histoire, il ne peut s'en détourner sans risque. Il en va ainsi à gauche...comme à droite.
Et si celle-ci n'a jamais montré beaucoup d'enthousiasme pour ses origines (on peut la comprendre )les ignorer pourrait la conduire sur une pente dangereuse.
Ainsi de la droite " décomplexée" qui a choisi de jeter par dessus bord tout ce qui mettait un frein aux passions mauvaises de l'avidité, du pessimisme culturel et de l'identité nationale.
L'entreprise consiste en rien d'autre que de donner un point d'orgue à la tentative visant depuis quatre décennies à se défaire du gaullisme et ses attributs.
C'est que pour une droite libérale et au fond atlantiste, l'idée même d'indépendance nationale devrait presque figurer au rayon des vieilleries. Sans parler de l'attachement (insupportable pour elle) que le Général portait à l'Etat, les services publics et la protection sociale.
Je publie cette semaine "Une histoire de la droite, pour ceux qui n'aiment pas ça" dont l'objet, dans cette période " barjotique", est de mieux comprendre comment la droite en est arrivée là! Et d'en appeler la gauche et la droite à ranimer le débat républicain en retrouvant leur meilleure partition. L'une et l'autre ne doivent se confondre.
Mais leur affrontement doit porter sur la meilleure manière de tirer le pays vers le haut, non de l'affaiblir ou de le déchirer. "Le printemps français", le retour de la droite dans la rue, les excès verbaux, les dérapages composent un paysage instable et dangereux qui nous rappelle que la droite peut renouer avec ses démons. Nul ne doit le souhaiter.
Encore faut-il en saisir les causes, parmi lesquelles d'ailleurs l'affadissement de la gauche, pour pouvoir y répondre utilement.
(Fayard 2013)
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Si une partie de la gauche a perdu ses repères, la droite, elle, en revient à ses démons. Ceux qui, pendant près d'un siècle et demi, l'avaient mis en marge de la République et du Pays.
En vantant une droite décomplexée, Jean-François Copé, dont l'histoire ne semble pas être la première des passions, a pris le risque d'ouvrir la boîte de Pandore, celle qu'avaient précautionneusement refermée les générations d'après-guerre autour du Général de Gaulle.
Les signes ne cessent de se multiplier : il y eut d'abord cette curieuse façon de parler de la France, en évoquant moins son indépendance que son identité, réveillant du coup la vieille passion nationaliste intolérante et exclusive, classant parmi les traîtres au pays tous ceux qui n'en partageraient pas la même définition culturelle forgée par nos racines catholiques. Du discours du Latran de Nicolas Sarkozy, en passant par la création d'un ministère de l'immigration ET de l'identité, sans parler d'une laïcité évoquée uniquement contre l'Islam, le processus est clair et inquiétant.
Il y eut ensuite l'offensive engagée contre un système de protection sociale héritée de la Résistance et de de Gaulle lui-même accusé d'encourager " l'assistanat " que ne pouvaient certes revendiquer les bénéficiaires d'un bouclier fiscal que n'eussent pas rejeté les partisans voici deux siècles " du milliard des émigrés "... L'avidité des riches et des puissants, qui coûta si souvent si cher au pays, la droite gaulliste avait pourtant cherché à s'en écarter, accumulant, parfois sous la pression de la rue ou de la situation internationale, réformes sociales sur réformes sociales au point d'avoir joué dans les années 60 le rôle tenu ailleurs en Europe par la social- démocratie.
Et puis voici que ressurgit aujourd'hui la vieille tendance insurrectionnelle, portée hier par la haine de " la Gueuse ", aujourd'hui du " massacre de civilisation " que représenterait le mariage pour les homosexuels. Retrouvant une rhétorique bien connue des Républicains, telle porte-parole promet du " sang ", suscite des manifestations illégales et n'est pas loin d'en appeler à l'émeute retrouvant l'inspiration des liguards anti-dreyfusards qui s'en prirent sans façon sur l'hippodrome d'Auteuil au bon Président Loubet !
Madame Barjot rêve ainsi de nous préparer un nouveau 6 février qui permettrait de jeter enfin à la Seine sénateurs et députés représentants légaux, certes, mais illégitimes d'une Nation violentée dans ses valeurs et du coup autorisée à se rebeller.
Le (léger) malaise de l'Ump face à ce processus, historiquement reconnaissable entre tous, interpelle. En s'associant dans la rue à un mouvement qui est en train de montrer peu a peu son vrai visage, la droite a pris le risque de renouer avec un autre de ses démons qui ne peut la conduire, comme par le passé, qu'à la faute ou à l'échec.
Il est frappant, cependant, d'observer comment, par un curieux parallélisme, droite et gauche en perdant le fil, c'est à dire la compréhension, de leur histoire s'affaiblissent et se délitent. La radicalisation de l'une comme la " démoralisation " de l'autre sont une impasse... et y conduisent le pays.
Certes, la réponse n'est pas dans l'invocation du passé. Et le " retour au gaullisme " ne pourrait offrir à la droite les moyens d'affronter efficacement l'avenir. Mais rompre avec cet héritage sans avoir cherché à en comprendre le sens ni à en faire l'inventaire l'expose (et nous avec) à des désagréments dont il serait préférable de faire l'économie.
L'UMP ne pourrait-elle, aux apprentis sorciers dépourvus de mémoire et de culture politique, préférer des hommes ou des femmes capables de renouer avec une " certaine idée de la France" ? Nous aurions tous à y gagner.
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Cahuzac après Strauss-Kahn, et alors que d'autres affaires sont en cours : tout cela ne peut plus être mis sur le compte seulement des personnes. Tout cela au contraire fait système !
Je le dis sans ambages, et d'autant plus à l'aise que je n'ai cessé de le dénoncer depuis des années : c'est la dérive clanique qui s'est emparée du parti socialiste qui a conduit presque mécaniquement à cette situation. DSK, pas plus que Cahuzac, ne sont des accidents. Leur attitude, et plus encore le sentiment d'impunité qui, manifestement, les habitait, sont la conséquence d'un processus d'oligarchisation de l'appareil dirigeant du parti : à mesure que les luttes de clan ont perdu toute dimension idéologique se sont constitués des groupes d'intérêt visant seulement à perpétuer le pouvoir et l'influence de leurs chefs, le cynisme prenant la place des convictions, le rapport de force celle de la confrontation d'idées.
La belle série de victoires remportées aux élections locales durant la dernière décennie a fait le reste, offrant mandats et emplois à des ribambelles d'alliés, clients et porte-flingues en tout genre, peu portés du coup à dénoncer des errements auxquels ils étaient indirectement associés.
Le tout a été facilité par un triple processus auquel n'échappe aucun parti mais qui s'est révélé mortel pour le PS (car le PS n'est plus ! Il lui faut désormais renaître !).
D'abord sa confiscation par une bourgeoisie d'appareil, qui a pris soin de remplacer l'intervention et le vote des adhérents par une cooptation systématique dont la désignation d'Harlem Désir à Toulouse a été la caricaturale illustration, la lâche passivité des cadres du parti à cette occasion témoignant également de l'ampleur du mal.
Mais comment ne pas voir qu'il s'agit là aussi du produit d'une professionnalisation à outrance de la vie publique qui fait que l'on devient toujours plus tôt, toujours plus jeune, dépendant, pour vivre, d'un mandat ou de celui ou celle qui l'exerce ? Loin de corriger cette déviance, la parité comme le non-cumul des mandats vont conforter cette tendance en favorisant l'ascension de clones sans jamais contribuer à un quelconque renouvellement, notamment celle INDISPENSABLE relative à l'origine sociale des dirigeants.
Ici enfin se trouve la troisième caractéristique de la déliquescence de ce que fut le parti socialiste qui a cédé à son tour à une "peopolisation" de la politique qui a conduit pour une partie de ses dirigeants à faire de la notoriété médiatique et des facilités qu'elle offre une fin en soi et développe connivences et passe-droits.
Là est le principal échec du parti socialiste : son mode de sélection des élites ne diffère en rien de celui à l'œuvre dans le reste de la société. Son mode de fonctionnement ne promeut aucune valeur propre distincte de celles qui gouvernent le reste du monde politique. Aussi est-il désormais incapable de produire en interne les anti-corps qui lui permettraient de prévenir ou de stopper l'ascension d'hommes ou de femmes dont l'attitude comme les choix de vie se situent aux antipodes de ses principes.
Tout cela est-il réversible ?
Sans doute, à la condition de changer brutalement de cap ! Puisque le mal trouve sa source dans une pratique du pouvoir et un mode de fonctionnement, il faut en changer de fond en comble pour se doter d'une nouvelle charte qui partout fasse vivre la démocratie, le libre choix des adhérents, l'influence des sympathisants; qui permette de casser les féodalités locales ; qui retire aux clans et courants le pouvoir de décider de la composition des instances; qui encourage une vraie diversité dans l'origine sociale de ses membres et de ses chefs.
Pour y réussir, j'en appelle à la formation d'une équipe de crise restreinte qui de façon autonome et indépendante de la direction du parti, travaillerait à réfléchir et mettre en place assez rapidement de nouvelles mesures propices à la rénovation du parti: une sorte de comité "des irréprochables" autour par exemple de Robert Badinter pour engager un véritable travail de refondation du PS en s'inspirant des valeurs éthiques et démocratiques qui forment son héritage le plus précieux ! A défaut, si rien ne change qu'à la marge, nous, socialistes, connaîtrons la lente agonie de tous ceux qui un jour ont refusé de voir la vérité en face et d'en tirer les conséquences.
Le regard que porte déjà sur nous une bonne partie des Français, et parmi les plus modestes, n'est-il pas déjà suffisamment douloureux à supporter ?
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A suivre journalistes et commentateurs, un ouragan se serait hier brusquement déchaîné emportant sur son passage ce qu'il restait à la politique de crédibilité !
Comment ne pas voir, pourtant, que ce brusque "coup de tabac" était annoncé en réalité par une météo civique qui n'a cessé de se dégrader depuis des mois ? Un vent mauvais soufflait déjà sous le précédent quinquennat, qui ne finit par émouvoir l'opinion que par l'accumulation des précipitations : Woerth, Bettencourt, marchés d'armement et campagne présidentielle mêlées, autant de pluies acides formées à partir de l'évaporation de toute conscience morale parmi de trop nombreux dirigeants, de l'Etat comme des partis.
Comme le réchauffement, ce dérèglement climatique va chercher un peu plus loin ses explications. Que s'est-il passé depuis un peu plus de dix ans, sinon une montée incoercible d'un cynisme insupportable dont les déclarations à l'Elysée comme au Palais Bourbon de l'ancien ministre du Budget constituent la dernière mais plus spectaculaire illustration ?
Certain(e)s, dont les ambitions légitimes, n'appellent pas de commentaires, semblent désormais incapables de comprendre qu'ils ne peuvent ni ne doivent chercher à les satisfaire sur deux fronts à la fois : celui du pouvoir et celui de l'argent. DSK n'a t il pas été victime du même syndrome, aggravé d'un besoin sans limite de domination ?
Certes, ceux-là sont-ils poussés en ce sens par une évolution de la société qui ne voit plus de succès (de vie bonne ?) que dans la fortune ostentatoire et la visibilité médiatique.
Mais le "bling-bling" ne pouvait annoncer qu'un "big bang". On ne peut pas sans cesse, même avec l'approbation du "people", moquer ainsi le simple bon sens et les exigences élémentaires de la démocratie.
Rappelons-le ici : quiconque veut aujourd'hui s'engager dans la vie publique devrait en quelque sorte renoncer du coup à " faire de l'argent " quitte à mettre de côté un talent professionnel reconnu et lucratif.
N'est-ce pas suffisant de se consacrer à l'intérêt général ? Eh bien, j'ai la faiblesse de penser que l'engagement politique a sa noblesse et que la récompense à en attendre, si elle ne peut être que limitée, incertaine et d'abord symbolique, vaut néanmoins la peine. N'est-ce rien que de s'inscrire dans la longue suite de ceux qui aidèrent la République à éclore, parfois renaître, et depuis plus de deux siècles prospérer ? N'est-ce rien que de porter la responsabilité du pays ? Que d'en avoir la charge, la garde ? N'est-ce rien que de prendre la succession de Carnot et Condorcet, de Lamartine et de Jaurès, de Clemenceau et de Mandel ? L'amour de notre vieille Nation, recluse d'épreuves, riante des gris, des marrons et des bleus de ses villages et de son ciel, du blanc de ses espérances, du rouge de ses emportements et de ses déchirements n'est-elle plus suffisante pour susciter et entretenir les vocations de servir ?? Le rôle du politique, au delà du quotidien n'est-il pas de prouver que notre France a gardé une âme ?
Aussi, la dérive observée, à droite comme â gauche, m'est-elle, comme a tant d'autres, d'autant plus douloureuse qu'elle touche aussi des socialistes, c'est à dire des hommes et des femmes héritiers d'une grande histoire, inséparable, comme l'a rappelé Christophe Prochasson dans un bel ouvrage, d'une morale forgée dans l'expérience de l'humilité, de la solidarité avec les plus modestes, et d'une philosophie censée placer l'homme avant le veau d'or.
Cette morale, comment la retrouver ? Ce qui vient de se produire ne peut conduire qu'à une prise de conscience: à la fois des dirigeants qui s'exposeraient à une telle tentation, mais aussi des militants qui devraient désormais les sommer de choisir entre ces deux carrières qui ne sont offertes qu'aux riches et aux puissants Le socialisme ne peut se réduire à un pragmatisme ! Il ne peut non plus se concevoir seulement comme une forme d'idéologie. De Jaurès à Blum, il s'est toujours voulu aussi une attitude, ce qu'Orwell appelait la décence, c'est à dire le choix de ne jamais se conduire d'une manière contradictoire avec les principes défendus. L'ultra-libéralisme a déjà pénétré nos rapports internes : la sauvagerie de la compétition interne dont a témoigné notre congrès de Reims était inadmissible. La multiplication des ambitieux sans scrupules habiles à jouer des rapports de force et des clientèles a accompagné ce processus. Le dernier pas à franchir l'a été cette dernière année : de l'affaire DSK à l'affaire Cahuzac, l'avidité, le goût de la puissance et de l'argent éclatent cette fois à l'œil nu sans pourtant que ceux qui s'y sont abandonnés se soient jamais sentis en contradiction avec leurs valeurs.
Aussi est-il urgent d'engager la lutte qui passe non par des sanctions brutales et arbitraires mais par un examen de conscience dont la droite est bien incapable. C'est à la gauche de retrouver le sens de ses principes en condamnant toutes les formes de " violence" interne : transparence absolue, respect scrupuleux des règles et des procédures, rappel des principes élémentaires d'une morale civique inséparable de l'idée socialiste. Bref, il faut en quelque sorte retrouver la foi et la faire partager. Le moment peu paraître peu propice. Il est pourtant le seul possible sauf à céder au découragement qui guette toutes celles et tous ceux qui croient encore dans la noblesse de l'engagement. Mais n'est-ce pas la démocratie elle-même qui est en cause ?
Rédigé par Gaëtan Gorce | Lien permanent | Commentaires (5) | TrackBack (0)
L'intervention du chef de l'Etat nous a si bien occupés ces derniers jours que l'on en aurait presque oublié la droite de Messieurs Fillon et Copé. Celui-ci, fidèle à sa stratégie, a pourtant cherché à se rappeler à notre bon souvenir enchaînant ces derniers jours motion de censure et conférence de presse, toutes deux censées démontrer qu'il existerait dès à présent une alternative à droite.
On comprend que le (déjà) Président de l'UMP à l'époque de Nicolas Sarkozy préfère ne pas s'attarder sur un bilan dont il est en quelque sorte aussi comptable. Et si la gauche s'est montrée bien généreuse sur cette question de "l'héritage", l'évoquant trop rarement et trop mollement, le poids de celui-ci continue pourtant à plomber nos finances publiques à un point qui devrait inciter ses responsables à la discrétion.
Pourtant, d'humeur bonhomme ce matin, à mon tour je n'en ajouterai pas sur ce terrain préférant plutôt chercher à comprendre ce que nous concocte une droite qui se veut toujours "décomplexée". Mais à l'égard de quoi ? De son bilan, on l'a vu, sans nul doute ! De ses responsabilités pour l'avenir plus encore, puisqu'elle n'hésite pas à en rajouter dans le registre "incendiaire" réservé habituellement aux extrêmes : critique de la police, du Parlement, de la justice ; appel à la démission du ministre de l'Intérieur, le répertoire des exagérations verbales semble pour ses interprètes UMP désormais inépuisable au risque de contribuer à la dégradation du débat et du climat publics... et de faire le jeu de son (pourtant) concurrent FN.
Mais cette "décomplexion" et c'est plus grave, semble d'abord vouloir s'exercer à l'égard de son histoire, comme un droit d'inventaire qui conduirait ses "chefs" actuels à faire le tri entre le bon grain et l'ivraie. Mais d'une manière curieuse : puisque c'est paradoxalement le bilan du gaullisme qui en vient ainsi à être, en quelque sorte, passé par pertes et profits, de l'idée de l'indépendance nationale à celle de la participation... Aussi serait-on fondé à se demander s'il ne s'agit pas pour les tenants de cette ligne d'un prétexte retors pour justifier une radicalisation du discours comme du programme propre à permettre un rapprochement avec l'appareil d'un FN réceptacle depuis plus de 20 ans des résidus de la vieille droite, celle que le Général avait poussée dans les replis de l'histoire, de Vichy à la guerre d'Algérie, de l'atlantisme à la "fuite en avant" européiste...
"Complexée", en quoi l'était la droite gaulliste ? Et pourquoi l'aurait-elle été ? N'était elle pas à Londres, en petit nombre c'est vrai, et dans la Résistance ? N'était-elle pas du bon côté ce triste jour d'Octobre 61 où la sédition était aux portes de la République. Déchiré ce soir là Debré, sans doute ! Mais c'est sans complexe qu'il fit le choix du droit ! Complexé, Pompidou de réouvrir la Sorbonne ou de négocier le premier Grenelle ? Complexé de Gaulle, devant Tito, Staline, Mao ou Eisenhower ? Et Mandel devant ses bourreaux ? Allons plus loin encore et demandons-nous si c'est sous le poids d'un complexe que Maurras consentit à la "divine surprise" de Juillet 40 ou Gallifet à l'écrasement de la Commune ? Ces hommes-là savaient ce qu'ils voulaient et n'en démordaient point jusqu'à ce que l'histoire, tragique ou railleuse, écrive leur destin.
Dès lors, comment ne pas voir dans cette droite décomplexée moins une volonté de se libérer d'un héritage qu'une incapacité à l'assumer ? Plus d'une fois, la droite a été vaincue. Plus d'une fois surtout, elle fit les mauvais choix. Du Roi contre la Nation, de l'Eglise contre la libre conscience, de Rome contre la République, de la raison d'Etat et de Boulanger contre Dreyfus et la vérité, de la guerre quand il fallait la paix, de la paix ensuite quand il fallut la guerre, de la résignation à Munich puis à Montoire contre le sursaut à Londres et à Lyon, capitale de la Résistance, puis du sursaut à Alger contre la légalité à Paris... André Siegfried n'écrivait pas autre chose voici 67 ans dans un éditorial du Figaro : qui voudrait-être de droite, relevait-il alors se penchant sur un siècle et demi d'histoire "quand celle-ci a fait preuve d'une incompréhension constante de l'évolution moderne" ?
Il n'est pourtant pas de sensibilité politique qui ne s'appuie sur une tradition. Celle de la droite est à la fois contre-révolutionnaire et libérale, par certains aspects, démocratique et aussi par d'autres autoritaire, articulée en somme sur une idée de l'histoire, de l'économie et de l'Etat. Seul de Gaulle sut en faire une synthèse moderne et renouvelée...
Faute de pouvoir s'y retrouver, la droite décomplexée ne fait (au contraire d'un exemple qui devrait pourtant l'inspirer) que le choix de la plus grande pente, celle d'une droite identitaire qui en voulant, sans l'avouer, se réconcilier avec Maurras et Pinay risque au final de se couper des héritiers de Guizot...et de Simone Veil.
Rédigé par Gaëtan Gorce | Lien permanent | Commentaires (2) | TrackBack (0)
Dans un contexte politique et économique difficile, l'intervention du Président de la République était importante.
Fidèle à sa démarche, et sans nier l'importance des difficultés auxquelles le pays est confronté, il n'a pas souhaité insister sur le caractère exceptionnellement grave de la situation qui seule peut justifier l'ampleur des efforts demandés à tous. Ce que je regrette.
En revanche, le Président a témoigné d'un sang-froid, d'une mesure, d'un souci sincère des Français, qui ont cruellement manqué a son prédécesseur. Il a su montrer combien il était pénétré de sa tâche et qu'il était pleinement entré dans sa fonction. Ce que je salue.
On peut discuter de l'orientation qu'il a prise, certainement pas de sa volonté ni de sa capacité à la mener à bien !
Rédigé par Gaëtan Gorce | Lien permanent | Commentaires (4) | TrackBack (0)
" C'est parce que j'aime profondément et passionnément la France que je vous dis aujourd'hui qu'il n'y a pas d'autre chemin que celui de l'effort."
Mes chers compatriotes,
La vérité aujourd'hui s'impose à nous !
Voici près d'un an, j'ai pris devant vous un nombre raisonnable et déterminé d'engagements.
D'ores et déjà plusieurs ont été réalisés qui ont contribué, en apportant plus de justice, à apaiser et à réunir une France que j'ai trouvée à mon arrivée, divisée, souvent angoissée, parfois déchirée.
Comme je m'y étais engagé, l'âge de départ en retraite a été ramené à 60 ans pour ceux qui ont commencé à travailler tôt et dans des métiers éprouvants.
Comme je m'y étais engagé, les avantages fiscaux indus accordés aux plus riches ont été supprimés. Des emplois nouveaux ont été crées pour l'école, pendant que les moyens de la police et de la justice étaient réévalués. L'allocation de rentrée scolaire a été augmentée. Comme je m'y étais engagé, de nouveaux outils, emplois d'avenir et contrats de génération, ont été mis en place pour endiguer le chômage des jeunes.
Le dialogue social a été relancé et la compétitivité de nos entreprises dopée via un mécanisme innovant de crédit d'impôt.
Enfin, comme je m'y étais engagé, des réformes de société importantes ont été impulsées qui vont faire reculer les discriminations tandis que le gouvernement était composé à l'image de la France d'aujourd'hui, et d'abord en respectant pour la première fois une stricte et désormais irréversible parité !
Tout cela, qui a été accompli au cours des dix derniers mois, témoigne que le changement s'est mis en route !
Mais parmi les engagements que j'ai pris devant vous, d'autres, c'est vrai, se heurtent, pour se concrétiser, à des difficultés majeures.
Ces difficultés sont liées, vous le savez, à la gravité de la crise que notre pays doit affronter, au même titre que l'ensemble de nos voisins européens.
Je sais combien cette crise, qui dure maintenant depuis plus de quatre ans, vous inquiète. Vous vous demandez s'il s'agira seulement d'un mauvais moment à passer ou bien au contraire d'une remise en question susceptible d'affecter en profondeur notre capacité à conserver nos entreprises, nos emplois, nos industries, en un mot notre mode de vie !
Au cours de l'année qui vient de s'écouler, je me suis battu pour convaincre nos partenaires européens de redonner sa chance à la croissance.
J'ai obtenu, en votre nom, une réforme du système bancaire désormais mieux contrôlé à l'échelle de la zone euro tout entière, un renforcement des mécanismes de solidarité pour empêcher la résurgence d'une crise financière comme celle que nous avons connue, un programme de soutien à l'investissement.
Mais, à l'évidence, et chacun de vous l'a bien compris, cela ne peut suffire à inverser la tendance !
Eh bien, je ne suis pas d'un tempérament à me résigner !
Pas plus que vous, je ne consentirai à voir notre pays s'affaiblir et le découragement s'installer dans les cœurs comme dans les esprits.
Mais la volonté, pour s'imposer, se doit d'être lucide !
Autour de nous, de nouvelles puissances couplées à de nouvelles ambitions émergent et s'affirment avec force. Des pays-continents jouent de leur puissance et cherchent à imposer leur influence. L'Asie tout entière s'est mise en mouvement. L'Afrique s'éveille à son tour. L'ouverture au progrès de ces nouveaux horizons constitue une chance pour des peuples restés si longtemps en marge de la paix et de la prospérité.
Mais aussi pour nous-mêmes si nous décidons de relever le défi et de re-inventer notre avenir.
Un monde est en train de mourir et un autre en train de naître. Mais parce qu'il n'y a aucune fatalité, ce monde sera ce que nous en ferons ! Et la France (comme l'Europe) y occupera la place pour laquelle elle aura choisi de se battre !
Notre pays n'a-t-il pas toujours su trouver, en particulier pour traverser les moments les plus douloureux de son histoire, l'énergie de se redresser ?
Que voulons-nous ? Une économie forte, des emplois solides et sûrs, un modèle social juste et solidaire, une planète en paix, un monde, enfin, concerné et actif face aux enjeux du réchauffement climatique.
La paix, la justice, la prospérité, la préservation de l'avenir, c'est le message que la France a toujours su et voulu porter.
Cette grande et belle voix, la France ne pourra de nouveau la faire pleinement entendre qu'une fois réglées les dettes du passé.
Au cours de la dernière décennie, celles-ci ont encore empiré. Les déficits comme l'endettement publics ont explosé, entrainant notre pays dans la spirale de la stagnation et du chômage.
Au cours de la dernière décennie, nos emplois comme la valeur créés par nos industries ont diminué de moitié. Quel pays au monde, aussi riche et puissant soit-il pourrait supporter une telle dégradation de son rang, une telle réduction de son potentiel de richesse, sans réagir ?
Aussi nous revient-il cette tâche, douloureuse mais noble, de faire ce que ceux qui nous ont précédés n'ont pas eu le courage d'entreprendre.
Mon devoir est de vous dire que nous ne pouvons plus différer les mesures de redressement sans lesquelles c'est l'avenir de nos entreprises, de nos emplois, de nos valeurs morales même, qui serait obéré. Pas plus que vous, je ne peux accepter que notre jeunesse soit privée d'espérance. Pas plus que vous, je ne veux accepter que celles et ceux qui travaillent voient s'éloigner la juste récompense de leurs efforts et que s'affaiblissent dans les esprits, les sentiments de justice et de solidarité. Mais il n'est qu'un moyen pour redonner à notre pays un élan et une force, c'est de regarder la vérité en face !
Et c'est parce que j'aime profondément et passionnément la France que je vous dis aujourd'hui qu'il n'y a pas d'autre chemin que celui de l'effort.
Et c'est parce que je connais l'étendue de nos ressources et de nos savoirs-faire, parce que je crois dans votre talent, votre énergie, votre patriotisme, que je vous dis que ce chemin sera vite parcouru et qu'en quelques années nous aurons su recouvrer nos forces et ouvrir au pays de nouvelles perspectives.
Quelle tâche nous attend ?
D'abord poursuivre le rétablissement de nos comptes publics qui, hors les effets de la crise, se sont en dix ans, dégradés de plus de 60 milliards d'euros. Les efforts consentis l'an passé, nous ont déjà permis de réduire nos déficits de près d'un point de PIB. De nouveaux sacrifices sont cependant nécessaires. Ainsi allons-nous devoir engager une réforme des retraites trop souvent annoncée par le passé mais jamais complètement réalisée au point qu'il manquera à nos régimes plus de 20 mds € pour être entièrement financées. Parce que cette reforme devra être marquée au sceau de la solidarité et de la justice, je veux qu'à son issue chaque € cotisé crée exactement les mêmes droits à pension sous réserve naturellement des situations créées par le chômage ou les aléas de la vie. Ainsi les avantages particuliers accumulés par certaines professions à travers l'histoire de régimes segmentés seront gelés ou supprimés. Non parce qu'ils seraient devenus illégitimes mais pour cette simple raison que nous ne pouvons plus, pour l'instant, nous les permettre.
De même, procéderons-nous à une révision en profondeur de nos politiques de santé pour corriger cette situation qui fait que nous dépensons plus pour notre santé que la plupart des pays comparables sans obtenir de meilleurs résultats !
Dans le même esprit, je veux que les allocations familiales soient désormais placées sous condition de ressources et qu'une réforme fiscale soit préparée pour rétablir partout la progressivité de l'impôt, dont nous nous sommes éloignés ces dernières années, et pour restituer de cette manière du pouvoir d'achat à celles et ceux d'entre nous qui disposent des revenus les moins élevés. Enfin, l'Etat continuera d'améliorer son organisation et son efficacité et dégagera les économies exigées par la situation.
Tout cela, nous l'accomplirons pour nous ouvrir pour demain de nouvelles perspectives !
Préparer l'avenir en relançant l'investissement productif constituera ainsi ma deuxième priorité. Ni l'Etat, ni nos entreprises n'ont aujourd'hui les moyens de relancer l'activité en donnant un coup de pouce à la consommation. Pourtant, nous ne pouvons laisser stagner notre économie et vieillir nos équipements. C'est pourquoi je vous demande de souscrire à un grand emprunt national qui devra nous permettre de recueillir et d'orienter vers l'innovation, la recherche et la modernisation de nos infrastructures l'équivalent des 20 milliards d'euros déjà consacrés à l'amélioration de notre compétitivité via le crédit d'impôt . Plutôt que de recourir à des impôts supplémentaires, je veux faire appel à l'Epargne, c'est à dire au patriotisme de toutes celles et tous ceux qui veulent être utiles à leur pays !
Pour être pleinement efficace, cet emprunt, dont les conditions seront précisées par le gouvernement, sera levé dès le prochain trimestre et les premiers financements affectés avant la fin de cette année. Je suis persuadé que toutes celles et tous ceux d'entre vous qui le peuvent se feront un devoir d'apporter ainsi volontairement leur contribution au relèvement du pays.
Mes chers compatriotes,
C'est parce que je refuse la résignation que j'en appelle à la mobilisation de toutes et tous. L'effort, auquel je vous invite, est certes d'autant plus douloureux qu'il vient s'ajouter aux délicats problèmes auxquels vous avez à faire face au quotidien et que je n'ignore pas .
Mais cet effort volontaire, solidaire, est le moyen par lequel, parvenant à nous relever, nous retrouverons bientôt la pleine maîtrise de notre avenir. C'est par cet effort aujourd'hui que nous rendrons possible demain le changement sans lequel notre modèle de civilisation ne survivra pas.
Plus forts et plus sûrs de nous-mêmes, nous pourrons alors nous tourner vers l'Europe et la convaincre d'assumer sa place dans le monde et une pleine solidarité sur notre vieux continent !
Plus pénétrés que jamais des vertus de notre histoire, nous pourrons prendre le monde à témoin de l'absolue nécessité de faire reculer la faim, la pauvreté et de mettre en œuvre les moyens de prévenir la catastrophe écologique qui menace notre planète !
Plus convaincus encore de la pertinence de nos valeurs, nous pourrons ouvrir le chemin aux changements majeurs qui nous permettront, dans la justice d'assurer l'avenir et la durabilité de notre système social !
L'ultra-libéralisme qui a servi de viatique à tant de gouvernements en mal d'imagination, à tant de leaders en panne d'inspiration nous a montré voici 4 ans ses limites. En nous précipitant dans la plus grave crise qu'ait connu le monde depuis le seconde guerre mondiale, il a ouvert la voie à une indispensable alternative. C'est cette alternative qu'il appartient désormais à nos peuples de construire en nous appuyant sur les acquis de notre expérience.
A la Libération, les hommes et les femmes qui avaient combattu nous ont légués l'ambition d'une société fondée sur la solidarité, la liberté et la justice. Ils ont su alors se doter des moyens de faire de leur idéal une réalité pour tous. C'est ce même défi que notre génération, en France et en Europe, doit aujourd'hui relever. En choisissant le chemin du redressement, économique et moral, c'est ce que je vous vous invite à entreprendre et à réussir.
Rédigé par Gaëtan Gorce | Lien permanent | Commentaires (6) | TrackBack (0)