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Téléchargement Lettre du Sénateur n°5
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Rédigé par Gaëtan Gorce | Lien permanent | Commentaires (0) | TrackBack (0)
« Mieux vaut en rire qu'en pleurer ! » : à suivre l'adage, la Gauche devrait se réjouir de voir les protagonistes du « drame » qui se joue à l'UMP s'adresser l'un à l'autre des invectives qu'on croirait concoctées par le camp d'en face. Mais peut-être cette rixe, dérisoire et accablante, doit-elle être aussi matière à réflexion ?
Comment ne pas y voir, tout d'abord, une nouvelle preuve de l'incapacité des partis à intégrer leur nouvelle mission ? Celle qu'attend d'eux une opinion de plus en plus rétive à l'opacité des procédures et des débats. Le citoyen, de droite comme de gauche, veut désormais savoir pourquoi et sur quels critères sont opérés les choix qui aboutissent à telle ou telle désignation ou décision. Ségolène Royal l'avait bien compris qui avait fait de cette exigence de participation la clef de son projet. Voici donc nos partis invités à ouvrir le rideau sur leurs pratiques. Qui se révèlent, du PS à l’UMP, fort peu ragoûtantes ! Et pour cause, ayant été conçues non pour être montrées, mais pour permettre de réguler dans le secret des appareils les intemporelles questions de pouvoir et de majorité.
Après le désastre de Reims, la crise au sein de l'UMP nous apporte à son tour la démonstration qu'il ne suffit pas d'injecter un peu de démocratie pour que les choses changent : le recours au vote militant au sein de structures habituées à pondérer les influences et les résultats en fonction de critères propres à la bureaucratie interne, a débouché, dans les deux cas, sur un clash « culturel » et politique. Choisir de braquer les projecteurs sur l'avant-scène suppose que celle-ci ait été préalablement débarrassée, nettoyée des détritus et vieux papiers accumulés dans l'ancien temps. Autrement dit, que la démocratisation et la transparence ne répondent pas à un simple effet de mode mais s'inscrivent dans un changement plus global de l'idée que l'on se fait aujourd'hui d'un parti : « une révolution copernicienne » nous dirait Pierre Moscovici ! Or ce changement, aucun des hommes, ou des femmes, aux manettes au sein du PS ou de l’UMP, n'a envie de l’entreprendre. Parce qu'il menacerait, saperait même, les bases de son pouvoir. D'où le caractère irréaliste et quasi-suicidaire des situations politiques que provoque cette contradiction.
La vraie réponse ne pourrait venir que d'une transformation radicale des formations politiques autour de l'idée de l'intervention citoyenne non plus traitée comme une contrainte nouvelle mais comme une opportunité. De cette boite à outil pourrait ainsi émerger l'idée de primaires ouvertes, à la condition de ne pas les laisser, comme au PS, sans suite... Mais d'autres bouleversements devraient suivre qui conduiraient à redéfinir la place du militant, à affaiblir le rôle des apparatchiks et à rendre au débat d'idées sa vraie dimension. J'y reviendrai !
L'autre commentaire qui s'impose aujourd'hui est suscité par l'attitude adoptée par Jean-François Copé, qui a choisi de ne rien lâcher. Folie égocentrique ou choix stratégique ? Son entêtement interroge. Aussi ne peut-on s'empêcher d'examiner une hypothèse : n'est-il pas en train d’effectuer, à sa manière inimitable, d'arrogance et de brusquerie, la même opération que Chirac en 1976, lors de la création du RPR ? Et de pousser consciencieusement vers la sortie tous ceux dont les pratiques, et les idées, relèvent de la vieille droite, notabiliaire et compassée que Fillon est supposé incarner ? Son calcul serait alors le suivant : il n'y a place sur l'échiquier politique à droite que pour deux partis, l'un du centre-droit libéral, « bourgeois » et européen ; l'autre national, social et populaire. L'UMP, en se situant entre les deux ne pourra survivre. Pourquoi des lors ne pas tenter sur l'électorat d'extrême-droite l'OPA que le FN espère opérer avant lui sur celui de l'UMP ? Ce que celle-ci ne pourra réussir qu'à la condition d'avoir à sa tête un vrai chef capable de s'adresser, sans ciller, à l'opinion, sans constamment se faire rappeler à l'ordre par des « consciences » ou des bonnes âmes protégées par leur statut.
Au final, on le voit, deux options, qui toutes deux conduisent à la fin des partis tels que nous les connaissons : d'un côté, une vraie démocratie participative, renouvelant les modalités de l'expression politique, de l'autre une forme de populisme partisan, cassant lui aussi les intermédiaires, inspirée de la vieille tentation charismatique... À suivre, nécessairement !
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Dimanche sanglant à l'UMP
Il y a, comme cela, des week-ends politiques qu'on se réjouit d'avoir zappés. Pourtant n'y avait-il pas matière à espérer ? À la fin d'une semaine marquée par les déclarations du Président de la République sur « sa » manière de sortir de la crise, la réunion du premier parti de la majorité et l'élection du Président du premier parti de l'opposition semblaient riches de promesses. Eh bien, ce fut langue de bois contre langue de p..., vague proclamation de principes contre rogues proclamations de résultats ! Faut-il s'en étonner ? Nos grands partis sont encore à l'heure d'hier ! Imaginez le cadre de l'UMP, habitué à produire les résultats que son chef attend de lui, soumis à l'injonction contradictoire de deux aspirants au pouvoir ! Le choc culturel est trop brutal. Pas plus que le PS hier, l'UMP aujourd'hui n'est préparée à la libre participation, expression, consultation de ses membres. Ces vieux partis n'ont pas été conçus pour cela mais pour fabriquer une cohésion autour d'une ligne politique. Et les voilà appelés à gérer en permanence des chocs d'égos... Trop techno, trop corpo, les vieux partis se sont éloignés de la politique, tout comme des dirigeants trop perso, trop macho, trop mégalo! Allez, à voir la tête, hier soir, de Copé et Fillon, noirs de haine, verts de rage, je préfère sans nul doute les sourires de Martine et Ségolène. Mais c'est très subjectif et sans nostalgie. En fait, je n'envisage pas de passer mon prochain week-end (politique) avec le quelconque de ces deux couples là…
Samedi gris à la Mutualité
Les week-ends, comme le roi de Giono, peuvent parfois manquer de divertissement. Et ce n'était pas du côté de la Mutualité, qu'en ce triste samedi d’automne, il fallait compter le trouver. Pourtant étaient là rassemblés le ban et l'arrière-ban (moins couru) du Parti socialiste. Pas un premier secrétaire de fédération, de responsable ou de sous-responsable de courants, qui n'ait fait le déplacement rituel. Le parti, après une palinodie de vote et des semaines de faux-débat qui l'empêchèrent de se porter au premier rang, allait enfin se donner une direction : politique, à travers le discours attendu de son nouveau leader ; opérationnelle, via le nouveau secrétariat national dont chaque impétrant (c’est-à-dire, au regard des us et coutumes : la quasi-totalité des présents) attendait l'annonce. Seule avait prévenu de son refus d'y participer la liste issue des flancs d'une partie du courant du ministre de l'économie sociale et solidaire. Soit qu'elle eut déjà pressenti qu'elle aurait mieux à faire ailleurs, soit, plus probablement, qu'elle eut déjà assuré ses arrières pour les échéances futures.
Sans m'y être rendu, j'imagine pourtant aisément la scène, pour y avoir si souvent assisté. Au premier rang (l’on a beau être socialiste, les hiérarchies, cela existe !) les caciques de tous ordres : ministres, présidents d’assemblées, maires de grandes villes, anciens ou futurs secrétaires nationaux se congratulent sans tendresse. Tous et toutes, en effet, se connaissent depuis trop longtemps. C'est leur profil, figé, comme à chaque fois, mi-ennuyé, mi-sérieux, que viendront saisir les caméras. Et le militant, resté devant son écran, de scruter les images, conjecturant, un peu comme autrefois à partir des photos du balcon du Kremlin, les raisons de l'absence d'un tel ou de la proximité d'un autre avec un adversaire de toujours. Ici ou là s'agitent pour se faire remarquer celles ou ceux qui n'ont pas encore acquis assez d'influence pour que l'on vienne à eux. Et puis tous ces petits signes en direction des Importants, cette docilité à l'égard des puissants qui révolteraient leurs prédécesseurs, farouches combattants de l'égalité, au moins jusqu'à l'orée des années 80, avant que la professionnalisation, la technocratisation et la médiatisation de la politique n'imposent ces nouveaux rites ! Toutes et tous sont, en tout cas, sereins ! Comme à l’habitude, rien ne viendra perturber ou bousculer les accords négociés en amont dans l'ombre de centaines de petit-déjeuners où ministres et sous-ministres convient à tour de bras obligés...et concurrents. Mais cette année, le plateau est relevé : certains Anciens ont bien pu laisser filtrer qu'ils n'entendaient plus se mêler des affaires du parti, ils n'y ont pas moins délégués leurs représentants attitrés, collaborateurs ou suppléants, bref, des affidés. Auxquels il aura fallu ajouter les « proches » (pourquoi pas les frères ou les parents ?) des ministres importants qui considèrent qu'en décrochant un portefeuille, ils se sont ouverts un compte-courant sur le fonctionnement du parti. D'où, au final, un secrétariat national pléthorique de plus d'une cinquantaine de membres. Qui fait malgré cela des déçus, et qui, s'il garantit à chacun de ses titulaires un siège, ne leur donne pas pour autant une place à Solferino. De mémoire, même transformé en champ de bataille, l'immeuble ne peut accueillir plus d'une vingtaine d'élus avec tout l'appareillage qui convient (bureaux, téléphones et secrétariat). C'est en tout cas ainsi que je l'ai connu.
Qu'espérer d'un rassemblement aussi hétéroclite où les compétences comptent moins que les parrainages ? Qu'attendre d'une « équipe » (coalition ?) pesée au trébuchet des sensibilités comme des susceptibilités, négociée au plus juste par des boutiquiers sans vergogne ? Comment s'étonner alors que la promesse qui nous avait été faite par le futur premier secrétaire d'une nouvelle convention sur la rénovation soit passée à la trappe ? « Il est déjà, comprenez-vous, si difficile de s'entendre entre gens du même monde que laisser entrer militants et citoyens ne pourrait que rendre l'exercice impossible ! ». Ce sont les mots de toute oligarchie... Quant au fond, que penser du discours qui suivit : un honnête commentaire de l'action du Président (partagé par tous?), une utile offensive contre l'arrogance et l'indécence de la droite... et, encore et toujours, l'inusable méthode Coué pour « expliquer » comment mobiliser les Français, ramener nos alliés à leurs responsabilités et faire du PSE un allié du changement ! Et encore et toujours, ces formules toutes faites pour « démontrer » que l'ambition du PS « c'est de transformer le pays par la justice sociale », ce dont les Français ont pourtant commencé à douter. Aussi en faudrait-il plus pour leur ôter pareille idée !
Le changement ne pourra pourtant pas l'emporter si le PS ne commence pas par changer lui-même. De fonctionnement ? C'est raté, la boulimie de postes tenant lieu de stratégie. De discours ? C'est manqué, les mêmes formules tenant lieu de message adressé aux Français. À peine égayé par une éternelle citation de Jaurès (qui m'a fait savoir qu'il commençait à en avoir assez de servir d'antisèche à des orateurs en mal d'idées) et, plus original, de Clemenceau, ce qui témoigne de l'influence croissante sur le cortex socialiste du ministre de l'Intérieur dont le Tigre reste le mentor. Croirait-on que l'Europe est en crise, la gauche en difficulté, l'opinion en apnée ?
Bah, ce n'était donc pas à la Mutualité qu'il fallait chercher des moyens de se divertir...ni même des raisons d'espérer. Socialiste, mon frère, quand auras-tu le courage et la lucidité de regarder cette parodie pour ce qu'elle est et d'exiger qu'elle cesse ? Admettons que les bureaucraties se sont rarement réformées d'elles-mêmes. Alors que faire ? Lutter, réagir, dénoncer, moquer, tempêter... il en sortira bien quelque chose !
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Au moment où le groupe communiste vote pour la deuxième fois contre un projet gouvernemental, et alors que certains chez les Verts (du Sénat, encore !) mettent en question leur participation au gouvernement, la question ne peut manquer d'être posée.
D'autant que le plan annoncé la semaine dernière par le Premier ministre a soulevé, par son contenu, et inéluctablement, le même type d’interrogations. Il n'est qu'à en juger par les réactions qu'à la Cgt, comme ailleurs, il a pu susciter.
Pour autant, l'éclatement de la majorité ne constitue encore, pour reprendre les termes du Président, qu'une « possibilité ». C'est-à-dire, à ce stade, tout sauf une fatalité. Mais les signes d'un « possible » divorce s’accumulant, peut-être serait-il temps d'ouvrir la phase de conciliation ! Et ceci avant que la confusion ne soit trop grande et vienne brouiller le message de sérieux et de rassemblement du chef de l'État.
Que souhaitent nos partenaires ? Être associés plus étroitement aux projets, avant de l'être au bilan, de ce gouvernement. Il n'y a pas là matière à fâcherie. Et avant d'en venir à la question de la garde des enfants, une solution pourrait sans doute être trouvée sur la gestion du compte commun. Ainsi, aurait-il été habile de négocier en amont de la loi de finances comme de la loi de financement de la sécurité sociale, les amendements susceptibles de permettre à nos alliés de les voter avec les honneurs. De même, pourrait-on faire consciencieusement l'effort d'intégrer les enjeux environnementaux dans chacune de nos initiatives. À la condition toutefois, et c'est cette vérification qui devrait être opérée sans tarder, que nos alliés partagent la préoccupation vitale qui est la nôtre de désendetter le pays pour lui redonner des marges de manœuvre. Et s'engagent clairement à soutenir les mesures qui en découlent. Cette politique ne peut en effet réussir que si elle inspire une vraie confiance aux entreprises comme aux salariés, et plus largement à tous les citoyens qui aspirent au redressement du pays. Confiance qui ne saurait résister longtemps à une guerre larvée au sein de la majorité tant elle suppose de la clarté, comme l'a justement souligné F. Hollande mardi dernier.
Aussi vaudrait-il mieux, faute d'une véritable entente sur l'essentiel à gauche, se tourner vers une autre formule, qui serait alors plus en phase avec les exigences du moment : celle d'un gouvernement de l'intérêt général associant, sans exception, tous ceux qui seraient prêts à soutenir la politique du chef de l'État ! Oh, j'entends déjà les objections : cela ne se fera pas, le Président n'en voudra pas, parce que ce serait ouvrir un boulevard à J.L Mélenchon !
Et alors ? On l'a bien compris, cette hypothèse n'est pas celle que je privilégie. Mais, faute d'accord sur l'essentiel avec une gauche de la gauche qui refuserait de prendre ses responsabilités, une telle démarche n'aurait-elle pas l'avantage de placer chacun devant ses responsabilités ? Et où est-il gravé dans le marbre que la gauche ne pourrait faire le pari du redressement économique et financier sans se trahir ? N'est-ce pas l'intérêt du pays qui devrait prévaloir ? Et celui-ci n'exige-t-il pas l'identité de vue et la solidarité de celles et ceux qui le dirigent ? Ne serait-ce pas l'occasion de sortir des postures qui amènent chacun à masquer sa part de vérité ? Mélenchon ne pourrait-il accepter d'être le Thorez de la Libération pour qui la reconstruction du pays valait bien de « savoir terminer une grève » ? Et Bayrou voire Borloo, de faire passer le pays avant leur parti-pris ? La radicalisation de l'UMP ne devrait-elle pas les amener à cette conclusion ? Au fond, si la crise est si grave qu'on le dit (avec raison), cela ne devrait-il pas conduire tous les vrais patriotes (ah le joli mot) à mettre leur petites querelles et leur vieillot train-train de côté et rendre de nouveau les Français fiers de leurs représentants ? Et laisser ricaner dans leur coin bretteurs de tout poil, lutteurs de foires d’empoigne, gagne-petit des escarmouches partisanes et autres sicaires médiatiques, tous de peu de foi... Je m’emporte, certes, mais ne serait-ce pas là le prix de la clarté ? Ah, si seulement...
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Observateur éminent et lucide du socialisme européen, G. Grunberg, dans un récent papier pour Télos (à lire à cette adresse : http://www.telos-eu.com/fr/laggiornamento-socialiste-une-necessite-absolue.html), explique la difficulté qu'éprouve le gouvernement à relever le défi de la compétitivité par les œillères idéologiques que porterait encore le PS français. Faisant en cela écho aux propos de Pierre Moscovici, qui parlait pour le plan adopté la semaine dernière de « révolution copernicienne », il invite plus précisément les socialistes à admettre une fois pour toute que la gauche réformiste travaille par compromis et non dans l’affrontement. « Encore un effort pour être social-démocrate », plaide-t-il au fond !
Si l'on peut être en accord au moins sur un point avec Grunberg, c'est que le PS au pouvoir, de tout temps mais c'est encore plus vrai aujourd’hui, n'a pas le discours de sa politique. Le discours, tel qu'on a pu l'entendre à Toulouse, est (platement) anticapitaliste, dirigé avec véhémence contre ses ennemis héréditaires que sont les banques, la Finance, les grands patrons... Sans jamais indiquer comment concrètement leur faire rendre gorge.
À quelques jours de distance, sans doute faut-il se réjouir que personne ne prête plus d'attention à ces déclarations qu'elles n'en méritent, puisque les mesures annoncées pour soutenir la compétitivité n'en portent aucune trace, à travers notamment une aide de 20 milliards accordée aux entreprises sans aucune contrepartie : défiance au-delà de la Garonne, confiance en deçà... Admettons-le avec Grunberg, tout cela manque un peu de cohérence. Mais c'est peut être faire trop de crédit aux dirigeants du PS de penser que là serait leur souci...
Faisons néanmoins comme si... ! Pour réduire ce hiatus, qu'il dénonce justement, Grunberg nous propose d'aller jusqu'au bout dans la conversion au réformisme et de rallier, non seulement dans la lettre, mais dans l'esprit, la sociale-démocratie. Celle-ci, argumente-t-il, n'est-elle pas fondée sur la « théorisation » de l'équilibre à trouver entre le social et l’économique, entre patrons et salariés dans l'intérêt de la société tout entière ? Sans doute : et la Suède, avant l'Allemagne, a montré les formidables résultats qu'un tel système, fondé sur la négociation, pouvait permettre d'atteindre. Mais la référence sociale-démocrate a-t-elle encore un sens ? Et la sociale-démocratie ne fut-elle pas moins un modèle qu'un moment ? Et un moment aujourd'hui dépassé ? Son projet consistait à échanger de formidables progrès de productivité contre des salaires et une protection sociale élevés. Ses conditions de réussite reposaient sur des instruments aujourd'hui obsolètes : la croissance et le plein emploi. Enfin, son efficacité dépendait de la capacité de mobilisation de syndicats forts. Face à une telle description, le constat s'impose de lui-même : outre qu'aucun de ces ingrédients n'est plus aujourd'hui réuni y compris dans les pays qui ont su si bien les accommoder, la France n'en a, de son histoire, jamais disposé et il y a fort à parier, en dépit des efforts du gouvernement pour faire revivre une forme de paritarisme, qu'elle n'en disposera pas de sitôt.
Dès lors, plutôt que de se soumettre à des schémas dépassés, et sans rapport avec notre culture politique, n'est-ce pas plutôt sur un autre terrain qu'il conviendrait de se placer pour trouver la cohérence demandée entre rhétorique de parti et politique de gouvernement ? La question posée à la gauche n’est-elle pas en effet plutôt d'inventer un nouveau modèle ou de s'inscrire dans un autre « moment » ? La crise que nous affrontons n'est pas le énième épisode d'une alternance cyclique entre phases d'expansion et de ralentissement. C'est au contraire une mutation du système économique tout entier provoquée, entre autre par la crise énergétique, et conditionnée par la problématique du réchauffement climatique et du recul de la biodiversité. C'est dans cette perspective, qu'à l'instar de la crise de 29, les socialistes doivent se placer. Et c'est cette pédagogie qu'ils devraient faire : celle d'un éco-socialisme faisant jouer, pour organiser la société autour de la recherche du bien commun, à la question environnementale le rôle qu'a pu tenir au XXème siècle la question sociale. Dans ce contexte, ce qu'il faut reprocher au plan annoncé par Jean-Marc Ayrault, c'est moins sa nature (l'efficacité demande le pragmatisme) que son absence de mise en perspective autour de l'absolue nécessité de réorienter et notre façon de produire et notre façon de dépenser. Bref, ce qui fait défaut à gauche aujourd’hui, c'est une capacité à articuler le présent et l’avenir, les enjeux du moment et ceux du plus long terme, le programme et le projet. Au passéisme du discours dominant au PS, s'ajoute le « présentisme » obligé du gouvernement. Un excès d'optimisme pourrait nous amener à conclure que le PS pourrait choisir enfin de se tourner, non vers la social-démocratie, cher Gérard, mais vers l'éco-socialisme de demain..., bref de préférer à la facilité des discours d'hier le souci de l'analyse de ce qui est en train d’advenir !
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La question de la présence médicale dans nos départements est devenue de plus en plus cruciale. De très nombreuses communes, dans la France entière, sont confrontées à un déficit dramatique de médecins. Or, le droit d’être soigné, même s’il s’exerce à travers des professions libérales, constitue le premier des services que la collectivité doit rendre à ses concitoyens.
C’est la raison pour laquelle, sans remettre en question la liberté d’installation, j’ai souhaité déposer, dans le cadre du débat sur le Projet de Loi de Financement de la Sécurité Sociale (PLFSS) qui s’engagera lundi au Sénat, un amendement qui mette à la charge de chaque médecin une obligation spécifique de service public. Celle-ci devrait se traduire par une obligation d’exercer au moins 12 mois sur l’ensemble de sa carrière dans une zone déficitaire. Cette mesure serait évidemment provisoire, et ne s’appliquerait que pour autant que les déficits en médecins continuent.
Ce serait une manière d’inciter les médecins à s’installer, fût-ce provisoirement, dans des zones non ou mal pourvues, pour faire face aux besoins de la population. La totale liberté d’installation actuellement laissée à ces professionnels ne peut en effet déboucher sur l’absence totale ou quasi-totale de présence médicale dans certains secteurs, qui représentent pour les populations âgées ou les plus vulnérables, un danger que le devoir des pouvoirs publics est de prévenir et d’empêcher.
Il ne s’agit évidemment pas de stigmatiser une profession qui exerce dans des conditions souvent difficiles mais de tout mettre en œuvre pour que certaines populations ne soient pas purement et simplement abandonnées.
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Si l'on veut bien considérer qu'un bon diagnostic est le préalable indispensable à la qualité du traitement prodigué, alors il faut se féliciter du rapport que le Premier ministre a commandé à Louis Gallois.
Faut-il en dire autant du plan finalement adopté par le gouvernement ? Commençons par le constat ! Une chose est de s'inquiéter de la situation de notre industrie, une autre est de savoir qu'en 10 ans celle-ci à vu s'effondrer sa contribution à la richesse nationale, avec à la clef la disparition, nette, de centaines de milliers d'emplois. Le redressement passe évidemment par des mesures structurelles : développement de l'effort de recherche, en particulier à l'initiative du secteur privé, organisation de filières, aide au financement des entreprises de taille intermédiaire. Mais celles-ci, pour indispensables qu'elles soient, ne produiront leurs effets que dans plusieurs années. Or, c'est immédiatement qu'il faut agir : la poussée du chômage témoigne de l'absolue nécessité d'un choc, qu'on l'appelle comme on veut, si l'on ne veut pas laisser la situation continuer à se dégrader.
Mais comment faire ? L'outil monétaire, la dévaluation, si souvent utilisée dans notre histoire, n'est désormais plus disponible. Les moyens pour relancer le pouvoir d'achat font défaut d'autant qu'une éventuelle relance de celui-ci pourrait servir plus aux importations qu'à la croissance. Dès lors, il n'existe que deux options.
Soit un choc budgétaire, consistant à injecter 30 Mds€ d'investissements publics dans l'économie, ce qui supposerait que nous obtenions de l’Europe que les dépenses d'avenir soient décomptées du plafond de 3% s'appliquant aux déficits. Pourraient en bénéficier les infrastructures publiques : ainsi la SNCF bute sur la question du renouvellement de ses rames Corail, soit 4, 5 Mds € dont pourrait bénéficier Alstom...
À gauche, c'est évidemment cette solution qui aurait dû avoir notre préférence sauf qu’elle est aujourd'hui hors de portée, compte-tenu de l’attitude de nos partenaires.
Soit, comme le propose Gallois, un choc de compétitivité, c'est-à-dire une baisse spectaculaire des cotisations sociales pour dégager les marges des entreprises et les faire bénéficier, face à leurs concurrents, d'une diminution de leurs coûts. Cette baisse pouvant s'accompagner de la conclusion de contrats avec les branches professionnelles, pour faire du doublement du nombre de jeunes accueillis en alternance la contrepartie de l'aide apportée...
C'est pourtant une 3ème solution qu'a choisie le gouvernement ! Le recours, habile, au crédit d'impôts s'apparente à la formule préconisée par L. Gallois. En revanche, son délai de mise en place fait qu’elle ne s’appliquera qu'en 2014. Et même si l'on peut espérer que les entreprises anticipent son impact, celui-ci ne pourra se faire immédiatement sentir. Les prochains mois risquent dès lors d'être particulièrement difficiles, en particulier sur l'emploi. Ce qui, pour la gauche pourra se traduire par l'éloignement, déjà amorcé, de son électorat. Joint à la faiblesse économique actuelle, cet affaiblissement politique pourrait lui coûter cher. Aussi, ne devrait-elle pas, en parallèle, faire le choix de s'inscrire sans naïveté dans le rapport de forces que cherchent à nous imposer les adversaires d'une politique de justice ? Le recul devant les « pigeons » ou sur les œuvres d'art dans l'assiette de l'ISF, le compromis très insatisfaisant conclu sur les dépassements d'honoraires, laissent en effet à nos concitoyens le sentiment que la gauche risque, une fois de plus, d'oublier ses bases !
Il n'est pas trop tard pour reprendre certaines de ces mesures : comment justifier par exemple que le créateur de start-up qui réalise sa plus-value en vendant son entreprise ne soit pas nettement plus taxé, s'il décide de vivre de ses rentes, que s'il réinvestit son revenu ? Il en va de même du propriétaire d'une œuvre d'art valant plus de 50.000€, dont l’argent serait aujourd’hui plus utile à la croissance! Une bonne politique ne doit jamais regretter d'obtenir la bienveillance de ses adversaires ou des sceptiques. Mais elle ne mène à rien sans la confiance de ses soutiens.
Bref, une économie plus compétitive, c'est bien ! Avec un gouvernement compétitif, c'est mieux !
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Vous pouvez lire le rapport que je viens de rendre sur le projet de loi relatif à la retenue des étrangers en cliquant sur le lien suivant :
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La commission des Lois du Sénat a adopté mardi en l'amendant légèrement un projet de loi qui prévoit de remplacer la garde à vue des sans-papiers, devenue illégale, par une "retenue" pouvant aller jusqu'à seize heures, a indiqué à l'AFP son président Jean-Pierre Sueur (PS).
Un amendement du rapporteur Gaëtan Gorce aménage cette durée en la
divisant en deux phases "pour prévenir d'éventuels abus sans gêner
le travail de la police et des préfecture". Au terme d'une
première phase de 10 heures, l'officier de police judiciaire s'il
veut prolonger la rétention, pour un maximum de 6 heures, devra en
informer le procureur et en indiquer les motifs.
Il ne pourra demander cette prolongation que si la situation de
l'étranger n'a pu être établie ou s'il n'est pas encore sous le
coup d'une mesure d'éloignement mais est susceptible de l'être.
Un autre amendement adopté stipule que la personne retenue ne peut
être menottée, entravée, ni fouillée au corps et ne peut être
placée dans un local de garde à vue.
"Ce projet de loi ponctuel constitue est un vrai progrès avec un
encadrement des conditions de la retenue qui nous paraissent
protectrices, une durée de 16 heures contre 24 heures
précédemment", a indiqué à l'AFP le sénateur PS Gaëtan Gorce.
"Notre amendement améliore encore les garanties notamment face à
un lenteur éventuelle de l'administration à fournir les données"
a-t-il ajouté.
Pendant les seize heures, l'étranger aura droit à un avocat, à un
médecin, à l'aide juridictionnelle et peut contacter une personne
de son choix, selon le texte.
Cette retenue est vivement décriée par les associations qui la
qualifient de "régime d'exception".
Le texte abroge par ailleurs "le délit de solidarité" pour les
personnes aidant de manière désintéressée un étranger en situation
irrégulière, une mesure essentiellement symbolique qui a, elle,
été saluée par les militants des droits de l'Homme.
Le projet de loi viendra en séance le mercredi 7 novembre.
Dépêche AFP
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Dans un livre magnifique, "Le choix de Sophie", William Styron mettait en parallèle le destin tragique de la Pologne et celui du Sud des États-Unis, "nations" marquées l'une et l'autre par l'impossibilité d'exister, travaillées au fond par le mal morbide du racisme, de l'antisémitisme. Cette fêlure fût au cœur de l'œuvre de nombre des écrivains qui y sont nés, partagés entre la douleur et le remords de la faute et l'amour de la patrie perdue. Robert Penn Warren est de ceux-là, peut-être parmi les plus grands, qui choisit de quitter le Sud pour mieux, de livre en livre, s’y retrouver.
Si chaque homme est de la patrie de son enfance, le seul moyen pour mettre fin à ce long exil qu'est la vie qui va n'est-il pas d'y retourner ? Avec une douce nostalgie. Ou bien au contraire cette irrépressible colère dont Jed, le héros de Warren dans "Un endroit où aller", ne peut se débarrasser ? Colère qui l'entrave, l'empêche d'aimer, c'est-à-dire de croire et le renvoie sans cesse à sa destinée, celle d'un orphelin pauvre du Sud expédié, il n'y a pas d'autre mot, par sa mère hors du cercle de la misère qui entoure le comté de Dongton-Alabama ! Se pardonne-t-on jamais la pauvreté de ses parents ? Une fois que l'on y a échappé, ne ressent-on pas encore plus fortement l'injustice qui les a frappés et le malheur que fut leur vie ? Un peu comme des survivants portent en eux la culpabilité d'être encore là. Seul le temps, ce "grand consolateur", apaisera le héros de RPW, lui apprendra qu'il n'y a pas d'autre "endroit où aller" que celui que nous réserve, de toute éternité cette fois, notre condition de mortel.
Pour Warren, notre monde, "trop humain", est ainsi fait d'envers et d'endroit, d'un constant dédoublement qui rend si difficile de séparer le bonheur de la peine, le bien du mal. Camus n'est pas loin. On pense irrésistiblement à son "Premier Homme", homme sans héritage qu'exalte (ah ces pages sur le jeu des enfants sous le soleil d'Alger! ) et angoisse à la fois le sentiment d'une totale et pleine liberté, d'une vie à inventer. Mais le propos de Warren n'a pas même cet optimisme. Son héros est plus brutal et son attachement subtil à Dante comme son succès universitaire masquent mal une force intérieure dont la violence, pas toujours contenue, reste le ressort premier. Et que seule alimente et canalise à la fois, comme chez Camus, comme chez le merveilleux Gary de la "Promesse de l'aube", l'image de la mère...
C'est que Warren nous parle de choses simples. Et d'abord de cette grande chose qu'est la vie, si grande qu'elle se révèle vite impossible à remplir. Pas même par l'amour ! Pas même par le travail. Pas même par la connaissance. Rien n'y suffit. Admirable récit où tout se prend, s'apprend, se conquiert, s'arrache pour toujours s'évanouir comme si le secret était dans l'instant qui s'enfuit et qu'il faut capturer par la sensation puis la mémoire. Comme si le bonheur, si court, si implacable dans sa brièveté, c'était précisément, simplement, d'être au monde ! L'autre remède, veut pourtant croire Warren, se trouve dans le lieu d'où l'on vient. Qui nous fournit un bagage, nous donne une mission et avec elle un sens à la vie. Mais que faire si la vie nous en arrache ou nous le rend impossible à rallier, comme ce Sud aimé et haï à la fois qui est, pour Jed comme pour Warren, le seul endroit où vivre et où tout leur interdit pourtant de revenir... Magnifique roman de l'errance qui nous renvoie à chaque étape à nous-même, pour autant que nous voulions bien consentir à réfléchir sur ce qui fait et le sel et le goût amer de l'existence.
Rédigé par Gaëtan Gorce | Lien permanent | Commentaires (0) | TrackBack (0)