Monsieur le Premier Ministre,
Comme chef de gouvernement, vous êtes responsable du comportement de chacun de vos ministres.
Or, vos ministres de l'Éducation nationale et de l'enseignement supérieur viennent de lancer un appel d'offre pour recruter une société dont la mission sera, je cite (et j'ai là le document) de « surveiller : les leaders d'opinions, les sites de syndicats, de partis politiques ou de simples militants, les blogs, les pages personnelles et toutes le formes de diffusion (vidéo, etc) sur le net ».
En cette période de disette budgétaire, c'est à un véritable système de surveillance généralisé de la toile que vos ministres s'apprêtent à consacrer près de 250000 euros par an. Chacun se souvient ici de la vidéo diffusée sur internet dans laquelle Monsieur Darcos confondait allègrement les écoles maternelles avec les nurseries. On aurait pu penser que votre ministre se serait interdit à l'avenir de prononcer de pareilles inepties. Il a manifestement préféré décider d'en empêcher la diffusion.
Pour vous faire faire des économies, c'est à dire sans qu'il soit nécessaire de surveiller la toile, je peux d'ores et déjà vous dire que cette initiative suscite une légitime émotion et soulève plusieurs questions.
Institutionnelle tout d'abord : en quoi une telle initiative relève-t-elle des compétences de l'Éducation nationale, qui, je le rappelle est destinée à former des esprits libres et non à contrôler ceux qui exercent cette liberté?
Une question politique ensuite : quelle est la justification d'un tel projet? Le gouvernement est-il si peu sûr de sa politique qu'il se sente obligé en reprenant le pouvoir sur la télévision publique, en créant des fichiers, en surveillant le net, de contrôler toute forme d'expression?
Une question de liberté publique, enfin : comment pourrez-vous garantir que lorsque ces informations seront diffusées par des enseignants, ceux-ci ne feront l'objet d'aucune sanction, ni brimade administrative? Et commet justifier que ce système de surveillance puisse aussi porter sur des mineurs, qu'ils soient collégiens ou lycéens?
La République avait jusqu'à présent coutume de distinguer le Ministère de l'Éducation nationale de celui de la police. Approuvez-vous, Monsieur le Premier ministre, une initiative qui reviendrait à faire des services de communication de l'Éducation nationale une annexe des Ex-Renseignements généraux?