Le discours de François Fillon, ce mercredi, à l’Assemblée nationale comporte autant de motifs d’inquiétude que de satisfaction. Ce sont d’ailleurs très exactement les mêmes.
En premier lieu, pour tous ceux qui auront cru (j’en faisais partie) que l’occasion était peut-être donnée au Chef du gouvernement de réaffirmer son autorité sur la majorité et sur l’orientation à donner au pays, la déception est grande. Le Premier ministre a tout benoitement remis ses pas dans ceux de son prédécesseur et n’a rien dit qui puisse laisser penser qu’il aurait l’intention de profiter du rapport de force qu’il avait pourtant su créer.
C’est sans doute dommageable pour la droite, dans la mesure où, il ne fait aucun doute que compte tenu des difficultés que rencontre Nicolas Sarkozy dans l’opinion, il eut été préférable pour lui de pouvoir s’appuyer plus directement, plus ouvertement, sur son Premier ministre comme sur le nouveau chef de l’UMP.
Il n’en sera rien ! C’est donc pour la Gauche un motif de se réjouir dans la mesure où, rien ne changeant, l’on ne voit pas très bien comment un tel attelage pourrait mieux convaincre les Français qu’il n’a su le faire jusqu’à présent !
Le second motif, d’inquiétude et de satisfaction porte sur la politique annoncée par le Premier ministre ou plus exactement sur l’absence de politique.S’il a employé les mots de courage, de solidarité, de souveraineté même du pays face aux difficultés qu’il doit surmonter, il n’a jamais indiqué par quel moyen il entendait garantir que ces principes fussent mis en œuvre.
Si l’on s’en tient aujourd’hui à la question centrale de l’équilibre de nos comptes publics, il n’a présenté aucun début de commencement de solution. Il en a écarté certaines, se refusant à nouveau à toute hausse d’impôt, piétinant lui-même sa crédibilité en la matière. Qui peut croire qu’il sera possible de faire face aux besoins de financement de nos comptes publics qui sont de l’ordre de 100 milliards d’euros par an, par la seule réduction des dépenses ?Et qui peut croire que cette réduction des dépenses, si elle devait porter exclusivement dans le domaine social ne serait pas rejetée ou, en tout cas, aussitôt électoralement sanctionnée par l’opinion ?
Le Premier ministre a donc pris une posture, celle de la rigueur, mais pour s’en exonérer aussitôt en évitant de s’imposer aucune des obligations qui auraient dû en découler. J’ai déjà eu l’occasion de l’écrire, il y a pire que de manquer de courage : c’est de faire croire que l’on en a !
La gauche, par conséquent, doit, et c’est l’élément qui me réjouit (ce ne sera peut-être pas le cas pour tous mes amis du Parti socialiste), proposer un programme qui permette à la fois de soutenir l’activité économique, tout en permettant de réduire progressivement nos déficits et notre endettement. Comment faire?
La première réponse réside, évidemment, dans la prise en compte lucide et déterminée de la réalité, c'est-à-dire, dans la volonté qui doit être constamment la nôtre, de refuser toute forme de démagogie, c'est-à-dire toute proposition de dépenses nouvelles dont nous ne pourrions pas assurer la prise en charge. Nous avons à effectuer un travail de pédagogie à l’intention de nos concitoyens qui jusqu’à présent n’a même pas été entamé.
Ensuite, rappeler que ce travail a pour objet de sauver le système de protection sociale qui bénéficie d’abord aux plus modestes. Et que pour y parvenir nous ne pourrons pas échapper à une véritable réforme de ces systèmes tant s’agissant de la santé que des retraites. On a vu que sur ce dernier point, le Gouvernement était, une fois de plus, resté au milieu du gué. Aussi, faudra-t-il trouver pour cela de nouvelles recettes.
La rigueur juste ; c’est s’attaquer d’abord aux privilèges fiscaux, supprimer le bouclier fiscal ; créer une tranche supérieure surtaxée de l’impôt sur le revenu. C’est aussi s’attaquer aux avantages qui ne sont plus dans les moyens de la Collectivité, comme la fiscalité qui s’applique spécifiquement aux retraités les plus élevées ; fiscaliser enfin en totalité la prise en charge de notre système de santé.
A ce stade, et compte tenu des limites qui s’imposent naturellement à l’augmentation des cotisations sociales, pour ne pas nuire à la compétitivité des entreprises, une seule solution semble envisageable, celle qui consiste à taxer le seul élément qui reste dynamique dans ce pays, à savoir la consommation. Il faudra évidemment y ajouter une taxation plus forte du capital qui reste aujourd’hui très largement sous fiscalisé au regard de l’imposition du travail. Il faudra enfin, engager une réduction des dépenses de l’Etat, non pas des dépenses sociales, mais des autres dépenses publiques, en préservant naturellement tout ce qui touche à l’éducation et à l’université.
Tel est l’effort de rigueur qu’il faudra accomplir, en prenant soin de ne pas pénaliser l’investissement. A cet égard, les réductions de ressources imposées aux Collectivités locales ne vont pas dans le bon sens puisque celles-ci représentent les trois quart de l’investissement public. De la même manière, l’investissement privé doit être encouragé par des mesures simples, comme la réduction de la durée d’amortissement. Enfin, la Banque centrale européenne pourrait être invitée à procéder plus largement à des achats de Titres d’Etat de manière à distribuer des liquidités susceptibles de soutenir l’activité. Encore faudrait-il évidemment, que ces initiatives soient acceptées par l’ensemble des Etats membres de la zone euro et soient coordonnées avec celles menées par la Banque fédérale américaine afin d’éviter une déstabilisation du système monétaire international dans son ensemble.
Dernier aspect à envisager : soutenir évidemment le revenu de ceux qui dépensent le plus, qui sont ceux qui ont le moins. Cela veut dire une revalorisation des minimas sociaux et le développement des aides à la personne qui présentent l’avantage de favoriser la dépense intérieure.
Telle serait une rigueur juste, puisque aux efforts demandés aux uns, s’associeraient les efforts demandés aux autres.Voilà le chemin qu’il serait souhaitable d’accomplir. La gauche en aura-t-elle le courage ? C’est le pays qui en aura besoin dans la mesure où nous ne pouvons plus continuer à vivre à crédit comme nous le faisons aujourd’hui. Dans la mesure aussi où la compétition qui nous est désormais imposée par des puissances émergentes qui ont le droit de s’installer autour de la table de la croissance mondiale ne cessera de s’accentuer. Préserver notre souveraineté, garantir à l’intérieur de nos territoires la solidarité suppose de s’en donner les moyens qui s’appellent : rigueur et justice !