L'ensemble des amendements déposés soit par la Commission des lois, soit à titre personnel, ont été adoptés cet après-midi par le Sénat !
Le texte passera donc en Commission Mixte Paritaire mercredi 18 janvier.
Monsieur le Président, Madame la Ministre, Monsieur le Président de la Commission des Lois, Mes Chers Collègues,
La démocratie a un coût, mais elle n’a pas de prix !
A cent jours de la prochaine élection présidentielle, ce principe doit être rappelé avec d’autant plus de force que le gouvernement nous a saisi d’un texte qui semble vouloir s’en affranchir.
L’on est en droit en effet de s’interroger sur l’opportunité d’un projet dont l’objet – et peut-être l’effet – sera de faire économiser à l’Etat 3,7 millions d’euros sur une dépense totale de plus de 240 millions d’euros. Le scepticisme est d’autant plus d’actualité que cette économie virtuelle repose sur l’hypothèse invérifiable aujourd'hui d’un scénario électoral identique à celui de 2007, à savoir 4 candidats dépassant le seuil des 5% et 8 autres s’échelonnant entre 0 et 5%. Comment enfin justifier de modifier le plafond des dépenses autorisées et le montant des remboursements publics alors que le processus électoral est, du point de vue comptable, engagé depuis près de 9 mois, c’est-à-dire que les 3/4 de celui-ci ont déjà été accompli ?
Vous me permettrez de penser que le législateur devrait plutôt se préoccuper de garantir à nos concitoyens une campagne propre, car enfin à quoi cela sert-il d’abaisser les plafonds si ceux-ci ne sont pas respectés, comme plusieurs enquêtes en cours nous le suggèrent fortement, et si les règles de financement sont contournées ?
Aussi ce texte, qui s'inscrit dans le plan de rigueur présenté par le gouvernement à l’automne et qui n’est que la transposition de dispositions déjà rendues applicables aux autres élections par la dernière loi de finances, n’est-il acceptable que s’il est amendé dans le sens d’une clarification des obligations des candidats, avant que d’autres réformes plus ambitieuses ne viennent réformer un système au total peu satisfaisant.
C’est en tout cas l’esprit dans lequel s’est placé votre Commission dont je veux rappeler le raisonnement et la logique ! La difficulté tient dans ce constat simple : pour être candidat à la présidentielle, il suffit, dès lors que l’on dispose des parrainages, de se déclarer en mars, alors que les dépenses que vous engagez pour soutenir cette candidature doivent être retracées depuis le mois d’avril précédent. L’ouverture de votre campagne étant le plus souvent postérieure à la date à partir de laquelle vos dépenses doivent être imputées, à savoir le 1er avril de l’année précédant l’élection, il vous appartient de justifier de celles-ci bien après qu’elles aient été engagées.
Il en résulte, en particulier pour le Président sortant s’il se représente, une inévitable confusion sur la nature des initiatives qu’il prend, des déplacements qu’il effectue, des discours qu’il prononce.
D’où la nécessité, à titre préventif, de rappeler clairement que les dépenses engagées dans les douze mois qui précédent le scrutin sont présumées avoir un caractère électoral et que tout titulaire d’un mandat public doit s’abstenir de faire usage des moyens qu’il lui confère à des fins électorales.
C’est le sens des deux amendements qu’a adoptés votre Commission et qui constituent un rappel utile adressé aux candidats qu’il existe une déontologie électorale, une éthique incontournable, surtout au moment où nos citoyens doutent de leurs dirigeants politiques. J’ai la faiblesse en effet de penser qu’ils sont plus choqués d’apprendre que des millions d’euros ont transité par des comptes secrets que de savoir qu’une campagne présidentielle coûte au total à l’Etat en remboursement 41, 42 ou 43 M€ !
Mais la logique voudrait d’aller plus loin encore et c’est le sens des amendements que je me suis permis de déposer à titre personnel.
Comme je viens de le rappeler, les dépenses électorales sont souvent engagées avant d’être imputées à un compte et les candidats ne disposent d’aucune indication sur leur légalité et leur imputabilité autre que ce que leur dit succinctement la loi que nous suggérons de compléter. Et ils ne disposent d’aucun moyen de prévenir d’éventuelles irrégularités puisque ni le Conseil constitutionnel, juge en dernier ressort, ni la commission des comptes ne peuvent être saisis "a priori ". Ainsi l’avis rendu par la CNCCFP sur les déplacements présidentiels n’a-t-il aucune valeur juridique et pourrait parfaitement être contredit ultérieurement par celle-ci ou par le juge de l’élection.
Aussi conviendrait-il, afin de permettre l’émergence de règles jurisprudentielles en amont, soit de permettre la saisine du Conseil Constitutionnel en cours de campagne, soit d’élargir à tout candidat la possibilité de contester les comptes de ses adversaires une fois le résultat acquis. Je rappelle que l’élection étant validée bien avant que les comptes ne soient examinés, cela n’aurait pas d’incidence sur l’issue du scrutin mais permettrait en revanche de dégager un cadre juridique rendant ces questions plus claires et rendant les polémiques répétées sur ces sujets désormais sans objet.
Je me suis permis d’ajouter à ces propositions un amendement destiné à ouvrir un débat nécessaire sur le mode de remboursement des dépenses électorales à l’occasion des présidentielles. Jusqu’à présent, le montant remboursé est fonction à la fois d’un plafond et d’un seuil. Le seuil est celui des 5%. Au-delà, vous êtes pris en charge à hauteur de 50% du plafond ; en-deçà à hauteur de 5% (je précise que le projet que nous examinons ramène ces taux à 47,5 et 4,75% respectivement). Une décimale de différence peut donc faire passer votre dotation de 8M€ environ a 800.000 €, soit de un à dix. Est-ce juste ? D’autant que ce mécanisme ne permet pas à l’Etat de maitriser sa dépense, celle-ci variant en fonction du nombre de candidats ayant franchi le seuil fatidique.
D’où l’idée simple de fixer le montant remboursé en proportion du nombre de voix obtenues, en appliquant à la somme allouée un quotient correspondant au nombre de votants et en le rapportant aux suffrages obtenus par chaque candidat. Ce système, qui serait calculé sur la base du premier tour (les candidats au second bénéficiant d’une prime forfaitaire) favoriserait les grands candidats et tangenterait les 5% au détriment des candidats les plus modestes (moins de 2%) ou les plus moyens (entre 6 et 10%).
J’invite notre assemblée à y réfléchir !
Au total, n’avions nous pas d’autre priorités à satisfaire que celles-ci ? Ce projet était-il bien utile ? Certes pas dans sa rédaction initiale ! Mais celle que vous présente votre Commission me parait de nature à constituer un progrès et à ouvrir une réflexion indispensable à l’avenir de notre démocratie !