De l'utilité de mener
combat pour les Droits de l'Homme...
La question des
Droits de l'Homme est probablement l'une des plus difficiles que
puisse traiter un responsable politique. La violation de ceux-ci,
suscite immédiatement un haut-le-coeur, une indignation nécessaire,
et une immédiate envie d'agir. Surtout, lorsque l'on appartient à
une Assemblée, qui, la première, le 26 août 1789, sût en faire un
étendard.
Mais se pose aussitôt
une question plus angoissante : comment agir utilement? La
protestation suffit-elle? Faut-il faire le choix au contraire de
composer, d'avancer par étape? La voie est étroite entre le coup de
colère et le coup de pub...
Deux dossiers
viennent de nous fournir l'exemple qu'il ne faut en tout cas jamais
renoncer! Sans être sûr pour autant du résultat...
Voici quinze jours,
l'Assemblée nationale adoptait à l'unanimité une résolution
demandant au gouvernement français de ne pas baisser les bras sur
l'affaire de la disparition d'Ibni Oumar Mahamat Saleh. Progrès
modeste me direz-vous, mais considérable si l'on se réfère au
silence épais qui entourait nos différentes initiatives, celles de
la famille, des ONG, comme de mon action à l'Assemblée, depuis deux
ans. Nous disposons désormais d'un texte pour faire levier.
La
Commission des Affaires étrangères quant à elle vient d'adopter*
un projet de loi autorisant la ratification d'un accord de
coopération avec le Turkménistan en précisant cependant qu'elle
refusait que cet accord soit inscrit à l'ordre du jour de la séance
tant que n'auraient pas été libérés deux collaborateurs turkmènes
de France télévisions, incarcérés dans des conditions
épouvantables, depuis la diffusion d'un reportage d'Envoyé
spécial sur l'impitoyable dictature qui règne dans ce
pays.
Qui connait le Turkménistan? Six millions d'habitants au milieu
du désert, d'énormes réserves de gaz naturel et l'héritage laissé
par la chute de l'URSS : pouvoir autoritaire, culte de la
personnalité, emprisonnement arbitraire, torture, corruption...
Que
faire? Refuser tout contact? Et c'est le conforter dans sa politique
d'autarcie... Coopérer? Et c'est lui donner un argument de
respectabilité à usage interne! Alors, plutôt avancer par étapes !
Offrir le dialogue, et demander des premiers gestes qui en
appelleront d'autres, comme par exemple la libération de ces deux
victimes de la plus élémentaire liberté d'expression.
Pas plus
qu'Ibni Oumar Mahamat Saleh, il ne faut plus qu'on oublie les noms de
Khadjief et Amanklytchev. Parce que faire reculer d'un pouce le
cynisme et l'arbitraire, sans céder aux facilités de l'impuissante
protestation, c'est faire avancer d'un pas la cause des Droits de
l'Homme.
Gaëtan Gorce
* sur la base d'un rapport
que j'avais présenté